Mis au pied du mur en Ukraine par l'Occident, Vladimir Poutine cherche des alliés ailleurs

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PARIS - par Angela Charlton, correspondante de RIA Novosti. Évitant de justesse le risque de se marginaliser politiquement, le président russe Vladimir Poutine a organisé deux démarches diplomatiques pour flatter l'ego de la Russie et se donner un répit après une saison politique hantée par l'Ukraine.

Le week-end dernier, Vladimir Poutine a donné une nouvelle impulsion à l'alliance entre la Russie et l'Inde démocratique et dynamique, le plus grand acheteur d'armes russes. Ensuite il est parti pour la Turquie pour persuader ce pays, ennemi de longue date de la Russie, que la coopération rendrait les deux pays plus riches et sûrs.

En novembre, il a été au Brésil et un mois plus tôt, il avait fait le tour de la Chine. Vladimir Poutine gagne des points avec les poids lourds mondiaux de la prochaine génération.

Cependant la rhétorique du monde multipolaire sonne creux. Les cinq pays qui pourraient constituer ensemble un contrepoids aux États-Unis - la Russie, la Chine, l'Inde, la Turquie et le Brésil - ont plus besoin de l'Amérique et de ses consommateurs qu'ils n'ont besoin les uns des autres. Vladimir Poutine le sait et sa diplomatie de la navette ne témoigne pas d'une nouvelle stratégie impérialiste russe. Elle montre plutôt une vision réaliste des rapports avec le président américain George W.Bush réélu pour un second mandat et avec une Union Européenne élargie et transformée.

Les déplacements effectués par M.Poutine à l'automne dernier avaient été planifiés il y a longtemps, mais ils ont acquis une nouvelle portée après que l'élection contestée en Ukraine l'a confronté à ses alliés d'antan - les États-Unis et l'Europe. La discorde au relent de guerre froide a pratiquement isolé Vladimir Poutine des leaders occidentaux qui ont exigé et obtenu un nouveau second tour de la présidentielle.

Les hôtes indiens et turcs de M.Poutine ne l'ont pas ennuyé par des questions crispantes sur l'Ukraine ou les réformes politiques russes qui ont tellement irrité ses collègues occidentaux. L'Inde l'a salué en tant que leader d'un pays ami et partenaire commercial essentiel; la Turquie l'a salué en tant que voisin puissant et rival respectable. C'était l'accueil dont le président avait besoin après avoir longtemps fait l'objet de railleries de la part des médias occidentaux et même russes pour ses erreurs et son manque d'influence en Ukraine. Ce voyage semble avoir redonné confiance à Vladimir Poutine et avoir calmé ses émotions.

Les ententes de cette semaine montrent que la Russie peut promouvoir ses intérêts au-delà de l'espace post-soviétique, peut-être même mieux que dans son proche voisinage. M.Poutine a sauvé la face devant les investisseurs étrangers en invitant les sociétés indiennes à participer à la vente de la filiale principale de Youkos. La Russie et l'Inde créeront ensemble un nouveau missile supersonique et de nouveaux avions. La Turquie, pourtant membre de l'OTAN, envisage même d'acheter des armes russes. La Russie a obtenu l'arrestation de 12 personnes présumées terroristes tchétchènes en Turquie.

La Russie a plus à gagner en construisant des gazoducs dans le monde entier et en promouvant ses technologies de l'information à l'étranger qu'en installant des régimes amicaux près de ses frontières.

Lorsque Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir il y a cinq ans, les commentateurs occidentaux l'ont cloué au pilori comme un sinistre espion du KGB hostile à la démocratie. Il a répondu en lançant une lutte contre l'unilatéralisme visant surtout les États-Unis. Un "État paria" - la Corée du Nord - a été l'un des premiers pays où il s'est rendu en qualité de président. Il a également resserré les liens entre la Russie et les grands pays non occidentaux - la Chine et l'Inde.

Ensuite il a rencontré George W.Bush et a noué des rapports étonnants et fondamentaux avec le président américain qui n'ont cessé de se renforcer depuis que le terrorisme est passé à l'ordre du jour mondial. Vladimir Poutine a établi des relations avec les leaders allemand et italien, Gerhard Schröder et Silvio Berlusconi. Son intérêt pour les "États voyous" a diminué au fur et à mesure qu'il est devenu plus confiant et compétent en tant que leader mondial.

Son histoire d'amour avec l'Occident touche aussi à sa fin. Les désaccords sur la Tchétchénie, la réforme électorale et les formalités de visas ont de nouveau dégradé les relations Russie-UE. Même son ami George Bush devient son adversaire après les événements en Ukraine.

Vladimir Poutine relance donc sa lutte contre l'unilatéralisme. "Nous considérons que les tentatives pour transformer la diversité de la civilisation moderne créée par Dieu en un monde unipolaire uniforme sont très dangereuses", a-t-il déclaré en Inde.

Cependant la Russie ne peut pas adopter une position anti-américaine tout en demandant conseil à l'Inde sur les moyens de courtiser les outsourcers américains. La Russie ne peut pas ébranler la position de Washington par ses négociations avec le Brésil ou le Chili alors que l'ensemble de l'Amérique latine aspire à l'assistance et aux investissements américains. Elle ne peut pas enflammer les sentiments antiaméricains en Europe où les sentiments anti-russes sont mieux enracinés. La Russie ne peut pas mener des négociations anti-européennes avec la Turquie qui œuvre pour rejoindre l'UE.

Cela implique une stratégie plus sophistiquée que les agitations qui ont marqué le début de la politique extérieure de Vladimir Poutine. Ses voyages doivent aboutir à apaiser les tensions entre la Russie et l'Occident au lieu de les attiser.

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