La Russie et les Etats-Unis à la CEI: rivaux ou partenaires?

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par Konstantin Kossatchev, président du Comité pour les Affaires internationales de la Douma d'Etat (Chambre basse du Parlement russe)

La question des relations entre la Russie et les USA dans la zone de la Communauté des Etats indépendants (CEI) est sans doute des plus importantes du point de vue du développement de cette partie du monde. Et ce n'est certes pas du tout par hasard que, depuis toute cette dernière décennie et ce, indépendamment de celui qui se trouvait concrètement au pouvoir au Kremlin et à la Maison-Blanche, le sujet de la CEI, soit de nouveaux Etats démocratiques, réapparaissait sans cesse à l'ordre du jour des relations bilatérales entre Moscou et Washington.

Mais qui sont donc la Russie et les Etats-Unis sur l'étendue post-soviétique? Rivaux ou partenaires? Qu'est-ce qui compte davantage dans les relations entre ces deux pays - la rivalité ou la coopération?

Pour caractériser la situation actuelle, celle notamment de février 2004, on devra plutôt employer pour le moment le terme "rivalité". Quoi qu'il en soit, ce n'est pas du tout une rivalité qui naît des projets malintentionnés ou des ambitions hégémoniques, loin s'en faut. C'est qu'à la disparition de l'URSS, les ex-républiques soviétiques s'étaient confrontées à d'innombrables difficultés. Leurs problèmes relevaient alors, entre autres, de l'identification nationale, du régime politique à édifier et, ce qui est sans doute le principal, du développement économique. Dans un contexte aussi compliqué, il serait tout à fait naturel pour n'importe quel pays d'essayer de trouver un appui et un concours de l'extérieur. Comme, à l'instar de la nature, la politique ne souffre pas de vide, alors que la Russie affaiblie ne pouvait tout simplement pas, tout au long des années 1990, être un appui sûr ni source de solution de leurs problèmes, ces nouveaux Etats s'étaient mis à rechercher ailleurs l'appui et le concours dont ils avaient besoin et ce, chacun avec intensité différente.

Il va sans dire que le choix en faveur des Etats-Unis y a été parfaitement logique. C'est que les possibilités économiques des USA à l'époque étaient tout à fait incomparables avec celles de la Russie. Qui plus est, la conception politique extérieure de l'administration démocrate US de l'époque (à signaler que cette même conception est encore plus énergiquement mise en œuvre de nos jours) y était devenue un facteur de poids. Ladite conception vise notamment à garantir la présence américaine partout dans le monde, qu'il s'agisse des régions à conflits potentiels, telles que le Caucase, par exemple, ou des régions riches en ressources naturelles, dont l'Asie Centrale et le bassin de la Caspienne.

En perspective, la question se pose: cette situation restera-t-elle encore longtemps aussi statique? A force de bien des raisons historiques, ethniques, culturelles et géographiques, la Russie est certes un partenaire de loin plus proche et compréhensible pour les pays-membres de la CEI que les USA. Et si la Russie se redresse enfin, surmonte sa propre crise intérieure et réussit à se tourner de nouveau et pour de bon vers les Etats de la CEI, la reprise de leur coopération normale avec la Russie ne se fera sans doute pas attendre. Par ailleurs, il ne s'agit pas là seulement d'une coopération sur le plan politique, ce qui se produit d'ores et déjà, mais aussi d'une coopération économique et même militaire, car la Russie est capable de proposer à ces Etats des garanties de sécurité dans ces cas précis où ils en ont effectivement besoin.

L'amélioration continue des relations de la Russie avec les pays-membres de la Communauté des Etats indépendants et la modification progressive, dans ce contexte, de l'attitude des Etats-Unis peuvent être illustrées à l'exemple de la Géorgie. Tout récemment encore, on dirait que les relations russo-géorgiennes manquaient de stabilité. Moscou s'énervait tout particulièrement aux déclarations de la direction géorgienne sur l'intention de la Géorgie d'adhérer à l'Alliance de l'Atlantique Nord et d'ouvrir son territoire au déploiement de bases militaires américaines.

Pourtant, il s'est avéré que ce problème est tout à fait réglable. Bien plus, le thème de la présence militaire américaine en Géorgie s'est, à mon avis, épuisé à l'issue de la déclaration qu'a faite le secrétaire d'Etat US, Colin Powell, au cours de sa récente visite à Moscou. Bref, après avoir appris aux militaires géorgiens les méthodes de lutte antiterroriste, les Etats-Unis ne resteront en Géorgie que sous forme de staff de leur attaché militaire. C'est justement cette clarté à laquelle nous avons aspiré depuis plusieurs années et que nous avons finalement obtenue.

Pour ce qui est de l'adhésion à l'Alliance de l'Atlantique Nord, la Géorgie est un Etat tout à fait souverain et est, par conséquent, en droit de décider en toute indépendance des formes et des méthodes pour garantir sa propre sécurité nationale. Ainsi, si Tbilissi décide d'adhérer à l'OTAN, et que cette décision est soutenue par la majorité de la population du pays, la Russie doit respecter une telle décision et ce, indépendamment de ce que nous pensons nous-mêmes de l'élargissement de l'Alliance de l'Atlantique Nord à l'Est ou de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN.

Somme toute, la conséquence et la transparence de notre politique comptent sans doute beaucoup plus pour le renforcement des relations bilatérales entre la Russie et la Géorgie (et cela se rapporte aussi en grande partie à d'autres pays-membres de la Communauté des Etats indépendants). La Russie a toujours reconnu l'intégrité territoriale de la Géorgie. Depuis de longues années, nous accordons une assistance économique réelle à la Géorgie, y compris en lui livrant des hydrocarbures et d'autres marchandises stratégiques à des prix bien inférieurs à ceux mondiaux. Or, je suis sûr et certain qu'à l'avenir également, il en sera ainsi. C'est qu'il ne s'agit pas là tellement des personnalités concrètes des leaders, mais plutôt d'une politique stratégique à long terme.

D'où résulte, à mon avis, la seule solution possible de la "rivalité" entre la Russie et les Etats-Unis sur l'étendue post-soviétique. Je pense qu'avec le temps, ce thème disparaîtra tout simplement de lui-même. C'est que les USA ont beaucoup moins que la Russie d'intérêts stratégiques profonds dans cette région. D'autre part, les Etats-Unis n'ont tout simplement pas de raisons pour s'engager dans une âpre concurrence avec la Russie alors qu'elle renforcerait effectivement ses positions sur l'étendue post-soviétique. Qui plus est, nos relations avec les Américains dans bien d'autres domaines sont trop sérieuses, voire stratégiques, pour les exposer au risque d'une crise voire d'une dégradation à cause d'une question très particulière et plutôt fortuite de la "rivalité" sur le territoire de la Communauté des Etats indépendants.

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