La Russie aidera à refroidir les marchés du pétrole

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MOSCOU. /par Youri FILIPPOV - RIA Novosti/. Le Sommet du G8 de Sea Island, aux Etats-Unis, se tiendra cette année dans le contexte des prix inhabituels du pétrole. La situation n'est pas critique pour l'économie mondiale mais en Europe, en Amérique du Nord et en Asie on entend de plus en plus souvent les hommes politiques, les hommes d'affaires, les économistes faire part de leur préoccupation face à la perspective d'une récession si les prix du pétrole s'obstinent à monter.

Seule une déclaration politique des leaders du groupe qui représente la majorité des plus grandes économies du monde sur le fait que la situation est sous contrôle ou du moins qu'elle fait l'objet d'un suivi attentif, serait à l'heure actuelle la bienvenue pour refroidir les marchés qui s'échauffent.

Les leaders du G8 ont toutes les raisons de croire que le monde prendra en considération leur point de vue. Car ce club élitiste des puissances industrialisées regroupe aujourd'hui non seulement les principaux importateurs de pétrole, à savoir les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, mais aussi la Russie qui est le plus grand exportateur mondial car elle a dépassé récemment son principal concurrent, l'Arabie saoudite. La Russie produit plus de 9 millions de barils par jour. Les sociétés pétrolières russes se proposent de porter leur production à 11 millions de barils par jour et cet accroissement sera destiné principalement à l'exportation : 5 millions de barils par jour est un point de repère préalablement fixé par le gouvernement russe. Son dépassement est possible à condition que le prix à l'exportation ne chute pas au-dessous du niveau minimum de 20 dollars le baril qui permet aux sociétés russes d'exploiter avec profit les gisements sibériens, en payant le transport du brut vers l'Europe, en effectuant des travaux de prospection de nouveaux gisements et en versant les impôts au budget.

Certes, les 20 dollars ne sont pas le gâteau de fête dont rêvent les industriels du pétrole ou les fonctionnaires du ministère des Finances qui alimentent le budget national en pétrodollars, paient avec cette monnaie l'impressionnante dette publique russe et amassent la devise pour la reverser au Fonds de stabilisation destiné aux générations futures. Mais la Russie ne souffre pas de boulimie monétaire non plus. Selon le président Vladimir Poutine, le plafond des prix de pétrole que la Russie accepte de ne pas dépasser est 25 dollars. Bien entendu, cette déclaration n'est un dogme absolu. Les chiffres peuvent changer, par exemple en fonction du taux d'inflation, mais c'est leur sens politique et l'approche de l'affaire qui importent le plus.

Or l'affaire se ramène à ce que la Russie n'est pas le Koweït, pas même l'Arabie saoudite pour lesquels le pétrole est l'unique moyen de s'intégrer dans l'économie mondiale où toute hausse du brut fait éclater une jubilation générale. A la différence de ces pays, la Russie n'est pas membre de l'OPEP et se considère comme une grande puissance industrialisée. Avec les ambitions économiques russes le pétrole est une industrie importante mais pas essentielle. Les cours trop élevés du pétrole diminuent la rentabilité des investissements dans les secteurs non liés aux matières premières et suscitent un déséquilibre de l'économie russe la contaminant de la "maladie hollandaise". La Russie n'est pas la seule à l'avoir connue. Elle débute par un boom fulgurant pour s'achever par une crise longue et douloureuse. L'unique "vaccin" efficace contre cette maladie est, pour la Russie, un prix modéré sur le pétrole, et dans ce domaine ses intérêts coïncident pleinement avec ceux des importateurs.

Il y a aussi un autre moyen de réaliser les intérêts communs. Il consiste à augmenter les ventes. Le marché intérieur russe est bien approvisionné en pétrole. Il est même surapprovisionné et le pétrole n'est pas toujours utilisé de façon rationnelle. La révolution technique des années 1970 qui a répandu dans le monde des technologies économisant l'énergie a contourné la Russie, c'est pourquoi là où le Japonais a besoin d'un baril de pétrole, le Russe en consomme deux et même dix. Un terme doit être mis prochainement à ces prodigalités inconsidérées. Bien que le gouvernement russe, répondant à l'appel du président Poutine, se fixe pour tâche de doubler le produit intérieur brut vers 2010, le niveau de la consommation d'énergie ne changera presque pas, selon ses calculs. La consommation intérieure de pétrole n'augmentera pas beaucoup elle non plus par rapport au niveau actuel.

Cela veut dire que pour les sociétés russes qui augmentent leur production d'au moins 10% par an l'exportation est le seul moyen de nature à accroître sérieusement leurs ventes. Elles s'installent donc activement en Occident, dans les pays de l'Union européenne et aux Etats-Unis où les labels de "Ioukos" et de "Lukoil" sont d'ores et déjà largement connus. Ces sociétés ont cependant des potentialités d'exportation limitées par le débit des oléoducs et des ports en eau profonde de la Russie. C'est le principal obstacle à la diversification des exportations russes de pétrole. Les oléoducs sont exploités à la limite du possible, et même en prenant en considération les chantiers de pipe-lines de la mer Baltique, les importateurs ne pourront pas compter avant deux ou trois ans sur des livraisons excédant 1,6 à 1,8 milliard de barils par an.

Aussi les leaders des pays du G8, dont le président Poutine, réfléchissent-ils depuis longtemps sur le nouveau rôle que la Russie doit jouer dans la politique énergétique mondiale. Des signaux arrivent constamment à Moscou des capitales européennes, de Washington, de Tokyo. La particularité de la situation consiste en ce que cette rencontre permet de déclarer au plus haut niveau politique les principes des relations entre les plus grands importateurs et le plus grand exportateur de pétrole du monde. Principes qui peuvent déterminer prochainement le développement économique mondial.

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