La corruption en Russie: le pouvoir prend conscience du danger qu'elle représente pour l'Etat

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MOSCOU, 22 juillet. (Par Vladimir Simonov, commentateur politique de RIA Novosti). Un fonctionnaire a été arrêté pour avoir reçu un pot-de-vin de 10.000 dollars d'un homme d'affaires à qui il avais promis de louer un local vide dans son ministère...

Les journaux russes sont constellés de ce genre d'informations. Cependant, depuis quelque mois on peut espérer qu'elles se feront plus rares. En effet, le président russe, Vladimir Poutine, et le parlement ont créé des organismes spécialisés dans l'éradication de la corruption, ce mal sempiternel de la Russie comme on dit. Le Conseil présidentiel pour la lutte contre la corruption et la Commission anticorruption de la Douma (chambre basse du parlement) sont en quelque sorte les "cerveaux" chargés de coordonner la guerre menée contre ce dangereux phénomène. Contrairement à une opinion bien ancrée, la Russie n'est pas un paradis absolu pour les prévaricateurs. Dans un récent rapport annuel publié par l'organisation Transparency International, la Russie figure quelque part au milieu d'une liste de 133 Etats dans lesquels la corruption a fait l'objet d'une étude. Néanmoins, on ne saurait sous-estimer le préjudice que les différentes formes prises par la corruption causent à la santé économique et morale du pays. Selon la fondation moscovite INDEM, qui étudie les causes de la corruption, le montant des pots-de-vin versés chaque année par les Russes à des fonctionnaires véreux dépasse les 30 milliards de dollars. Les sociologues avancent une kyrielles de raisons expliquant le niveau élevé de la concussion en Russie.

Par exemple, il est notoire que la corruption se développe toutes les fois qu'un pays traverse une période de modernisation. Ce qui se produit aujourd'hui en Russie, ce n'est pas simplement une modernisation, c'est le bris de fondements politiques, économiques et sociaux.

Seulement il est impossible de rejeter d'emblée le legs totalitaire. Beaucoup de ceux qui n'ont pas pu s'adapter aux conditions du marché et se lancer dans les affaires sont restés dans la fonction publique. Le pouvoir administratif russe est encore infecté par les vieux stéréotypes considérant le secret et le non-respect du droit à la propriété privée comme des normes. Pour ces fonctionnaires les pots-de-vin sont, entre autres choses, une sorte de compensation pour leur échec social.

La conscience du risque qui pèse sur le monde des affaires russes encourage la corruption. Une partie des entrepreneurs estime toujours, comme dans les années 90, qu'il est possible de faire un maximum de profits dans les délais les plus brefs. D'autre part, comme ces gens ne ressentent pas la protection de l'Etat, ils la recherchent auprès du fonctionnaire. Animé de cette psychologie, l'entrepreneur voit dans la corruption le chemin le plus court menant au profit.

Il existe aussi un véritable fossé entre les salaires modestes des chefs des entreprises publiques et les traitements somptueux des PDG des entreprises privées. Si bien que les premiers travaillent non pas conformément aux clauses de leurs contrats mais en vertu du principe tacite: tout ce que l'on ne t'a pas payé, tu peux te l'approprier sous forme de pots-de-vin.

On pourrait poursuivre l'énumération des raisons qui incitent les Russes à proposer discrètement une enveloppe à un fonctionnaire, à un policier et même parfois à un juge. Toutefois, cela n'a pas ôté aux autorités russes le désir de lancer contre la corruption une offensive systématique et de longue haleine. La pratique mondiale montre qu'il est impossible d'éliminer définitivement ce mal. Qui plus, de nombreux experts estiment même que cela n'est pas indispensable. La corruption "modérée", comme la douleur chez l'individu, est un signal utile annonçant qu'une maladie quelconque a frappé l'organisme de l'Etat, que des problèmes et des points névralgiques se sont fait jour dans la législation nationale.

C'est précisément par l'affinement des lois que la Commission anticorruption de la Douma a entamé son travail. Ses membres se sont rappelée qu'à l'époque la Russie avait adhéré à des documents fondamentaux tels que la Convention de l'ONU contre la corruption et la Convention européenne pénale sur la corruption mais qu'elle n'avait toujours pas mis la législation du pays en conformité avec ces textes internationaux. Une chose que la commission sus-mentionnée fait actuellement. Il s'agit des lois réglementant la transparence du pouvoir, les comptes rendus d'activité des fonctionnaires, l'obligation pour les représentants du pouvoir de faire état d'une activité professionnelle privée, etc.

La loi "Des enquêtes parlementaires" a été adoptée en première lecture. La loi "De la protection des témoins" sera examinée à la fin du mois de juillet et elle a toutes les chances de passer. La loi "De la confiscation des biens acquis par des moyens illicites", exclue on ne sait trop pourquoi du Codé pénal l'année dernière, sera très prochainement remise en vigueur.

La Commission anticorruption de la Douma reçoit des centaines de requêtes émanant de chefs d'entreprise et de simples gens dénonçant des cas de corruption, de fraude et d'autres machinations. Ce courrier est vérifié, le cas échéant des demandes sont adressées au parquet. De cette façon la Commission anticorruption de la chambre basse du parlement compense le contrôle insuffisant exercé par la société sur le pouvoir.

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