Réforme des avantages sociaux : la "dureté" et la "douceur" de Poutine

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MOSCOU, 18 janvier.(Par Piotr Romamov, commentateur politique de RIA Novosti). L'une des réformes libérales les plus importantes en cours en Russie, baptisée par le gouvernement "monétisation des avantages sociaux", lancée le 1er janvier, s'est heurtée à des problèmes pourtant parfaitement prévisibles dans les conditions qui existent dans le pays.

D'une part, comme cela a déjà été plus d'une fois le cas, la loi n'a pas été élaborée avec soin par le gouvernement. D'autre part, elle n'a pas été analysée à fond par les deux chambres du parlement. Et enfin, elle a été avalisée dans cette forme imparfaite par la signature du président.

Cette idée, en soi fondamentalement juste, de remplacer les anciens avantages sociaux soviétiques par des prestations en espèces, c'est-à-dire d'avancer de façon résolue en direction de la véritable économie de marché, n'a pas trouvé de compréhension (une autre erreur des réformateurs) auprès des bénéficiaires des avantages qui sont dans leur immense majorité des gens âgés ayant honnêtement travaillé à une époque révolue et gardé leurs anciennes convictions économiques.

Enfin, le scandale était inévitable parce que les autorités régionales actuelles n'ont pas, dans les structures de l'Etat, un nombre suffisant de gestionnaires compétents, capables de combler sur les lieux les lacunes dues au centre fédéral. Parfois l'argent des retraités a été détourné par l'avarice la plus vulgaire.

D'où le résultat : les vieillards sont descendus massivement dans la rue.

Au lendemain de l'entrée en vigueur de la loi a commencé le travail de correction des erreurs. On ne saurait dire combien de temps il demandera et quand les protestataires rentreront chez eux. Mais le principal entretien sur les erreurs commises a déjà eu lieu. Mieux, il a été montré (partiellement) par la télévision russe : le président Poutine a reçu les principaux ministres responsables de la réforme.

La rue, de nombreux médias et l'opposition attendaient du chef de l'Etat une critique acerbe à l'adresse du gouvernement et même des démissions. En vain. Au contraire, comme l'a fait remarquer le quotidien "Kommersant", Poutine a "commenté avec une douceur surprenante la situation" et s'est montré "beaucoup plus compatissant aux problèmes des ministres qu'aux souffrances de la population privée des avantages".

Les raisons de la "douceur" du président sont, somme toute, compréhensibles. Premièrement, la nécessité de la réforme ne suscite pas de doute pour Poutine : d'une façon ou d'une autre, elle doit être menée à bonne fin. Deuxièmement, il vaudrait peut-être la peine de procéder à des "décapitations" dans le gouvernement mais à condition de remplacer les têtes coupées par d'autres, plus intelligentes.

Cependant, Vladimir Poutine est très limité dans ses choix. Ses critiques libéraux ont déjà passé un certain temps à la barre de l'Etat et se sont largement discrédités. A preuve le résultat des dernières élections législatives où aucun parti de droite n'a franchi le seuil des 5%. Les critiques de gauche ne sont pas en général compétents pour opérer une réforme libérale. Ils sont bien à leur place pour indiquer clairement aux autorités leurs erreurs. Tel est le rôle de l'opposition de gauche.

En ce qui concerne le centre amorphe, c'est aujourd'hui, au moment des épreuves, qu'il commence à s'organiser en un parti. Il était facile d'approuver les décisions du Kremlin, il est difficile de répondre, avec le Kremlin, du travail bâclé. Là, il faut se ranger d'un côté de la barricade ou de l'autre. C'est pourquoi il n'y a aujourd'hui rien de plus contradictoire que les déclarations des membres du parti Russie Unie, qui vont de l'exigence de renvoyer le gouvernement au désir de faire étouffer la "rébellion des vieillards".

A l'opposé de ceux qui hésitent, Poutine a fait son choix. Il est pour la réforme et pour les vieillards. A son avis, l'un ne contredit pas l'autre. Il faut seulement corriger rapidement et, enfin, de façon compétente les erreurs commises. En principe, c'est possible : la Russie de Poutine n'est pas pauvre, loin de là. Ses réserves de change sont plus importantes qu'elles étaient à l'époque de l'URSS et le Fonds de stabilisation institué par le ministère des Finances se monte à une somme impressionnante. Reste à comprendre que le libéral n'est pas le chevalier avare qui se meurt inutilement dans la cave de son château avec son butin mais un économiste sachant disposer de son argent. Autant dire que le Kremlin ne manque pas de possibilité de manœuvre. Pas plus que de fonds à des fins sociales. L'avarice, ici, serait déplacée.

Si l'actuel gouvernement ne s'en rend pas compte, la "douceur" du président cédera instantanément la place à la "dureté". Le caractère personnel de Vladimir Poutine n'y sera pour rien. Il sera obligé de se montrer dur par la réforme qu'il n'abandonnera en aucune circonstance et du fait que le chef de l'Etat, en tant que garant de la Constitution, n'a pas le droit de délaisser les vieillards.

D'autant que l'année 2008 n'est pas bien loin. Si Vladimir Poutine veut voir le poste de président occupé par son successeur demain, il est obligé de s'entendre avec la rue aujourd'hui. Il n'y a pas d'alternative.

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