Faut-il brider ou non le raffermissement du rouble?

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MOSCOU, 18 novembre (par Nina Koulikova, commentatrice économique RIA Novosti). Les autorités monétaires russes veillent ces derniers temps à ne pas laisser le rouble se raffermir à l'extrême sur fond de prix du pétrole exorbitants. Quelles en pourraient être les conséquences pour l'économie russe?

Les fluctuations de la monnaie nationale posent problème à tout pays quel qu'il soit. L'Union européenne est aujourd'hui préoccupée par la baisse du dollar et, par conséquent, le raffermissement poussé de l'euro. Les frictions se multiplient ces derniers temps entre les autorités monétaires européennes et américaines sur le fait que Washington déprécie la monnaie de réserve mondiale dans le souci de résoudre ses problèmes économiques. L'euro fort exerce un impact négatif sur l'économie de l'Europe largement tournée vers l'exportation: au troisième trimestre 2004, le taux de croissance régional était au plus bas de l'année. Toutefois, la Banque centrale européenne s'abstient de toute intervention pour maintenir le cours du dollar.

Les autorités monétaires russes mènent une politique différente et cherchent à éviter un raffermissement extrême du rouble. Selon le vice-premier ministre Alexandre Joukov, la politique monétaire de Moscou pour les années à venir visera à empêcher la hausse du rouble de dépasser le taux de croissance de la productivité. L'appréciation du cours effectif réel du rouble en 2004 sera légèrement supérieure à 6% et atteindra 8% en 2005, indique pour sa part le premier vice-président de la Banque de Russie, Alexeï Oulioukaïev. Résultat, en dépit des tendances mondiales à l'affaiblissement de la monnaie américaine, le dollar demeure stable en Russie.

Difficile de donner une réponse claire à la question de savoir si le raffermissement du rouble est favorable ou non à l'économie nationale. Pour le ministre du développement économique et du commerce Guerman Gref, un rouble fort est favorable à la hausse des revenus de la population, mais défavorable au développement industriel.

Les exportateurs et les producteurs orientés vers le marché intérieur sont en principe intéressés à un rouble faible qui les protège contre les concurrents étrangers. Avec le raffermissement du rouble, la croissance économique de la Russie se ralentit, car les produits exportés deviennent plus chers sur les marchés extérieurs et perdent dans la concurrence. À titre d'exemple, on peut citer la politique monétaire des États-Unis qui sortent de la crise en affaiblissant le dollar, quoique leur économie demeure la plus puissante du monde. Selon Ivan Gratchev, membre du comité pour le développement durable à la Douma, l'appréciation du rouble est nuisible car elle profite aux importations et, par conséquent, étouffe la production des entreprises russes.

D'autre part, en bridant le rouble, le gouvernement et la Banque centrale établit une barrière artificielle à la concurrence internationale. Dans ce contexte, les compagnies russes n'ont plus besoin de chercher à améliorer leur compétitivité. Résultat, la fixation artificielle de la monnaie nationale torpille les efforts déployés par les entreprises pour améliorer leur efficacité. En outre, un rouble faible restreint la possibilité de rembourser les dettes extérieures, augmente les dépenses budgétaires réservées au service de la dette et réduit ainsi les ressources de financement de l'économie. Il gêne la demande intérieure et contrarie les producteurs russes. Par contre, le raffermissement du rouble a un effet social non négligeable, un facteur de la stabilisation économique apprécié par la majorité des Russes.

Mais il ne faut pas non plus oublier la nature du raffermissement actuel fondé, de fait, sur les prix du pétrole en hausse permanente. Dans une perspective historique plus ou moins lointaine, les prix du pétrole doivent baisser, le flux des pétrodollars doit s'affaiblir, ce qui risque de couper court à la tendance à la hausse du rouble. Ivan Gratchev le juge fort probable, car le raffermissement du rouble ne trouve pas de fondement sérieux dans l'industrie et la productivité.

À l'heure actuelle, la Banque centrale de Russie joue un rôle clé dans la gestion de l'économie nationale. Historiquement, la nécessité de lutter contre l'inflation et de rembourser les dettes extérieures dans les années 1990 a fait passer au premier plan la stabilisation des finances. Aujourd'hui, un afflux colossal de liquidités en raison de la hausse des prix du pétrole fait que les autorités monétaires tiennent le haut du pavé. Toutefois, quand l'économie a surmonté beaucoup de phénomènes de crise, notamment grâce à une politique monétaire efficace, il est important de promouvoir la politique industrielle pour parvenir à une croissance économique réelle. En menant des investissements structurels dans le secteur réel de l'économie et la croissance de la production industrielle, on pourrait faire croître le marché intérieur des marchandises et baisser les prix, sans oublier un impact social positif qui s'ensuivrait. Cela ne manquera pas de contribuer à augmenter le PIB, à lutter contre la pauvreté et à raffermir réellement le rouble.

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