Les États-Unis risqueront-ils une action militaire en l'Iran?

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MOSCOU, 27 janvier - par Piotr Gontcharov, commentateur de RIA Novosti. Les propos émis par le président américain George Bush sur la chaîne NBC au sujet du programme nucléaire iranien ont été largement diffusés par les médias. Tout le monde les a interprétés comme l'intention des États-Unis de lancer au besoin une action militaire contre l'Iran. Or il convient de prendre en compte certaines nuances de sa déclaration et de la situation d'ensemble.

"J'espère que nous pourrons le régler par des moyens diplomatiques", a indiqué M.Bush s'agissant du problème nucléaire iranien. "Mais je ne renonce pas à toute autre solution", a-t-il averti la communauté mondiale prête à pousser un soupir de soulagement.

La diplomatie ou la guerre? Les deux options ont été énoncées en même temps. Mais après que le vétéran du journalisme américain Seymour Hersh eut annoncé que les autorités américaines envisageaient la possibilité de porter des frappes contre des cibles militaires en Iran, tout le monde en a conclu que la guerre serait inévitable, si les attentes de George Bush ne débouchaient sur rien par voie diplomatique.

Washington estime qu'après avoir créé son propre programme d'enrichissement d'uranium, l'Iran - un pays de "l'axe du mal", selon les États-Unis - cherchera à développer des armes nucléaires. L'Iran, quant à lui, fait valoir ses droits à réaliser son programme de réacteur nucléaire à cycle fermé et souligne le caractère civil de ses projets. Washington ne croira jamais les assurances de Téhéran et exigera qu'il abandonne complètement son programme nucléaire. Téhéran n'y consentira jamais. Selon la plupart des experts, nous sommes entrés dans un cercle vicieux qui rend illusoire les espérances de George Bush de régler la question par voie diplomatique, alors que la deuxième partie de sa déclaration paraît tout à fait réaliste.

Quant aux "options" mentionnées par le président américain, les États-Unis n'en ont pas beaucoup. Outre l'éventuelle action de destruction des installations nucléaires suspectes, il reste un autre moyen d'influer sur l'Iran, à savoir lui imposer des sanctions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Mais tout dépend ici de la position du Conseil des gouverneurs de l'AIEA qui ne juge pas nécessaire de transmettre le dossier iranien au Conseil de Sécurité en dépit des efforts déployés par les États-Unis.

La diplomatie américaine n'a pas caché son mécontentement après une résolution jugée "trop timide" prise par les gouverneurs de l'AIEA. Dans ce contexte, Jackie Sanders, chef de la délégation américaine aux négociations entre la "troïka" européenne et l'Iran à Vienne, a même promis de soulever la question des sanctions au Conseil de Sécurité de l'ONU de manière unilatérale, sans attendre une décision de l'AIEA. Mais cette démarche ne donnera pas le résultat tant souhaité par les États-Unis. Du fait que l'AIEA ne considère pas l'Iran comme coupable et que le Conseil de Sécurité n'a pas de raison de ne pas agréer cette opinion, les États-Unis risquent de se retrouver complètement isolés ce qui est pire que le cas de l'Irak.

Il est vrai que les États-Unis peuvent initier ce vote notoirement inefficace, s'ils souhaitent porter une frappe contre l'Iran, pour démontrer au monde entier que tout le potentiel diplomatique est épuisé et que l'action militaire est la seule solution possible.

Cependant les États-Unis ne se décideront pas à une opération militaire contre l'Iran dans un avenir proche. Leurs généraux ont beau déclarer que la présence des troupes américaines en Irak n'empêche pas les États-Unis d'attaquer un autre pays, par exemple l'Iran. Washington comprend bien que l'Iran ne présente pas de menace nucléaire pour les États-Unis ni Israël. Selon les prévisions les plus drastiques, même si l'Iran arrive à développer des armes nucléaires, il n'y parviendra que dans 7 ou 10 ans. Le bombardement de certaines installations suspectes en Iran ne fera que servir de prétexte à l'Iran pour justifier une riposte et l'utilisation d'armes conventionnelles contre Israël, d'autant que l'Iran dispose des armements appropriés pour ce faire. Quant à Israël, il est censé avoir des armes nucléaires à la différence de l'Iran.

Introduire des troupes en Iran serait suicidaire pour les États-Unis dont les actions en Irak sont loin d'être fructueuses. D'une part, le potentiel militaire iranien est beaucoup plus important que celui de l'Irak et il n'est pas question d'une guerre éclaire. D'autre part, l'introduction des troupes conduira l'Iran et l'Irak à créer un front antiaméricain uni ce qui peut avoir des conséquences désastreuses pour les États-Unis.

Enfin, l'action militaire des États-Unis contre l'Iran ne sera pas appuyée par leurs principaux alliés européens - la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France - qui mènent des négociations avec Téhéran en vue de signer, en juin 2005, un accord universel garantissant le caractère purement civil du programme nucléaire iranien.

Téhéran a, sans doute, raison de croire que les États-Unis mènent une guerre psychologique contre l'Iran dans l'espoir de lui faire abandonner son programme énergétique nucléaire.

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