Profil (revue hebdomadaire)
Des experts commentent les conséquences éventuelles des protestations massives en Russie
En 2004 la cote de popularité du président Vladimir Poutine a chuté de 10%, d'après les plus grands centres d'étude de l'opinion publique. En janvier, compte tenu des protestations massives contre le remplacement des avantages en nature par une indemnité en espèces, la chute risque d'être encore plus importante. Par exemple, d'après la fondation sociologique "Opinion publique", la popularité du président a diminué d'encore 5% depuis le début de l'année, annonce l'hebdomadaire "Profil".
De l'avis du directeur du groupe analytique Merkator, Dmitri Orechkine, c'est le début d'un processus irréversible. "Poutine est entré dans l'époque de la popularité politique descendante".
Le directeur des recherches du Centre national de l'opinion publique, Vladimir Petoukhov, estime que la colère du peuple a montré subitement que le gouvernement et le président agissent contre la nouvelle volonté de la société. "L'ancienne demande de la stabilité et de la sécurité, en réalisant laquelle Poutine s'est fait élire président à deux reprises, a fait son temps à bien des égards", affirme-t-il. Quant à la nouvelle demande de la société qui souhaite atteindre une "qualité de vie nouvelle", les autorités lui tournent le dos. La monétisation des avantages sociaux, puis de la santé publique et de l'enseignement en est une confirmation.
Un expert de la Fondation Gorbatchev, Valeri Solovei, estime, lui, que les actions de protestation ont brisé le stéréotype psychologique donnant pour vérité l'absence en Russie de populations capables de sortir dans la rue. D'autre part, on a vu que le pouvoir risque de se trouver dans une posture défavorable et que les forces de l'ordre ne sont pas très pressées de le défendre. Les retraités sont sortis dans la rue, la partie la plus loyale de la population du pays. Cela veut dire que des changements importants s'opèrent dans la conscience sociale.
Le président de l'Institut de la stratégie nationale, Stanislav Belkovski, n'exclut pas que les actions de protestation bénéficient d'un soutien tacite des autorités régionales et municipales, mécontentes de la politique du Centre fédéral et enclines à profiter de la colère populaire pour faire pression sur le Kremlin.
Dans cette situation, celui qui a le premier l'idée de former une association, par exemple de réunir les bénéficiaires d'avantages sociaux mécontents de la réforme, pourrait prendre la tête d'une véritable opposition massive.
Gazeta
Des dirigeants de Ioukos demandent le droit d'asile
L'année dernière encore les top managers de Ioukos passaient une partie de leur temps à Londres où se trouve le siège de la compagnie. Mercredi il est devenu évident qu'ils n'avaient pas l'intention de rentrer en Russie. Intervenant à Strasbourg à la session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Malcolm Bruce, membre de la chambre des communes de Grande-Bretagne, a déclaré que le Directoire de Ioukos avait demandé le droit d'asile aux autorités britanniques. Selon Malcolm Bruce, l'Europe serait prête à accéder à la demande des pétroliers, écrit le quotidien Gazeta.
C'est vrai que pour les dirigeants de Ioukos restés en Russie, la demande d'immigration constitue une nouvelle. Les représentants de la compagnie affirment que les membres du Directoire et du Conseil d'administration ne sont pas disposés à devenir des réfugiés. J'ai l'impression que les propos tenus par Malcolm Bruce ont mal été interprétés et qu'il s'agit simplement d'une éventuelle demande d'asile et non pas d'un fait établi, a déclaré la source au sein de la compagnie pétrolière. Il semble au demeurant que les managers résidant à Londres n'aient pas tenu informés leurs collègues de Moscou.
Le directeur adjoint du Centre de technologies politiques, Alexeï Makarkine, estime qu'après la résolution de l'APCE les dirigeants de Ioukos disposent d'un document laissant entendre que l'affaire Ioukos est marquée par une forte empreinte politique. Désormais, les dirigeants de Ioukos peuvent demander aux gouvernements des pays européens de les protéger contre une extradition. "Si la composante politique se confirme, alors l'octroi du droit d'asile est très probable", relève Alexeï Makarkine.
De l'avis de plusieurs experts, en déclarant que l'affaire Ioukos a une connotation politique, les dirigeants de la compagnie tentent de se prémunir contre des poursuites pour infractions économiques. Autrement, la Grande-Bretagne n'aurait aucune raison de ne pas les livrer.
Vedomosti
Vladimir Poutine a autorisé à restreindre les appétits du fisc
Le vice-premier ministre Alexandre Joukov et le ministre des Finances Alexei Koudrine ont proposé au président Vladimir Poutine d'amender le Code fiscal de façon à ce qu'il restreigne substantiellement la liberté des actions du fisc.
