Il y a un demi-siècle la première centrale nucléaire au monde divergeait en Russie

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MOSCOU, 24 juin. (Par Lioubov Sobolevskaïa, commentatrice scientifique de RIA Novosti). Au début du XX-e siècle, bien peu nombreux étaient ceux qui estimaient possible d'utiliser l'énergie contenue dans l'atome. En 1933, Ernst Rezerford avait écrit ceci: "Nous ne pourrons pas domestiquer suffisamment l'énergie atomique pour qu'elle puisse avoir une valeur commerciale quelconque".

Un autre grand savant, Vladimir Vernadski, s'était avéré plus perspicace. Longtemps avant Rezerford, en 1922, il avait dit que dans un avenir proche l'homme maîtrisera l'énergie atomique, qui lui permettra de bâtir sa vie comme il l'entendra.

L'histoire de l'utilisation pratique de l'énergie atomique a commencé de manière tragique, par l'explosion d'une bombe atomique américaine à Hiroshima au mois d'août 1945. Dans la course à l'utilisation pacifique de l'atome, ce sont les physiciens soviétiques qui ont pris la tête. La première centrale nucléaire au monde est entrée en service le 27 juin 1954 à Obninsk, une ville située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Moscou.

En URSS, c'est dès avant la guerre que les chercheurs soviétiques avaient attiré l'attention du gouvernement sur l'utilisation de l'énergie atomique. A l'époque ils ne songeaient pas à son application militaire. Le 26 juin 1940, le quotidien moscovite Izvestia publia un article consacré aux travaux réalisés dans ce domaine par des physiciens soviétiques, en soulignant que "selon des estimations approximatives une unité de poids d'uranium pourrait donner plus de deux millions de fois plus d'énergie que la même quantité de houille".

A l'époque les scientifiques pensaient qu'en principe la libération de l'énergie atomique serait possible dès 1941, seulement le 22 juin les recherches avaient été interrompues par l'agression de l'Allemagne hitlérienne contre l'URSS. C'est en 1942, lors de la période de la guerre la plus difficile pour l'URSS, que la course à la bombe atomique commença. Les plus grands physiciens soviétiques furent mobilisés. C'est qu'il fallait devancer les hitlériens dans la création de l'arme atomique. Le danger était bien réel. Après la victoire sur l'Allemagne cet objectif resta actuel, malheureusement, surtout après l'utilisation de la bombe atomique par les Etats-Unis et le fameux discours prononcé par Winston Churchill à Fulton le 5 mars 1946 (Etat de Missouri), qui avait marqué le début de la guerre froide.

Quoi qu'il en soit, peu après la fin de la guerre, au mois de novembre 1945, décision fut prise de revenir à l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. A cette époque les hautes technologies indispensables pour créer la bombe A avaient été créées en URSS et par la suite elles auraient pu être utilisées pour l'emploi de l'atome à des fins civiles.

Les travaux en vue de créer la centrale nucléaire furent menés avec autant d'ardeur que pour la bombe A. Les difficultés en tous genres, y compris et surtout économiques, rencontrées les premières années de l'après-guerre était si grandes qu'au cours d'une assemblée du personnel de l'Institut d'Obninsk on en vint à poser la question: "Nous patientons ou nous demandons un report de la construction de la centrale?" La réponse avait été unanime: "Les difficultés, nous les surmonterons mais le travail ne sera pas ralenti!" L'utilisation pacifique de l'énergie de l'atome - une association de mots qui s'est dépréciée au fil du temps - exaltait les gens à l'époque. La première bombe atomique soviétique fut testée le 29 août 1949. Moins de cinq ans plus tard, la première centrale nucléaire au monde entrait en service.

Le réacteur civil d'Obninsk a fonctionné pendant 48 ans, il a été arrêté il y a deux ans pour des raisons économiques. Pour avoir une idée de sa fiabilité il suffit de lire cette constatation faite par des représentants de Greenpeace: aucun incident n'a été enregistré durant toute la durée de son fonctionnement. Au cours du demi-siècle écoulé depuis l'entrée en service de la centrale nucléaire d'Obninsk, 430 réacteurs ont été construits de par le monde. Ils fournissent près de 20 pour cent de l'électricité produite sur la planète.

Pour la Russie, dont on connaît le climat rigoureux, l'énergie nucléaire avait une portée toute particulière et c'est la raison pour laquelle elle a connu un essor très rapide. En URSS décision avait même été prise d'évincer l'énergie des hydrocarbures en 50 ans. On estimait qu'il n'était pas judicieux de consommer le gaz considéré comme une matière première précieuse. Au cours du dernier quinquennat soviétique des réacteurs d'une puissance globale de 14,6 millions de kW avaient été mis en chantier.

Depuis l'accident survenu en 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, où le facteur humain avait été déterminant dans cette tragédie, l'hostilité à l'énergie nucléaire a grandi dans le pays tout comme dans l'ensemble du monde d'ailleurs. Si les équipements avaient été utilisés correctement, ils n'auraient jamais pu provoquer un tel malheur.

Ces dernières années le nucléaire recouvre peu à peu son capital de confiance dans le monde et en Russie. Le syndrome de Tchernobyl se dissipe progressivement. De l'avis de l'académicien Alexandre Roumiantsev, qui dirige ce secteur économique en Russie, le développement de l'énergie nucléaire est en passe de connaître une nouvelle spirale historique. La politique technologique sectorielle à long terme prévoit le passage graduel à l'utilisation de la nouvelle électrotechnologie nucléaire à réacteurs rapide en remplacement des réacteurs thermiques, a déclaré Alexandre Roumiantsev à la 47-e session de la Conférence générale de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

Les réacteurs à neutrons rapides fournissent de l'énergie thermique et possèdent en même temps la faculté de produire du combustible nucléaire. Si les réacteurs actuels "brûlent" de l'uranium-235, que l'on trouve en très petites quantités à l'état naturel et que pour cetteraison il faut spécialement séparer, les réacteurs "rapides" consomment des isotopes 238, dont l'uranium naturel est constitué pour l'essentiel. Qui plus est, au cours du fonctionnement du réacteur cet uranium-238 "inefficace" se transforme en plutonium 239. Ainsi, en se consumant le combustible se transforme en un autre combustible, en augmentant de cette façon ses ressources naturelles. Les calculs montrent que dans ce cas le combustible apte à produire de l'énergie dans les centrales nucléaires dix fois plus puissantes que celles d'aujourd'hui suffirait pour des milliers d'années.

L'énergie nucléaire de demain doit reposer sur les réacteurs à neutrons rapides. Cette conclusion logique découle des cinquante années d'expérience de la branche, estime l'académicien Alexandre Roumiantsev.

Le réacteur BN-600, qui est une synthèse de toute l'expérience nationale en matière de création des réacteurs à neutrons rapides et n'a pas d'analogue dans le monde, fonctionne depuis déjà 25 ans. Un réacteur nucléaire de nouvelle génération BN-800 à neutrons rapides devrait diverger fin 2009-début 2010 à la centrale nucléaire de Beloïarsk, dans l'Oural, a annoncé Alexandre Roumiantsev. Selon la Stratégie énergétique russe, la production d'électricité nucléaire devrait passer de 130 milliards de kW/h en 2000 à 195 milliards de kW/h en 2010 et à 300 milliards de kW/h en 2020.

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