Le feu et la hache: l'ennemi des forêts russes

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par Tatiana SINITSYNA, RIA-Novosti.

Les forêts russes ont une importance globale. Elles constituent plus de 20 % des ressources forestières globales, leur potentiel économique est évalué à 100 milliards de dollars. Les massifs forestiers russes s'étendent de la Baltique au Pacifique et couvrent toute l'Eurasie. Elles sont considérées comme l'ossature écologique de la biosphère. Mais, malheureusement, cette ossature donne des signes de faiblesse. Les massifs verts sont détruits implacablement par les haches, les incendies et les pluies acides. Il est difficile de faire face à ce désastre: l'Etat manque d'argent pour protéger efficacement les forêts.

Les réformes économiques durent depuis plus de dix en Russie, le pays passe douloureusement de l'économie planifiée soviétique au marché. L'une des conséquences négatives de ce processus se résume à ceci: la gestion des forêts et l'industrie forestière, deux agents essentiels dans les rapports macro-économiques, ont été divisées et relèvent de secteurs différents de l'économie, le premier dépendant de l'Etat et le deuxième du secteur privé. Le gouvernement tâche de régler la situation de conflit qui en a résulté, tout d'abord, avec un nouveau Code forestier. Le travail sur ce document touche à sa fin: il sera soumis au gouvernement le 19 février.

En attendant, les forêts russes subissent des coupes sauvages et sont pillées. Et cette situation est stimulée par le fait qu'au lieu du paiement "par souche", système pratiqué dans le monde entier, le pays utilise la "licence de coupe". La licence est vendue à vil prix (25 roubles pour un mètre cube de bois, soit le coût d'un kilogramme de sucre) et son propriétaire a le droit de pratiquer le business forestier. Puisque le contrôle de l'Etat sur les forêts est faible, les coupes de forêts acquièrent parfois un caractère barbare.

Un paradoxe: si, d'après les données officielles, les stockages de bois se sont réduits de 5 fois ces dix dernières années, les exportations de bois s'accroissent de jour en jour. Par exemple, d'après les données informelles, plus de la moitié des exportations de rondins d'Extrême-Orient sont le résultat de coupes illégales. Il en est de même en Sibérie: dans la région d'Irkoutsk et dans la région de Krasnoiarsk. Le bois scié illégalement va sur les marchés de nos voisins: le Japon, la Corée du Sud, la Chine. Cette dernière "engloutit" jusqu'à 90 % des exportations russes de bois, car la coupe industrielle des forêts chinoises est interdite par un moratoire de 50 ans.

L'année dernière, le budget du territoire de Krasnodar (Sud de la partie européenne du pays) a perdu environ 40 millions de roubles (à peu près 1.400.000 dollars). La situation dans le Nord-Ouest du pays n'est pas meilleure: le bois rond illégal part pour la Finlande et d'autres pays européens. Comment arrêter cet arbitraire? Naturellement, au moyen de lois qui sont la préoccupation principale des autorités.

Les incendies sont un autre fléau des forêts russes. Selon les sylviculteurs, depuis ces cent dernières années, en Sibérie et en Extrême-Orient, il n'y a pas de secteurs forestiers qui n'aient été détruits par le feu. Les immenses superficies (les forêts couvrent plus de la moitié du territoire du pays qui occupe un sixième des terres émergées), ainsi que le réseau routier peu développé aggravent les conséquences des incendies de forêts, qui sont particulièrement lourdes. En raison des difficultés financières, l'efficacité du service d'aviation anti-feux fondé il y a vingt ans a diminué.

Les faits prouvent que les incendies de forêts russes deviennent de plus en plus fréquents et détruisent des surfaces de plus en plus grandes. Certes, les indices divergent selon les régions. Par exemple, 11 500 incendies de forêts enregistrés l'année dernière dans la taïga de Sibérie et d'Extrême-Orient ont détruit 1,5 million d'hectares. Les incendies qui se déclarent dans ces régions difficilement accessibles et peu habitées ne peuvent pas être maîtrisés rapidement, c'est pourquoi le feu y embrase vite de grandes surfaces. Le "facteur humain" (la négligence manifestée dans le maniement du feu) s'ajoute aux caprices de la nature: la sécheresse, les orages.

L'année dernière, la région de Magadan (Extrême-Orient) est devenue "champion" de Russie pour les incendies qui y ont détruit près de 35 % des forêts. L'indice moyen du pays est de 1 à 3 %.

Les dépenses pour l'extinction des incendies sont financées par le budget fédéral. Le tribunal condamne le coupable (quand on parvient à le retrouver) à rembourser une somme déterminée. Les secteurs brûlés sont mis à la disposition du service de reboisement qui procède à la plantation de jeunes arbres.

Pour venir à bout du problème plus efficacement, le programme fédéral "Ecologie et ressources naturelles de la Russie", récemment élaboré, contient un chapitre spécial consacré à la lutte contre les incendies et leurs conséquences. L'essentiel est d'accroître le financement du service de protection des forêts, d'employer de nouveaux équipements efficaces, d'étendre le champ d'activité de l'aviation anti-feux.

Mais, selon les experts, les pluies acides, conséquence de la pollution de la nature par l'homme, sont particulièrement dangereuses pour les forêts. Les précipitations toxiques abîment totalement les arbres et carbonisent le sol. On peut juger de l'intensité des pluies acides par les dépôts de soufre. On en trouve beaucoup surtout dans les environs de Norilsk, centre de la métallurgie non ferreuse de la partie transpolaire de la Sibérie. Les fragiles forêts subarctiques en subissent les effets désastreux, tandis que leur restauration prend beaucoup de temps. La région industrielle des contreforts de l'Oural est une autre zone de pluies acides. Les agents polluants qui y sont transportés par les vents en provenance d'Europe s'ajoutent à la pollution régionale. Les monts de l'Oural arrêtent ces courants qui se délestent de leurs poisons dans ses contreforts. Les régions frontalières de l'Ouest du pays souffrent le plus des pluies acides. Les courants atmosphériques provenant de l'Ouest y larguent les précipitations pratiquement de toute l'Europe ayant un potentiel industriel immense. C'est un problème global qui ne peut être réglé qu'en diminuant avec esprit de suite l'influence de l'homme sur la nature.

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