Vladimir Poutine a approuvé cette initiative, a-t-on confirmé à l'administration présidentielle. Les amendements au Code fiscal doivent être examinés par le gouvernement en mars, pour les soumettre au printemps à la Douma (chambre basse du parlement russe).
Le quotidien "Vedomosti" dispose d'une note expliquant le sens des propositions faites au Kremlin par Alexandre Joukov et Alexei Koudrine.
La faible réglementation législative des inspections fiscales a des "effets très négatifs sur l'attrait de la Russie pour les investisseurs", car le fisc interprète d'une manière arbitraire ses pouvoirs, soulignent les auteurs de la note.
Par exemple, le Code fiscal interdit aux agents du fisc de faire des inspections deux fois pendant une même période, mais les fonctionnaires font fi de cette interdiction, en procédant aux inspections réitérées sous prétexte de contrôler le travail de l'organe fiscal inférieur. Dans la plupart des cas, cette vérification réitérée conduit aux redressements fiscaux et les inspecteurs qui "n'ont pas remarqué" les infractions pendant la première inspection restent impunis.
Alexei Koudrine et Alexandre Joukov proposent d'amender la loi pour que le contrôle du travail des fonctionnaires inférieurs n'entraîne pas les inspections réitérées des contribuables et pour que la possibilité d'exiger les redressements fiscaux n'apparaisse qu'à la suite des abus administratifs et des délits établis par le tribunal: la corruption, la falsification des documents, etc.
Il convient de priver les agents du fisc du droit d'exiger que les entreprises et leurs partenaires présentent pratiquement toute la documentation. Puisque la vérification réciproque n'est pas réglementée, les compagnies ne bénéficient pas souvent, pour des raisons qui ne dépendent d'elles, des facilités fiscales auxquelles elles ont le droit, estiment les auteurs de la note.
Nezavissimaïa gazeta
La Biélorussie entend ne plus dépendre du gaz russe
Le leader de l'opposition biélorusse, Vladimir Perfenovitch, a déclaré que les dirigeants biélorusses avaient entériné et lancé un programme concernant la construction dans les délais les plus brefs d'une centrale nucléaire, annonce la "Nezavissimaïa gazeta".
Si elle est effectivement érigée, cette centrale devrait permettre à la Biélorussie de ne plus être dépendante du gaz russe qui représente 90 pour cent du combustible consommé par le pays. Alexandre Loukachenko est fortement préoccupé par le fait que le robinet de gaz devient un instrument de pression politique sur la Biélorussie. Aussi a-t-il chargé les spécialistes de deux missions: se délester du monopole de Gazprom dans les livraisons de gaz en recherchant des fournisseurs potentiels et atténuer la dépendance vis-à-vis du gaz russe en général. Or pour y parvenir il n'y a qu'un seul moyen: chercher une source d'énergie foncièrement nouvelle.
Selon les experts, la construction d'une centrale nucléaire biélorussereviendrait à plusieurs milliards de dollars. La Biélorussie serait alors obligée de contracter des emprunts. Seulement si les équipements sont achetés à des compagnies occidentales, cela pourrait inciter l'Occident à accepter sans broncher la construction de la centrale. D'autre part, celui-ci disposerait d'un formidable instrument de pression sur le leader biélorusse indocile.
Si on laisse de côté la composante politique du projet, la construction de la centrale nucléaire biélorusse par la Russie pourrait être avantageuse pour Moscou, a déclaré l'ancien ministre russe de l'Energie atomique, Viktor Mikhaïlov. Ce chantier permettrait à l'industrie nucléaire russe de se maintenir à un niveau élevé, a souligné l'ex-ministre. Pour Viktor Mikhaïlov, le problème du financement des travaux est parfaitement réglable. Le paiement des services russes pourrait être effectué après la mise en service de la centrale nucléaire avec l'argent provenant de la vente du courant produit, y compris à l'étranger.
Le service de presse du consortium public Belenergo a qualifié les propos tenus par Vladimir Parfenovitch de "vides" du moment qu'il serait impossible de tenir secret un projet de cette envergure. Toutefois, l'attaché de presse du consortium, Vladimir Kordouba, a déclaré que de toute façon une centrale nucléaire devra bien être construite un jour.
Vedomosti, Vrémia novostéi
Ioulia Timochenko reste inculpée en Russie
Le procureur général de la Russie, Vladimir Oustinov, a confirmé que son ministère reviendrait aux poursuites judiciaires de Ioulia Timochenko nommée lundi premier ministre par intérim de l'Ukraine. Il a ainsi désavoué le nouveau président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, qui, avant de quitter Moscou lundi, s'était déclaré "satisfait des réponses" du Kremlin au sujet de l'affaire Timochenko. Ce thème est amplement commenté par les quotidiens "Vedomosti" et "Vrémia novostéi".
