Protocole de Kyoto - attitude de la Russie

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MOSCOU, 5 novembre - RIA Novosti. (Commentatrice économique de RIA-Novosti, Nina Koulikova).

Le Protocole de Kyoto, document tendant à limiter le rejet des gaz industriels dans l'atmosphère, a été ratifié par la Douma d'Etat (Chambre basse du Parlement russe), approuvé par le Conseil de la Fédération (Chambre haute du Parlement russe) et signé, vendredi 5 novembre, par le Président de la Fédération de Russie. L'attitude de la Russie concernant le Protocole de Kyoto y est exposée par le directeur adjoint du Département des rapports patrimoniaux et fonciers, de l'économie de l'exploitation des ressources naturelles au ministère du Développement économique et du Commerce (MDEC) de la Fédération de Russie, Vsevolod Gavrilov.

- Quels sont les termes exacts de la ratification par la Russie du Protocole de Kyoto?

- Le Protocole de Kyoto avait été signé en 1997. Il renferme, entre autres, l'indication de la nécessité d'élaborer d'ultérieurs documents techniques. Et lesdits documents ont été élaborés, par la suite, avec une participation très active de la délégation russe (Accords de Marrakech), et sur la plupart des dispositions qui y réglementent directement les mécanismes de mise en application du Protocole de Kyoto et les engagements qui en découlent, nous avons alors réussi à insister sur des formules qui sont acceptables pour nous. Ce travail précis a été effectué entre 2000 et 2003. Pour ce qui est du processus même de ratification du Protocole de Kyoto, il n'y est pas prévu d'apporter des amendements quels qu'ils soient.

- Le Protocole de Kyoto que signifie-t-il au juste pour l'économie russe?

- D'habitude, quand on pose une telle question, on veut savoir si c'est un bien ou, par contre, un préjudice pour la Russie. J'y répondrai: il ne s'agit pas là d'un préjudice. C'est sûr. D'autre part, il dépend de nous de faire en sorte que ce soit un bien. Mais pourquoi, donc, ne s'agit-il pas là d'un préjudice? C'est que le mandat de la ratification du Protocole de Kyoto ne s'étend que sur une période d'ici 2012. Selon toutes les prévisions, cela ne pourra en aucun cas nuire à l'économie russe sous forme de limitation de sa croissance d'ici 2012. Quoi qu'il en soit, il est toute une série d'autres engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto que la Russie est obligée de remplir. Ainsi, en vertu de l'article 2, nous devons réaliser une politique nationale des mesures tendant notamment à réduire substantiellement les rejets de gaz à effet de serre à l'intérieur même de la Russie. Conformément à l'article 5, nous devons aussi créer tout un système d'évaluation et d'absorption de gaz à effet de serre. Selon l'article 7, nous avons, en outre, pour obligation de dresser le cadastre des entreprises industrielles. Cela impliquera évidemment certaines dépenses tout à fait inévitables, mais, d'autre part, la création desdites institutions et de ce potentiel sera même très utile pour la Russie.

- Est-ce que la Russie participera au Protocole de Kyoto après 2012?

- Rien de précis n'est décidé pour le moment à ce sujet. Qui plus est, on ne peut même pas y décider quoi que ce soit et ce, pour cette simple raison, qu'il n'y a pas, en attendant, de formule pour définir les engagements en la matière pour la période qui suivra 2012. Toujours est-il que cela fera l'objet des négociations internationales spéciales. Et en fonction de notre capacité de faire valoir nos intérêts, nous allons alors décider si nous devons ou pas adhérer à la deuxième période.

- Que doit-on faire pour passer de la phase "non un détriment" à la phase "un bien"?

- Cela dépendra de la manière dont nous allons organiser notre propre politique nationale et des processus internationaux de négociations, ainsi que de la capacité même de l'Etat de maximiser les avantages potentiels de l'adhésion de notre pays au Protocole de Kyoto à titre d'instrument de promotion des intérêts économiques russes. Le principal y est d'élaborer notre politique intérieure et d'essayer de faire ainsi que les mécanismes du Protocole de Kyoto deviennent une poursuite naturelle de la politique intérieure russe.

- Comment pourrait-on y arriver?

