La douleur d'autrui est aussi la nôtre...

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par Andreï Pravov, RIA-Novosti

Ne croyez surtout pas celui qui vous dira qu'on peut s'habituer aux attentats et aux tirs de fusées. Il y a 15 ans, à Kaboul, l'auteur de ces lignes voyait les gens, qui avaient déjà subi les épreuves de la guerre afghane, sursauter involontairement à toute explosion d'obus à réaction.

Impossible, non plus, de s'habituer au sang des innocents morts dans les attentats commis dans les cars, sur les marchés, dans les cafés, les centres de commerce. Les souffrances de leurs proches sont aussi un choc. J'ai pu en évaluer l'horreur en travaillant comme correspondant de RIA-Novosti en Israël. A l'époque, j'étais déjà convaincu qu'on ne saurait rester à l'écart et que si l'attentat ne t'a pas touché aujourd'hui, il pourrait en être autrement demain. Chacun doit intérioriser ce malheur, pour que la phrase si répandue - la douleur d'autrui est aussi la nôtre - retrouve enfin toute son entière justesse.

Le terrorisme est déjà en Russie. Ce lundi, Moscou enterre les victimes de l'explosion meurtrière dans son métro vendredi. Elles sont nombreuses, 39 personnes. 23 ont pu à ce jour être identifiées. L'attentat s'est produit dans une rame, dans un tunnel profond. C'est "la spécificité de cette explosion", disent les experts. 134 personnes ont été blessées, essentiellement des passagers de voitures voisines.

Lundi matin, 107 passagers de cette rame restaient encore hospitalisés dont 29 dans un état jugé "très grave", 44 dans un état "grave". Diagnostic le plus répandu : brûlures.

Lundi a été proclamé journée de deuil. Drapeaux nationaux à berne, la radio et la télé ont annulé leurs émissions de divertissement programmées d'avance.

Deux questions qui ne laissent personne tranquille, ce lundi : "Qui est coupable ?" et "Qui se tient derrière cet attentat horrible ?" Pour l'instant, il n'y a pas de réponse exacte. Aucune des organisations terroristes, dont les bandits de Tchétchénie, en "guerre sainte" contre la Russie, n'a revendiqué l'attentat.

Et pourtant, la "piste tchétchène" est activement exploitée, et pas seulement dans les foyers. Les Russes ont encore fraîchement en mémoire les attentats commis par des terroristes tchétchènes, dont la prise d'otages dans un théâtre et le dynamitage d'immeubles d'habitation à Moscou.

En Russie comme à l'étranger, certains hommes politiques affirment que sans négociations avec les séparatistes tchétchènes, il n'y aura pas de paix en Russie. Il faut, disent-ils, arrêter toutes les opérations de guerre dans le Caucase du Nord, lancer des négociations avec le chef des séparatistes, Aslan Maskhadov, et même accepter ses conditions.

"Ce n'est pas la première fois que nous constatons qu'il y a une corrélation temporelle entre les attentats en Russie et les appels à négocier avec les terroristes", a déclaré sous ce rapport le président Vladimir Poutine. "Le fait même qu'au lendemain de ces crimes se font entendre les appels à entamer des négociations avec Aslan Maskhadov démontre que ceux qui lancent ces appels confirment indirectement l'existence d'un lien entre Maskhadov et les terroristes. "Nous sommes sûrs que Maskhadov et ses bandits sont liés au terrorisme. La Russie ne négocie pas avec les terroristes, elle les anéantit", déclare le président russe.

Faut-il dire que cet avis est partagé par la majorité de la population ? Dans leur grande majorité, les Russes estiment en effet que toute concession faite aux bandits amplifiera la vague de terreur, au lieu de l'apaiser. Aux yeux des gens de type du chef de guerre tchétchène Chamil Bassaev, cette concession ne signifierait qu'une chose : le Kremlin fait preuve de faiblesse. Et renforcerait leur certitude que les attentats pourraient le faire fléchir encore, dans le sens voulu par les terroristes.

Il est clair que le nouvel attentat ne fera que pousser les autorités à une lutte encore plus résolue contre les bandits, y compris contre leurs groupes armés qui restent encore dans la montagne tchétchène.

Mais à Moscou, on se rend bien compte que ce regain de lutte antiterroriste ne doit pas avoir d'incidences sur les Tchétchènes, aussi bien dans le Caucase du Nord que dans les autres régions de Russie, notamment dans la capitale. Bien sûr, toute poursuite contre les ressortissants du Caucase est exclue, et les responsables des organes de maintien de l'ordre à Moscou ont fait plusieurs déclarations en ce sens ces derniers jours. Ils ont même invité la population à informer la Police de toute tentative d'organisations extrémistes en vue de pratiquer une justice sommaire à l'encontre des citoyens "d'apparence non slave".

Même si les nerfs sont tendus, surtout de ceux qui ont perdu leurs proches, et les autorités s'en rendent compte. Tout "pogrom" visant les originaires du Caucase ne pourra qu'aggraver les tensions actuelles.

Pour ce qui est des bandits tchétchènes et des terroristes kamikazes - ce sont eux qui assument la responsabilité des récents attentats - nombreux sont ceux en Russie qui exigent leur anéantissement. De plus en plus souvent, on dit qu'aucun "objectif noble", dont "la lutte pour la liberté" et "la protection des simples Tchétchènes" ne peut justifier la mort de 39 morts innocents et les souffrances d'une centaine de blessés.

Tout soutien à ces criminels, toute solidarité avec eux traduiraient en fait une certaine complicité.

Au lieu de chercher des justificatifs au terrorisme, il faut s'unir pour le combattre. Et ne pas demander pour qui sonne le glas. La semaine dernière, une bombe a explosé dans le métro de Moscou. Mais peut-on être sûr qu'un engin n'est déjà pas prêt à être actionné dans un autre pays ou dans une autre ville, peut-être moins exposés au risque de terrorisme ?

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