Les hommes politiques et politologues ukrainiens ont interprété la déclaration d'Oustinov comme une nouvelle attaque de la direction russe contre Viktor Iouchtchenko. "Moscou n'a pas aimé que Kiev n'ait pas pris en considération son point de vue en désignant le premier ministre", affirme le député de la Rada suprême (parlement ukrainien) et membre du Parti communiste d'Ukraine, Alexandre Goloub. Le premier adjoint de Ioulia Timochenko dans le parti "Batkivchtchina" et député de la Rada, Alexandre Tourtchinov, estime que les tentatives de décrédibiliser Mme Timochenko étaient prévisibles parce que les "groupes d'influence se rendent compte qu'une fois Timochenko devenue premier ministre, les circuits parallèles dans l'économie ukrainienne seront démantelés".
Les experts russes soutiennent qu'Oustinov a annoncé la poursuite des procédures judiciaires contraint et forcé. D'après le directeur adjoint du Centre des technologies politiques, Alexéi Makarkine, classer l'affaire au lendemain de la nomination de l'accusée au poste de premier ministre c'est reconnaître que l'affaire est politique.
Selon les prévisions du directeur de l'Institut de la stratégie nationale, Stanislav Belkovski, la justice russe déciderait tout prochainement que l'accusation portée contre Timochenko est dénuée de fondement et, au lieu d'être accusée, elle deviendra témoin. Belkovski prédit l'apparition d'un tel jugement au lendemain de l'approbation de la candidature de Timochenko au poste de premier ministre par le parlement.
Ioulia Timochenko a été accusée par le Parquet général militaire de la Russie pour avoir donné un pot-de-vin à des officiers russes en 1996. En septembre 2004, les juges d'instruction russes l'ont assignée à comparaître mais elle a négligé cette prescription. Alors un mandat de recherche international a été lancé au niveau d'Interpol et même un mandat d'arrêt a été délivré.
Rossiiskaïa gazeta
Le ministre de l'Agriculture propose que l'alcool soit monopolisé par l'Etat
Le ministre de l'Agriculture, Alexéi Gordeïev, a adressé au vice-premier ministre Alexandre Joukov la proposition de rétablir le monopole de l'alcool qui avait existé en Russie depuis XVIe siècle avant de disparaître au début des années 1990, annonce le quotidien "Rossiiskaïa gazeta".
La proposition se ramène à ce qui suit. Une société par action appartenant à l'Etat est constituée. Elle est seule habilitée à acheter, à stocker et à vendre de l'alcool. C'est elle également qui acquitte les droits d'accises. Cette concentration permettra d'augmenter la collecte de l'impôt sur l'alcool. En fait, c'est à la fois un "méga-entrepôt" et un contrôleur universel : si elle ne fournit pas d'alcool à une usine de vodka, celle-ci ne pourra pas fonctionner. "La nécessité de renforcer le rôle de l'Etat sur le marché de l'alcool est reconnu par tout le monde et l'une des propositions des spécialistes du ministère de l'Agriculture consiste en ce que l'Etat doit assumer la gestion du commerce de gros de l'alcool", commente cette idée Alexéi Gordeïev.
L'idée du ministre a été soutenue par la Chambre de commerce et d'industrie. Ainsi que l'a expliqué un expert de cette organisation, "le renforcement du contrôle public est toujours bénéfique". Le député Valeri Draganov lui emboîte le pas, se déclarant sûr que dans ce cas l'Etat pourra comptabiliser l'alcool dans sa totalité et que le prix de la vodka diminuera.
Par contre, plusieurs producteurs sont de l'avis nettement contraire. Les dirigeants de l'Association nationale de l'alcool se déclarent "être en choc" car le prix de l'alcool "légal", donc de la vodka de qualité, monterait en flèche tout en privilégiant encore plus largement le produit de mauvaise qualité. Cette hausse serait inévitable à cause de la nécessité de stocker et de déstocker le produit. D'autre part, les usines qui produisent de l'alcool et de la vodka seraient obligées de vendre d'abord leur alcool au "méga-entrepôt" pour le racheter ensuite. Le nouvel organe de contrôle est hypertrophié et cette superstructure ne permettra pas à l'Etat de résoudre le problème de la contrefaçon.
La corruption pourrait même augmenter, estiment les producteurs car les producteurs se verraient ainsi privées du droit de choisir leur fournisseur et n'hésiteraient pas à lui graisser la patte pour prendre ses livraisons sans retard.