Russie-Inde: les défis à relever dans le partenariat

S'abonner
par Dimitri Kossyrev, RIA-Novosti

Business et technologie, ce sont sans doute ces deux termes qui se trouveront au centre de tout le schéma de la future visite en Russie du Premier ministre de l'Inde - Atal Bihari Vajpayee - visite qui commence, mardi 11 mardi. En effet, chacun de ces deux mots achève en quelque sorte une intrigue plutôt sophistiquée qui s'est développée tout au long d'une décennie entière.

A titre général, les officiels sont enclins à qualifier leurs visites de percées ou d'historiques. Tout indique cependant que c'est plutôt le troisième sommet formel du Président Vladimir Poutine et du Premier ministre Atal Bihari Vajpayee, sommet russo-indien qui s'est déroulé en décembre dernier à New Delhi, qui a constitué une vraie percée dans les relations bilatérales. Ledit sommet a alors abouti à la Déclaration sur le renforcement et l'accroissement de la coopération économique, scientifique et technologique entre les deux pays. Le ministre indien des Affaires étrangères, Yashwant Sinha, a récemment qualifié ce document de "feuille de route", dont la mise en application implique les efforts conjugués et la plus étroite coopération de très nombreuses organisations. Pour ce qui est de l'actuel sommet moscovite, il doit, de toute évidence, procéder à une sorte de révision des premiers kilomètres parcourus selon cette "feuille de route", et avant tout, dans la sphère économique.

Le sommet russo-indien de New Delhi a logiquement clôturé toute une époque au cours de laquelle les relations entre la Russie et l'Inde revenaient progressivement d'une crise systémique extrêmement grave du début des années 1990 à leur état normal d'aujourd'hui, état où nos deux pays interviennent en partenaires "naturels" et "stratégiques". Lorsque les relations politiques entre les leaders des deux Etats sont on ne peut pas meilleures, leurs visions du monde sont pratiquement identiques. Ils s'inspirent en fait d'une même philosophie politique, ce qui rend même inutile des consultations particulières pour concertation de leurs efforts communs dans l'arène internationale. Et finalement, l'Inde et la Russie ont réussi, vers la fin des années 1990, à sauvegarder et à conforter même leurs rapports dans le domaine militaire, New Delhi étant le deuxième, après Pékin, acheteur d'armements russes.

Quoi qu'il en soit, économie, commerce et business restent, malheureusement, l'élément le plus faible des assises de nos relations bilatérales. Et ce, dans les pays qui, depuis à peu près ces deux dernières années, sont qualifiés de "miracle économique de demain", pays, dont les rythmes et la qualité de la croissance économique sont pour beaucoup bel et bien surprenants.

"Le volume de nos rapports économiques et commerciaux avec l'Inde est presque dix fois inférieur à celui de nos liens économiques et commerciaux avec la Chine, a indiqué Vladimir Poutine dans une interview à la chaîne télévisée "Star - TV", le 19 octobre dernier. Cela ne correspond absolument ni au niveau de notre coopération ni à nos possibilités effectives en la matière... En commun avec le Premier ministre de l'Inde, nous allons rechercher de nouvelles possibilités pour promouvoir et diversifier nos relations".

"Nos échanges avec la Chine se chiffrent à 6 milliards de dollars. Le chiffre d'affaires du commerce entre l'Inde et les Etats-Unis, qui est sans doute le plus gros partenaire commercial, est de 26 milliards de dollars. Pour ce qui est de nos échanges commerciaux avec la Russie, ils ne constituent que quelque 1,2 milliard de dollars tout au plus, soit autant que représente le chiffre d'affaire de notre commerce avec le Sri Lanka. Cela étant, dans notre coopération avec la Russie, une forte disproportion en faveur du domaine militaire se maintient toujours, alors que, si important soit-il, ce domaine ne doit évidemment pas être unique". Ce sont des propos précis, tenus par le chef de la diplomatie indienne - Yashwant Sinha.

