"Mars-Express": la vie sur Mars est possible!

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MOSCOU (par Youri Zaïtsev, expert de l'Institut d'études spatiales). En fait, "Mars-Express" est l'héritier direct du projet européen "Mars-96", lorsque cinq instruments scientifiques de la station interplanétaire européenne ont été installés sur un appareil spatial russe. Les scientifiques russes participent aujourd'hui à toutes les expériences principales du projet européen "Mars-Express". La Russie a fourni des éléments importants pour trois appareils.

Le lancement de la station interplanétaire "Mars-Express" a été effectué le 2 juin 2003 du cosmodrome de Baïkonour par la fusée porteuse russe "Soyouz-FG" avec le bloc d'accélération "Frégate". La création de ce bloc est une des récentes réalisations de l'industrie russe de construction de fusées spatiales. On peut dire la même chose à propos de "Soyouz-FG", version ultra-moderne de la fusée porteuse aux moteurs perfectionnés des 1er et 2e étages.

Les spectromètres optiques et à infra-rouge OMEGA, PFS et SPICAM figurent parmi les appareils de "Mars-Express" conçus avec la participation russe.

OMEGA est l'abréviation française de l'Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité.

PFS est l'abréviation de Planetary Fourier Spectrometer (Spectromètre planétaire à transformée de Fourier). Cet instrument est destiné à étudier la composition et la structure thermique de l'atmosphère: la poussière, les nuages, les vapeurs d'eau et de ses autres composantes, par exemple, l'oxyde de carbone.

SPICAM signifie Spectroscopic Investigation of the Characteristics of the Atmosphere of Mars. Son objectif principal est de mesurer simultanément le contenu de l'ozone et de la vapeur d'eau dans l'atmosphère.

Les premières cartes spectrales établies à l'aide de l'appareil OMEGA ont montré la diversité extraordinaire de la composition minéralogique de la surface de Mars. Elles ont démenti l'opinion répandue auparavant selon laquelle la poussière de Mars doit rendre les spectres uniformes et, par conséquent, peu précieux du point de vue de la minéralogie.

Un résultat très intéressant a été obtenu en observant la zone du pôle Sud de la planète: OMEGA, PFS et SPICAM ont fourni simultanément des informations sur la présence de glace hydrique dans la région de la calotte polaire permanente du Sud. Les mesures ont été effectuées en janvier et au début de février 2004, période qui correspond à la fin de l'été de l'hémisphère Sud de Mars. Pendant cette période, la calotte polaire se réduit au minimum, c'est pourquoi, en se basant sur les données des mesures de la température de sa surface, on estimait qu'elle était constituée d'acide carbonique solide. D'autre part, les mesures effectuées auparavant par l'appareil russe HEND (High Energy Neutron Detector) depuis la station interplanétaire américaine "Mars-Odyssée" témoignaient de la présence d'une grande quantité de glace hydrique sous le sol de la planète. Les mesures effectuées par "Mars-Express" ont permis pour la première fois d'identifier les deux types de glace sur la surface martienne et d'évaluer (au moyen de l'appareil PFS) leur rapport quantitatif. Il est également établi (grâce à OMEGA) que les glaces s'y trouvent en quantités différentes. Il est à noter que la glace hydrique a été découverte non seulement sous forme de givre mou, mais aussi sur les bords des "glaciers" d'acide carbonique: elle semble sortir de la calotte polaire dans les périodes où elle est minimale.

Le spectromètre planétaire à transformée de Fourier a enregistré pour la première fois du méthane dans l'atmosphère de Mars en quantité de 10 à 50 particules sur un milliard, en fonction de l'endroit. Si le méthane était formé par voie photochimique, il aurait été réparti régulièrement. Puisque, dans les conditions de Mars, le méthane s'oxyde au bout de 300 à 400 ans, on peut supposer que Mars a des sources de méthane d'où il parvient dans l'atmosphère. En principe, il peut y avoir deux sources: ou bien le volcanismeet les phénomènes géothermiques qui en découlent, ou bien la vie organique, non pas ancienne, mais actuelle. Par exemple, les micro-organismes terrestres produisent du méthane au cours de la fermentation.

Bien entendu, il faut des preuves incontestables pour parler de la présence d'une vie organique actuelle sur Mars, mais la découverte du volcanisme actuel sur Mars aurait aussi une importance immense. On estime que les volcans de Mars se sont éteints il y a des centaines de millions d'années, mais l'activité volcanique résiduelle n'est pas exclue, ne serait-ce que sous forme de "points chauds" d'où les gaz sortent à la surface. De l'eau liquide peut s'y trouver également, ce qui crée les conditions propices à la vie.

La carte consignant la présence du méthane dans l'atmosphère de Mars est en train d'être établie: il sera peut-être possible d'établir un lien entre sa concentration et les régions concrètes de la planète. En même temps, d'autres petits éléments de l'atmosphère sont recherchés: l'essence, l'ammoniac, le formaldéhyde, dont l'origine biologique est la plus probable. Le formaldéhyde a déjà été découvert dans les spectres de PFS.

SPICAM, spectromètre à ultra-violet et à infra-rouge, a permis pour la première fois d'établir précisément la densité et la température de l'atmosphère de gaz carbonique sur Mars à des altitudes allant de 10 à 150 km et de commencer à établir la carte de la diffusion de la vapeur d'eau et de l'ozone dans cette atmosphère. Il s'avère que les conditions sur Mars sont "relativement" favorables pour la vie: l'ozone martien, bien que très faible, protège la planète de l'ultra-violet agressif.

Mesurant simultanément l'ozone et la vapeur d'eau, SPICAM a confirmé, en somme, les hypothèses théoriques, selon lesquelles la vapeur d'eau détruit l'ozone. Cela a une grande importance pour prévoir l'avenir de la Terre: le réchauffement global du climat observé aujourd'hui entraîne l'accroissement du contenu de la vapeur d'eau dans la stratosphère: c'est une source potentielle de danger pour la couche d'ozone dans l'atmosphère de la Terre.

La participation russe au projet "Mars-Express" maintient la longue tradition de coopération internationale qui s'est établie à l'époque d'Intercosmos, des projets "Vega", "Phobos," et "Mars-96". La participation des scientifiques européens aux projets planétaires soviétiques a contribué au développement de ces recherches en Europe. Les groupes internationaux de scientifiques créés à cette époque-là continuent à travailler énergiquement dans le cadre des projets "Mars-Express" et "Vénus-Express". Mais la situation a changé.

Des missions nationales russes vers les planètes du Système solaire ne peuvent pratiquement pas être réalisées faute de financement. L'unique possibilité réelle de poursuivre les recherches est la participation des scientifiques russes aux missions étrangères, aussi bien européennes qu'américaines. Chaque partie concentre ses efforts dans son domaine d'excellence. Certes, cette intégration s'approfondira d'année en année. Des projets complexes comme une base lunaire permanente qui marquerait le début de la mise en valeur d'autres corps célestes et une mission pilotée sur Mars ne peuvent être réalisés que grâce aux efforts conjugués de nombreux pays.

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