Tout comme le reste de la Russie, la Tchétchénie est effrayée et déprimée par la tragédie de Beslan

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MOSCOU. (Commentateur politique de RIA-Novosti, Youri Filippov). La tragédie de Beslan est souvent considérée comme l'une des conséquences directes du séparatisme tchétchène. Mais à quel point les événements tragiques à Beslan sont-ils donc liés au mouvement pour l'indépendance nationale de la Tchétchénie vis-à-vis de la Russie?

Le problème y est que, d'une part, le mouvement séparatiste tchétchène s'est le plus étroitement lié avec les formes les plus répugnantes du terrorisme international. Or, il se peut toujours que cela lui permet de résoudre ses problèmes financiers et d'être alimenté en armes et en mercenaires. De l'autre, une telle liaison compromet inévitablement toute perspective de l'indépendance de la Tchétchénie.

C'est qu'en empruntant des méthodes terroristes à l'époque où l'ensemble du monde civilisé mène une lutte intransigeante contre le terrorisme international, les séparatistes tchétchènes se vouent à un échec tout à fait évident encore qu'il s'agisse bien là d'un échec global, sans doute définitif et irréversible. On comprend bien que la souveraineté du terrorisme ne sera jamais reconnue par la Russie ni par aucun autre Etat normal dans le monde. C'est pourquoi le résultat auquel est venu le séparatisme tchétchène en plus de dix ans de lutte contre Moscou est parfaitement évident et se résume comme suit: impasse politique, discrédit le plus total et défaite, assortie d'une perte complète de la face.

Au début des années 1990, les idéologues du séparatisme tchétchène avaient l'habitude de procéder à des extrapolations entre l'aspiration de la Tchétchénie à l'indépendance nationale, d'une part, et cette vague de révolutions anticoloniales réussies dans le monde au cours de deux à trois décennies après la Seconde Guerre mondiale. Qui plus est, il allait sans dire à l'époque que la lutte pour l'indépendance nationale pouvait et devait même être violente et sévère et ce, d'autant plus que les exemples de l'histoire plutôt récente des pays d'Asie et d'Afrique auraient témoigné en faveur de la thèse selon laquelle le but justifie toujours les moyens.

Quoi qu'il en soit, les idéologues de l'indépendance nationale de la Tchétchénie sont manifestement en retard. En effet, le train des révolutions anticoloniales est déjà parti depuis longtemps. Somme toute, en tant que phénomène politique acceptable, l'anticolonialisme belliqueux et belligérant était déjà mort dans les années 1970, et toute tentative de le réanimer de nos jours pourrait bien se traduire en massacre aussi sanglant qu'insensé.

Il n'est pas non plus à oublier qu'à part des tendances mondiales, il est aussi des particularités qui ne sont propres qu'à la Russie. C'est qu'à la place de l'ancienne URSS, quinze Etats indépendants existent de nos jours encore que chacun d'entre eux n'ait pas accédé à sa souveraineté nationale à l'issue d'une lutte armée de la nation titulaire pour son indépendance, loin de là! La division de l'URSS, soit la séparation des ex-républiques soviétiques du Centre s'était opérée tout à fait pacifiquement, sans que la force y soit employée.

Comme le démontre l'expérience pratique elle-même, seul un séparatisme pacifique, c'est-à-dire non-violent, peut être efficace et réussir même politiquement en Russie.

Nul n'ignore, par exemple, qu'à la charnière des années 1940 et 1950, des formations paramilitaires à idéologie séparatiste avaient mené une lutte armée contre Moscou sur le territoire de l'Ukraine et des Etats baltes. Tout comme les actuels séparatistes en Tchétchénie, ces formations avaient terrorisé les civils loyaux à Moscou et avaient même essayé d'occuper certaines agglomérations. Pourtant, en l'espace de quelques années tout au plus, ces bandes avaient été complètement liquidées. Tout indique que, de nos jours, dans le Nord Caucase, cette vieille histoire se répète, bien que ce soit sous forme de farce, cette fois-ci.

Il est parfaitement inutile d'emprunter un langage de la force avec Moscou, et seul un fou aurait pu croire que la prise d'enfants en otages puisse modifier quoi que ce soit dans son attitude.

Mais même une conversation non-violente avec le Kremlin, conversation pareille à celle qu'avaient menée avec Moscou les mouvements séparatistes des anciennes républiques soviétiques à la fin des années 1980, n'aboutirait sans doute pas aujourd'hui à des résultats escomptés. A l'heure actuelle, la Russie est en plein essor économique. Bien plus, elle est en train de revenir au club des plus grandes puissances du monde. Dans de telles conditions, le séparatisme ne bénéficie généralement pas d'un appui de masse et ce, même dans les territoires dont la séparation est envisagée. Force est de constater que le séparatisme tchétchène n'y fait guère exception, et les récentes présidentielles en Tchétchénie l'ont confirmé avec éclat.

A en juger d'après les états d'esprit en Tchétchénie elle-même, la tragédie de Beslan en a fini définitivement avec l'idée même de l'indépendance. Tout comme le reste de la Russie, la Tchétchénie est effrayée et déprimée par ces événements tragiques qui l'ont littéralement submergée. Comme le reste de la Russie, mais à cette exception près que les Tchétchènes comprennent sans doute mieux que n'importe qui qu'en la personne des Ossètes, on leur a créé des ennemis jurés. Et la perspective d'une vengeance sanglante est un vrai malheur pour la Tchétchénie.

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