La Russie a besoin de bases militaires à l'étranger

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Par Andréï Kisliakov, RIA-Novosti

Pourquoi la Russie a-t-elle des bases militaires à l'étranger? Le président russe, Vladimir Poutine, a fourni une réponse d'ensemble à cette question le 18 novembre en déclarant devant l'assemblée annuelle des responsables des Forces armées qu'il était indispensable de se préparer à faire face aux dangers "de demain" et non pas aux guerres du siècle passé.

Il est évident que le terrorisme avec son infrastructure omniprésente et sa tactique de frappe bien rodée est un péril mondial qui demain pourrait provoquer un conflit armé de grande envergure. Il n'est pas toujours possible de prévenir les actions des terroristes depuis le territoire des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne ou de la Russie.

En d'autres termes, les sites militaires implantés à l'étranger permettent, pour reprendre la terminologie militaire, d'effectuer une projection des forces sur le territoire d'où émane présentement le plus grand danger.

Examinons comment les Etats-Unis envisagent cette question. En dépit des invites accentuées du gouvernement de l'Allemagne, le commandement américain a décidé de fermer la plupart des bases qu'il possédait dans ce pays et de créer avec les effectifs et les matériels ainsi libérés des unités légères mobiles bénéficiant d'un fort soutien aérien. Il est prévu de les implanter dans des Etats africains du Sud méditerranéen ainsi que dans des pays d'Europe orientale et centrale. C'est-à-dire dans des endroits d'où il est possible d'intervenir rapidement en Proche-Orient, plus particulièrement dans les territoires d'Arabie et d'Afghanistan.

Par conséquent, l'inauguration officielle, le 23 octobre, de la base aérienne russe de Kant, en Kirghizie, ne peut être que saluée parce qu'elle constitue un pas dans cette même direction.

Cependant, de nos jours des actions de guerre modernes, y compris des opérations antiterroristes de forces multinationales, impliquent nécessairement un appui de la marine et la présence d'une infrastructure de navigation et de renseignement. C'est pourquoi le directeur du centre russe d'analyse de la stratégie et de la technologie, Rouslan Poukhov, a eu parfaitement raison de dire dans une interview accordée à la radio Maïak à la fin du mois d'octobre qu'il serait judicieux que la Russie réimplante une base militaire au Yémen en invoquant notamment le fait que ce pays est en passe de devenir le principal utilisateur de la dernière version des chasseurs russes Mig-29. Cette base pourrait également procéder à la surveillance radioélectronique dans cette région étroitement liée au trafic international des stupéfiants et aider ainsi la communauté mondiale dans sa lutte contre ce fléau.

Au demeurant, la Russie n'aura peut-être pas besoin du golfe d'Aden si celui-ci est couvert par une constellation de satellites ad hoc. Ici tous les espoirs sont permis depuis que le vice-ministre russe de la Défense, Alexeï Moskovski, a déclaré au mois de février 2003 que d'ici à la fin de l'année les troupes spatiales disposeraient de neuf nouveaux satellites et d'autant de lanceurs. Pour le moment la nécessité de bases militaires terrestres s'impose davantage. Toutefois, ces bases ne sauraient être considérées comme des éléments de prestige, comme un signe de présence en territoire étranger, surtout là où des militaires russes auront des Américains pour vis-à-vis. Ce qui s'observe déjà en Kirghizie où quelques dizaines de kilomètres seulement séparent la base russe des Américains à l'aéroport Manas. Si cette base russe est envisagée comme contrepoids aux Américains, il est peu probable qu'elle puisse les inquiéter tant soi peu.

Six avions d'assaut Su-25, six intercepteurs Su-27, un avion de transport militaire An-26 et quelques L-39, des appareils d'instruction et d'entraînement démodés de fabrication tchèque stationneront dans cette base. Pour Rouslan Poukhov, militairement parlant, la présence de cette base n'a pas grande signification. Dans la logique du contrepoids aux Américains entendons-nous. Seulement ici la logique est toute différente. Le facteur économique est très important lors de la création de sites militaires à l'étranger. Selon toute apparence il faut étudier très attentivement l'expérience américaine en matière de recrutement des effectifs des unités destinées à servir à l'étranger. Jadis hors de ses frontières l'Amérique construisait de véritables villes militaires. Aujourd'hui, en implantant des unités mobiles peu nombreuses le commandement des Etats-Unis prévoit de les utiliser par rotation. De cette façon il réduit les dépenses pour l'infrastructure civile de la base, celle-ci n'étant plus considérée comme une ville interdite mais comme un site provisoire destiné à régler un problème temporaire. L'implantation de sites militaires en territoire étranger implique donc un étroit travail de coordination avec maintes structures publiques. La réforme administrative réalisée en Russie devrait aider à régler le problème. Cette coordination des actions concerne surtout le renseignement, les ministères du Développement économique, des Affaires étrangères, de la Défense et d'autres structures. Chaque site militaire et chaque militaire remplira alors une tâche non plus sectorielle, mais nationale.

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