Nouveau budget conservateur-novateur de Russie

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MOSCOU. /par Yana Yourova, RIA Novosti/. Le coup d'envoi du marathon automnal traditionnel autour du document financier principal du pays, le budget fédéral de l'année prochaine, vient d'être donné. Le départ n'a pas été très difficile car le projet a été adopté plus ou moins rapidement en première lecture, les députés ont enregistré une foule de bévues et de disconvenances. Autant dire que le gouvernement a fort à faire, de concert avec les députés, pour donner une tournure idéale au document.

Dès le début le gouvernement a annoncé que le projet de Loi des finances 2005 était un document novateur. C'est qu'au cours de son établissement la classification budgétaire a été remaniée de fond en comble.

Parallèlement au travail sur le budget, la Douma a adopté, toujours en première lecture, des amendements à apporter à la loi sur la classification budgétaire. Il en a résulté que le projet est devenu méconnaissable à côté de tous les budgets précédents. Il a été opéré un nouveau regroupement des rubriques, des postes budgétaires ciblés et des types de dépense. Le nombre des chapitres a été diminué en passant de 31 à 11. Certains postes ont réuni des choses hétérogènes. Par exemple, on trouve maintenant dans un même poste les frais de financement de l'appareil de l'Etat, du système judiciaire et de la science fondamentale. La "politique économique" embrasse désormais l'agriculture, l'industrie et l'aérospatiale.

Les origines principales de l'innovation sont le changement de la structure des organes du pouvoir exécutif, la réforme des relations interbudgétaires et les modifications apportées au système fiscal. On a maintenant du mal à se débrouiller dans la nouvelle répartition des fonds. Mais c'est une question plutôt technique. Pour le moment, en première lecture, les députés ont adopté le budget 2005 dans les grandes lignes, comme une liste de principaux chiffres macro-économiques.

Ils ont l'air attrayant. Il a été déclaré que le budget auraun excédent de 278,11 milliards de roubles, soit 1,5% du PIB. Les produits sont fixés à 3 326 milliards de roubles (presque 18% du PIB) et les charges à 3 047,92 milliards de roubles. La croissance du PIB en 2005 est pronostiquée au niveau de 6,3%, l'inflation de 7,5 à 8,5%, le baril de urals russe coûtant 28 dollars en moyenne et le dollar US valant 30 roubles russes.

Il y a moins de clarté sur la façon dont la Russie a l'intention de disposer de la croissance évidente de ses richesses.

Ce projet affiche aussi une autre différence par rapport aux précédents : pour la première fois le gouvernement se propose de dépenser une partie du Fonds de stabilisation. Il attend que d'ici au 1er janvier 2005, ce fonds se monte à 574,4 milliards de roubles. Au cours de 2005, il augmentera de 387,8 milliards de roubles. De ce total, 74,7 milliards seront employés à couvrir le déficit de la Caisse des retraites consécutif à l'abaissement de l'impôt social unique. 168 milliards de roubles seront déboursés pour amortir la dette publique extérieure. Il en résultera qu'au 1er janvier 2006 le Fonds de stabilisation s'élèvera à 719,5 milliards de roubles.

Une autre particularité du budget 2005 est l'augmentation de l'enveloppe de la défense nationale qui est portée à 528,83 milliards de roubles (croissance de 27,7% par rapport à 2004). 50 milliards de roubles supplémentaires sont affectés au financement des structures de force. Les dépenses pour la sécurité nationale et le maintien de l'ordre public sont augmentées de 26%. La sécurité dans le métro de Moscou coûtera, à elle seule, 1,4 milliard de roubles. Personne ne s'oppose pas trop à ces dépenses depuis les derniers événements tragiques qui ont eu lieu en Russie.

Les chiffres préalables du nouveau budget suscitent des questions inhabituelles. Par exemple, les revenus du budget fédéral 2005 peuvent être sous-estimés de plus de 150 milliards de roubles. C'est que cet indice budgétaire a été conçu par le gouvernement partant du cours du brut de 28 dollars. En réalité, il est douteux qu'il puisse coûter moins de 35 dollars, il peut même rester plus cher. Jusqu'ici cohérent, le document devient décousu. La chaîne suivante d'éventualités prend corps immédiatement : l'afflux de pétrodollars au pays provoquera une inflation (dont la croissance dépassera le 0,6 point pronostiqué, selon les calculs des spécialistes) et le rouble se mettra à se renforcer en frappant durement le producteur national. Bref, c'est un malheur d'être riche !

De nombreux économistes soulignent aussi que les auteurs du projet de budget ont un peu sous-estimé leurs prévisions de la croissance du PIB. En réalité celle-ci peut être de 0,3 point plus importante. En d'autres termes, des revenus de trop, non comptabilisés, apparaîtront dans le pays et commenceront, aussi étrange que cela puisse paraître, d'ébranler l'économie russe.

La Cour des comptes, ayant expertisé le projet de budget 2005, est arrivée à la conclusion que le document ne permet pas d'atteindre les objectifs fixés par le chef de l'Etat, à savoir de doubler le PIB d'ici dix ans et de combattre la pauvreté. En effet, le rythme de croissance pronostiqué par le gouvernement au niveau de 105,5% ne suffit manifestement pas pour s'acquitter de cette tâche.

Le gouvernement cherche à économiser également sur la lutte contre la pauvreté. La totalité des dépenses sociales (enseignement, santé publique, politique sociale, y compris les investissements sociaux et le financement de la recherche dans ce domaine) reste, dans le projet 2005, au niveau de l'année en cours (14%). Quant à la part des dépenses sociales dans le PIB, elle diminue, en passant de 2,79% en 2004 à 2,39% en 2005. La hausse des salaires dans le secteur budgété est programmée au niveau de 20% seulement bien que cette année cet indice ait été complètement oublié. Cette augmentation couvrira sûrement l'inflation mais ne permettra pas au personnel du secteur budgété de rattraper le salaire moyen à l'échelle nationale qui augmentera de 31% à 32% pendant la même période.

Un autre fait décevant est que l'année prochaine également l'économie russe continuera à se fonder sur la vente de matières énergétiques. Il est évident que cela ne favorise point sa croissance. Plus tard, lorsque les cours du pétrole se mettront à chuter, cet ancrage peut jouer un mauvais tour à la Russie qui prend l'habitude de l'"argent facile". Car, ainsi que le dit le vieil adage économique, "tout ce qui monte descendra tôt ou tard".

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