- Les pays industrialisés, ayant des engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto, ont d'ores et déjà introduit chez eux des systèmes de normes très rigoureuses pour les rejets dans l'atmosphère de gaz à effet de serre. Autrement dit, ils ont établi des restrictions bien précises pour leurs propres entreprises pour les rejets en question, tout en introduisant un système d'amendes assez sensibles pour le non-respect desdites restrictions. Au sein de l'Union européenne (UE), par exemple, dans la période d'ici 2008, si une entreprise quelconque viole les volumes du rejet qui lui ont été fixés, une amende lui est infligée qui se monte à 40 euros pour une tonne de CO2. A signaler qu'une tonne de CO2 correspond à peu près à la combustion d'un demi-tonne de charbon. Pour la période entre 2008 et 2012, cette même amende sera déjà de 100 euros pour une tonne de CO2. Néanmoins, nous ne pouvons pas introduire un système similaire en Russie.

- Que suppose-t-on faire, donc, en Russie?

- Nous y envisageons une politique à deux étapes. A la première étape, nous allons épauler ces agents économiques qui se chargeront eux-mêmes de leur plein gré d'engagements concernant les rejets de gaz à effet de serre. Il s'agit, par exemple, de faire en sorte que les agents économiques participent aux appels d'offres pour avoir droit aux quotas pour l'ultérieure mise en oeuvre des projets tendant à réduire l'émission des gaz à effet de serre. Afin que de tels appels d'offres soient parfaitement transparents, ils doivent s'organiser selon un seul paramètre quantitatif et, de préférence, dans le régime "on-line" sur l'Internet. Quoi qu'il en soit, nous n'envisageons pas d'amendes pour la non-participation au programme en question. Après le rodage de cette première variante - qui demanderasans doute quelques années ou même plusieurs années - on ne peut pas le dire au juste dès à présent, on décidera alors s'il vaut vraiment la peine d'introduire de tels engagements pour tout le monde, sans exception aucune. Nous en avons d'ailleurs discuté plus d'une fois dans nos milieux d'affaires, et la réaction des hommes d'affaires n'y a pas été tout à fait explicite, loin s'en faut. Ce qui est facile à comprendre car le défi y est très sérieux, admettez-le. Pour ce qui est de la mise en place à l'intérieur de la Russie des mécanismes pareils à ceux du Protocole de Kyoto - chose qui est d'ores et déjà faite dans les pays-membres de l'Union européenne - nous allons évidemment le faire. D'autre part, la question des engagements concrets et de la responsabilité à assumer, nous l'avons repoussée à plus tard. Si nous arrivons à le faire et pouvons réaliser correctement notre politique extérieure, si nous réussissons, enfin, à s'entendre sur l'achat de nos quotas à des conditions qui nous soient avantageuses, nous transformerons alors "non un détriment" en "un bien".

- Vous avez évoqué la réaction plutôt mitigée du business russe à la proposition sur la participation bénévole des entreprises aux restrictions des rejets. Pourrait-on dire que les énergéticiens étaient "pour", alors que les sidérurgistes étaient "contre"?

- Les avis n'y sont pas partagés aussi nettement que ça, loin de là! Tous les hommes d'affaires et les chefs d'entreprises que je connaîs appuient la participation aux mécanismes du Protocole de Kyoto, y compris les compagnies sidérurgiques, mais à condition évidemment que l'Etat y pratique une politique conséquente. L'Union européenne propose, par exemple, d'appliquer aux entreprises des standards très rigides. Néanmoins, nous avons déclaré dès le début et déclarons toujours qu'il n'en est pas question pour le moment. La question de la nécessité d'introduire des normes pour les rejets et, par conséquent, de la responsabilité à assumer pour le respect desdites normes ne sera débattue et adoptée qu'en coopération avec le business. L'Etat n'y fera aucun fait ou geste unilatéraliste. Non. Procédant ainsi, nous tenons à amorcer en quelque sorte la mise en oeuvre d'une politique écologique civilisée de l'Etat. Nos contacts avec le business sont quotidiens et ne marquent pratiquement pas un seul temps d'arrêt. Et autant que je sache, pas un seul élément de notre communauté d'affaires n'y est manifestement opposé. C'est que tous se rendent très bien compte qu'à condition que la politique choisie y soit bonne, cela ne manquera certes pas de nous donner des avantages au lieu de dresser des barrières.

- Est-ce là l'explication principale de la loyauté du business? Où peut-être la production de bien des entreprises n'atteint tout simplement toujours pas le niveau de 1990 et n'y parviendrait même pas d'ici 2012?

