Qui a commandité la prise d'otages russes en Irak?

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MOSCOU, 13 avril. (Par Andreï Pravov, commentateur de RIA Novosti).

En Orient on dit que pour saisir les raisons de quelque chose, il faut tout d'abord tenter de savoir à qui cela profite. Cette formule peut assurément être appliquée à la situation avec les otages étrangers en Irak, y compris avec les otages russes.

Tant que les chiites irakiens insurgés s'en étaient pris à des ressortissants des Etats membres de la coalition, dont des troupes se trouvent en Irak, les choses semblaient être claires: ils exigeaient la cessation de l'occupation du pays et le départ immédiat d'Irak de toutes les troupes étrangères. Les Japonais prisonniers, soumis à des outrages qui ont été montrés par les télévisions de nombreux pays du monde, s'inscrivent parfaitement dans cette interprétation des événements. Ainsi, on peut très logiquement penser que les ravisseurs chiites de ces ressortissants nippons voulaient exercer une pression sur Tokyo, forcer celui-ci à quitter l'Irak.

Cependant, par la suite la situation a quelque peu évolué. Les enlèvements, d'abord de Chinois et ensuite de Russes, ont clairement montré que quelque chose de différent se produisait. Car ni Pékin, ni Moscou n'ont jamais soutenu les opérations militaires menées par la coalition pro-américaine en Irak. Au contraire, par la bouche de leurs représentants ils ont condamné les opérations lancées sans l'aval de l'ONU. Il est peu probable que les chefs qui ont donné l'ordre de prendre des otages chinois et russes aient pu espérer que cela puisse favoriser le départ de troupes quelconques d'Irak.

Une question se pose alors: à qui cette action profite-t-elle? La réponse est sans équivoque: en premier lieu à ceux qui veulent montrer la sauvagerie du combattant islamique incontrôlable en Irak. Le combattant avec lequel le soldat américain est venu en découdre, le combattant qui place sur le même plan tous les étrangers, plus précisément qui haït tous les non musulmans en général.

Partant, on est enclin à constater que dans la situation qui prévaut actuellement les unités militaires étrangères sont le seul garant de l'ordre dans le pays. Dès que les Américains et leurs alliés quitteraient l'Irak, les têtes des coupables et des innocents sans distinction se mettraient à tomber. Un scénario que personne au monde ne souhaite.

Effectivement, les Américains ont fait un tel gâchis en Irak qu'il sera impossible de redresser la situation sans la présence d'une force importante et neutre dans le pays. Cela devient de plus en plus évident. En Irak l'ordre doit être rétabli non pas par ceux qui l'ont enfreint, mais par les casques bleus de l'ONU investis d'un mandat de cette organisation internationale. Maintenant, en ce qui concerne l'incontrôlabilité du combattant islamique, personnellement j'émets des doutes. Au printemps de 1992, dès le lendemain de l'assaut de Kaboul, j'avais eu l'occasion de voir de mes propres yeux ce qu'était ce combattant islamique, tant chiite que sunnite. Je puis dire que l'aspect du modjahed descendu tout droit de la montagne, barbu et pieds nus, brandissant une Kalachnikov dans le centre de Kaboul, suscitait plus que de la méfiance. Pourtant, il y a douze ans j'avais pu constater que tous ces gens qui semblaient plutôt sauvages et incontrôlables étaient parfaitement maîtrisables. Ils se subordonnent à leur chef inconditionnellement. Ici les "surprises sont exclues". Si l'ordre est donné d'égorger des "chouravis" (nom donné aux Russes en Afghanistan), ils égorgeront. Au contraire, si l'ordre est donné de protéger l'ambassade de Russie, il sera exécuté. C'est d'ailleurs cette mission qui avait été confiée aux combattants de l'organisation chiite Hizb-e-Wahdad et ils l'avaient même accomplie avec le sourire. Et ce en Afghanistan où bien des gens étaient démangés par l'envie de régler des comptes avec les Russes. La situation en Irak est différente. C'est incontestable, les spécialistes russes y sont respectés, étant donné qu'à des époques diverses ils ont érigé toutes sortes d'ouvrages économiques, initié les autochtones à des professions diverses, etc. Et l'on n'arrive pas à croire que tout cela puisse être oublié instantanément.

Selon certaines données, les bonnes dispositions des Irakiens à l'égard des spécialistes russes ne plairaient pas à tout le monde. C'est pourquoi si jamais quelqu'un a donné l'ordre de prendre des spécialistes russe en otage, il ne peut s'agir que d'une provocation. Et il va falloir maintenant démasquer celui qui l'a donné.

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