Réformes de Vladimir Poutine: autoritarisme ou protection de la démocratie?

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par Dmitri Rogozine, leader du parti politique "Patrie"

Les réformes politiques proposées par le président russe Vladimir Poutine font l'objet de vives discussions depuis quatre mois en Russie. D'aucuns accusent Vladimir Poutine d'autoritarisme, lui reprochent de vouloir étouffer la démocratie et de revenir à l'époque sombre du régime communiste.

Étudions les réformes présidentielles.

Une réforme change les modalités de désignation des gouverneurs. Les assemblées législatives régionales doivent désormais entériner les candidatures avancées par le chef de l'État. Cette mesure n'est pas démocratique du point de vue des clans oligarchiques locaux et des élites économiques régionales. A présent, le pouvoir régional se trouve principalement entre les mains de ce groupe social assez restreint. Mais les intérêts de vastes couches de la population doivent prévaloir sur les intérêts des grands groupes d'affaires dans une société démocratique, surtout s'il s'agit de groupes apparus après des privatisations assez douteuses voire criminelles dans les années 1990. Les dirigeants élus de certaines régions ont un pouvoir presque absolu, ils exercent des pressions sur les partis politiques d'opposition et entravent la liberté des médias locaux.

Cela concerne surtout les républiques nationales où le " peuple titulaire " représente souvent moins de la moitié de la population. Pendant les années 1990, ces entités ont adopté leurs propres lois allant jusqu'à annuler les lois fédérales, y compris celles sur les droits fondamentaux. Les libertés publiques telle la liberté de la presse et celle des associations ont surtout pâti dans ces régions. Dans le même temps, il est clair que le respect des lois fédérales dans l'ensemble du pays est une condition sine qua non de l'égalité des citoyens en droits indépendamment de leur nationalité ou origine sociale, de la lutte efficace contre le terrorisme, la corruption et la criminalité, du développement réel des institutions de la société civile et de la liberté des médias.

Est-ce que la désignation des gouverneurs par le président est une panacée? Il ne faut pas s'attendre à un effet immédiat. Mais cela permettra d'évaluer le degré de responsabilité de chacun dans la prise des décisions.

L'organisation des législatives fédérales et régionales au scrutin proportionnel - la deuxième proposition de Vladimir Poutine - rend impossible l'accès des députés indépendants au pouvoir représentatif. D'ailleurs, je dois noter en tant que député élu à trois reprises dans une circonscription uninominale que la voix des députés indépendants est peu entendue par les grands groupes parlementaires lors des discussions. Les députés indépendants sont voués à la dépendance à la Douma. Ils renoncent volontiers à leur liberté lorsqu'il s'agit des programmes d'investissements fédéraux profitant à leurs régions. Aussi, selon les nouvelles règles, la Douma devra-t-elle légiférer sur la base d'une lutte réelle des convictions politiques.

Le Conseil de la Fédération (chambre haute) pourrait représenter les intérêts des régions au parlement, c'est précisément le rôle qu'il doit jouer conformément à la Constitution. Selon le président, la chambre haute pourrait être composée des gouverneurs et des présidents des assemblées législatives régionales. Mais en tant que parti d'opposition, nous considérons qu'il faut plutôt élire les sénateurs au scrutin direct. Cela parachèvera la création d'un nouveau modèle du système politique russe.

Une proposition présidentielle s'appuie sur une initiative des parlementaires représentant tant le parti du pouvoir que l'opposition. Il s'agit d'agrandir et de renforcer les partis politiques et de limiter leur nombre. La Russie compte plus de quarante partis politiques dont beaucoup n'exercent aucune influence sur la vie politique et sociale. Cela ne les empêche pas de participer aux élections et de désorienter les électeurs qui n'arrivent pas à faire un choix sur une liste d'une cinquantaine de noms.

Je crois que le nombre des partis au parlement ne doit pas dépasser six. L'expérience des démocraties développées montre qu'un pays ne peut pas avoir plusieurs dizaines de vrais partis politiques. Le pouvoir doit achever la conception d'un système multipartite sain et fort. Nous avons besoin de partis politiques civilisés et responsables qui seraient capables de former un "gouvernement de l'ombre", d'exprimer des idées alternatives aux projets du pouvoir, qui seraient habilités à exercer un contrôle sur les services secrets. Ces partis doivent mettre en priorité les intérêts nationaux et pouvoir formuler des idées réalistes.

La loi sur les partis politiques doit garantir la possibilité de lancer une discussion publique sur les sujets stratégiques et pressants. Il faut que les citoyens intéressés puissent participer à la discussion et que les partis politiques, au moins ceux représentés au parlement, aient un accès égal aux médias, surtout électroniques.

Nous sommes prêts à soutenir les initiatives présidentielles seulement si ces conditions sont respectées.

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