- A l'heure actuelle, la nécessité de réformer l'infrastructure même de la production est à l'ordre du jour en Russie. Somme toute, la libéralisation des marchés des hydrocarbures est sans doute le principal facteur de l'économie du combustible. Qui plus est, dans les conditions actuelles, ne pas économiser le combustible équivaut à un gaspillage pur et simple. Et ce n'est que trop juste, car le combustible est cette ressource que l'on doit exploiter parcimonieusement. C'est la raison pour laquelle on ne saura pas dire que cette entreprise concrète sera "pour" parce que ses rejets actuels sont moins importants qu'en 1990 ou "contre" si ses rejets dépassent, d'ici 2012, le niveau de 1990. Si l'entreprise adopte des mesures ciblées en vue de réduire ses rejets, qu'il s'agisse d'implanter de nouveaux know-how ou de réduire les pertes énergétiques, elle peut tout à fait ambitionner la participation à tous les mécanismes et ce, indépendamment du fait si ses propres rejets dépassent ou non le volume de 1990.

- Quelles sont les perspectives du commerce de quotas aux rejets de gaz à effet de serre pour la Russie?

- A l'heure qu'il est, nous sommes seulement en train d'élaborer les documents appropriés, et je ne peux pas vous dire pour le moment comment en sera au juste le schéma. Quoi qu'il en soit, je peux d'ores et déjà vous en indiquer les principes majeurs. Le principal est que, dans le cadre du Protocole de Kyoto, le système russe de commerce des quotas aux rejets de gaz industriels doit être transparent au maximum. Aujourd'hui, le marché du commerce des quotas est de préférence celui à spéculations. Les perspectives en sont plutôt floues. Toujours est-il qu'il existe d'ores et déjà toute une série de documents techniques qui doivent entrer en vigueur après la ratification du Protocole de Kyoto, y compris les fameux Accords de Marrakech. Les accords en question régissent les règles de l'apparition d'un marché liquide normal et les règles de l'apparition de la marchandise qui va circuler sur ce marché. En fonction du comportement des participants au marché, son volume se fixera. A présent, tous les pays se comportent en sorte que ledit marché n'apparaisse tout simplement pas comme un simple marché des quotas, mais comme un marché des quotas, garantis par une réduction effective des rejets de gaz à effet de serre. Notre attitude consiste à nous solidariser avec ces efforts que d'autres pays sont en train de déployer afin que tous les quotas qui circuleront sur ce marché soient réellement garantis par une effective réduction des rejets de gaz à effet de serre.

- Qui participera à ce marché?

- Le schéma du marché du commerce des quotas est encore en chantier. Participeront au marché des investisseurs institutionnels qui possèdent des portefeuilles liés à l'efficacité énergétique et des entreprises tout à fait concrètes qui vont réaliser les projets en question. Somme toute, le marché des quotas doit en quelque sorte compléter l'actuel marché des investissements. Par ailleurs, la combinaison du marché financier traditionnel avec le marché des hydrocarbures peut bien donner un très puissant effet cumulatif car le marché des quotas va subventionner les projets efficaces sur le plan énergétique et les projets économisant l'énergie, tout en incitant le marché d'investissement "normal" à participer à ce genre de projets.

- Comment sera le mécanisme de répartition des recettes, tirées de la vente des quotas?

- Tout cet argent doit évidemment aller au business par la voie la plus transparente possible et à l'aide des algorithmes tout à fait explicites. Dans le même temps, quand il s'agit de gérer les fonds de la Fédération de Russie, on doit comprendre que tous les engagements y sont garantis par les finances du souverain, c'est-à-dire par notre budget fédéral. Aussi, pour participer au commerce, allons-nous exiger obligatoirement des participants à ce processus qu'ils donnent à la Fédération de Russie des garanties que les projets en question seront réalisés à des termes bien précis. Si nous n'obtenons pas de telles garanties des agents économiques, ces garanties reposeront sur le budget fédéral, c'est-à-dire sur les contribuables.

- Et qui sera chargé des fonctions de contrôler le respect desdits engagements par les entreprises?

- Tous les engagements y sont administrés d'une manière assez simple et facile. C'est que le respect des engagements relatifs à la réduction des rejets est très facilement vérifié par la quantité du combustible brûlé. Pour ce qui est du combustible, il est très facilement administré tant par l'inspection écologique que par les organes fiscaux et les statistiques. Tout à fait concrètement, le mécanisme d'administration en la matière est maintenant élaboré par des collègues au ministère fédéral des Ressources naturelles. Ils ont notamment pour tâche de sélectionner un schéma combiné qui cumule les compétences de tous ces trois organes. Nous avons devant nous une tâche extrêmement ambitieuse qui consiste notamment à créer ce marché, tout en minimisant les hauts risques de corruption et excluant, dans la mesure du possible, évidemment, les décisions administratives de la procédure même de répartition des quotas et des préférences. Le marché n'est sain que quand l'influence des fonctionnaires y est minimale. Aussi, avons-nous pour objectif de rendre ce marché à la fois transparent et efficace.

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