Mardi, des meetings antiterroristes de solidarité avec Beslan se sont tenus dans beaucoup de villes russes. Le rassemblement organisé au pied du Kremlin, à Moscou, a réuni plus de 130.000 personnes malgré une forte pluie. Le ton des pancartes arborées par les manifestants reflétait bien leur état d'esprit. Heureusement pour le président Vladimir Poutine, cet état d'esprit correspond aux propos qu'il a émis la veille dans son allocution à la nation.
Le slogan principal des manifestants était "La Russie ne se laissera pas mettre à genoux". Mais il y avait aussi une autre grande pancarte où il était écrit en anglais: "Si vous voulez nous aider, extradez le terroriste Zakaïev" qui ne s'adressait apparemment pas aux autorités russes, mais à l'Occident, ou plutôt à Londres. C'est Londres qui a refusé d'extrader ce compagnon d'armes d'Aslan Maskhadov, chef d'un groupe terroriste qui avait fait irruption au Daghestan depuis le territoire tchétchène il y a quelques années. Akhmed Zakaïev est coupable de la mort de nombreux innocents et l'intervention des séparatistes tchétchènes au Daghestan a marqué le début de la "deuxième guerre tchétchène" entraînant la chute du régime d'Aslan Maskhadov.
De toute évidence, beaucoup d'hommes politiques occidentaux regrettent l'effondrement du régime Maskhadov malgré leur disposition à lutter contre le terrorisme et leurs déclarations officielles reconnaissant l'intégrité territoriale de la Russie. C'est la seule explication possible des récents propos émis par Richard Boucher, porte-parole du Département d'État américain. La Russie n'a pas encore enterré les enfants tués à Beslan lorsque M.Boucher a déclaré que les États-Unis et la Russie avaient toujours des positions différentes à l'égard de certains séparatistes tchétchènes. "C'est une vieille histoire sur la divergence de nos attitudes vis-à-vis de certaines personnes. Cela est de notoriété universelle", a-t-il dit.
L'histoire est effectivement de longue date. L'Occident recommande depuis longtemps au Kremlin de se mettre à la table des négociations avec Aslan Maskhadov bien que ses liens avec le terrorisme soient connus et qu'il soit aussi répugnant à la Russie qu'Oussama ben Laden pour les États-Unis.
Rappelons que le tribunal de la charia faisait exécuter les gens sur la place de Grozny sous le régime de Maskhadov comme au Moyen Age. C'est Maskhadov qui a dilapidé les fonds versés par Moscou pour les retraités. C'est son régime qui a toléré les attaques à main armée contre tous les trains passant par Grozny et la traite des gens. C'est à l'époque de Maskhadov que les Russes et les opposants tchétchènes du régime ont fui la Tchétchénie par milliers. La manière dont Aslan Maskhadov gouvernait l'État bandit créé à la frontière avec la Russie était pour le moins particulière. Convoqué au tribunal de la charia, l'esclavagiste principal tchétchène Arbi Baraïev a plaidé non coupable sur le Coran avant d'être relâché pour se livrer à ses activités criminelles.
Ce sont les faits. Les autorités fédérales se sont procurées une partie des archives du parquet de Maskhadov et l'auteur de ces lignes a pu consulter certains documents. Il faut reconnaître que le parquet impuissant de l'époque de Maskhadov a fidèlement enregistré au moins une partie des crimes, mais qu'il ne pouvait rien faire avec le "président Maskhadov", son service de sécurité pillant la population ni d'autant moins avec les chefs de guerre. Chamil Bassaïev, terroriste qui figure sur la "liste noire" de l'ONU, occupait alors la meilleure place. En tant que ministre des Combustibles et de l'énergie, il volait ouvertement le pétrole tchétchène. Le parquet tchétchène était au courant et a même essayé de gagner le président Maskhadov à sa cause en lui envoyant des lettres. Mais ses efforts se sont avérés vains.
C'est avec ce "politicien sain d'esprit" que l'Occident invite Vladimir Poutine à négocier?