Force est de reconnaître que les problèmes évoqués dans les rapports économiques et commerciaux de la Russie avec l'Inde (tout d'ailleurs comme avec la Chine) plongent leurs racines dans le fait que, tout au long des années 1990, on a essayé de les renouveler sur une base bilatérale et même exclusive, tout en considérant ces rapports comme un simple supplément aux relations politiques. Autrement dit, on a essayé de substituer des projets d'Etat à des échecs tout à fait évidents dans le domaine de la libre entreprise. Somme toute, il s'agit bien là d'une tactique bien compréhensible et même inévitable pendant une certaine période, mais cette tactique ne cesse d'engendrer des problèmes dès que le "partenaire stratégique" se met tout à coup à disputer durement les prix des contrats, d'ailleurs, concertés dans leur ensemble au niveau politique. A signaler qu'en cas des entreprises privées, de telles situations ne dégénèrent du moins pas en problème entre Etats.

Il se peut toujours que le problème clé à régler au sommet russo-indien à Moscou, ce seraient le passage du commerce entre la Russie et l'Inde aux devises librement convertibles et la création des canaux bancaires qui permettent d'effectuer rapidement et effectivement les règlements. Il est prévu d'ouvrir en Russie des filiales des banques d'affaires indiennes. En fait, l'ancien schéma du commerce quand la dette d'Etat indienne en roupies était amortie par des livraisons de marchandises dites "traditionnelles", dont le thé, doit être enfin enterré et oublié définitivement.

Il est aussi des problèmes en matière de simplification des procédures douanières et de développement des artères de transport (le fameux corridor "Sud-Sud" via l'Iran et la Caspienne). Tout cela pris ensemble doit aider finalement à réanimer les contacts dans les secteurs clés de la future coopération bilatérale, désignés il y a un an. Il s'agit, en l'occurrence, de la construction des machines, de la production des équipements, des know-how de l'information et des télécommunications, ainsi que de la production d'électricité, de l'industrie automobile, de la taille des pierres précieuses, de l'agro-alimentaire, de la pharmaceutique, de la biotechnologie et du tourisme.

Alors, peut-être, les deux plus célèbres projets de la coopération russo-indienne (de 1,7 milliard de dollars chacun) n'apparaîtraient plus des sommets aussi inaccessibles. Il s'agit là de la centrale nucléaire à Kudankulam et de la production de pétrole sur l'un des plateaux continentaux de l'île Sakhaline ("Sakhaline-1") avec la participation de la compagnie indienne "ONGC Videsh".

Et, enfin, les technologies. La particularité de la coopération entre nos deux pays y consiste dans le fait que l'Inde avec son potentiel technologique et scientifique est un partenaire égal pour la Russie. Le chiffre même, et plus précisément 145 projets technologiques conjoints qui figurent à l'actuel Programme complexe bilatéral à long terme de coopération scientifico-technique pour la période allant jusqu'à 2010, peut paraître trompeur en quelque sorte. Néanmoins, il y a parmi ces projets le Centre conjoint des technologies informatiques prometteuses à Moscou, organisé sur la base de l'Institut de l'automatisation de l'établissement des projets de l'Académie des Sciences de Russie et équipé d'un superordinateur indien PARAM-10000 avec la rapidité d'action de 72 milliards d'opérations la seconde. C'est une machine parfaitement unique en son genre pour la Russie. Elle est destinée à simuler des processus atmosphériques et à effectuer la recherche en matière de micro-électronique, de médecine et d'écologie. Ou citons encore le Centre russo-indien de biotechnologie dans la ville d'Allahabad.

Qui plus est, la composante technologique a aussi modifié la nature même de la coopération militaire entre la Fédération de Russie et l'Inde. En effet, pour la Russie, l'Inde est pratiquement le seul pays avec lequel la mise au point conjointe d'armements à haute scientificité avance progressivement en première position, en y remplaçant de plus en plus de simples ventes de matériel de guerre. Et cette fois-ci, comme le rapportent des sources indiennes, lors des négociations Poutine- Vajpayee, la coopération militaire et spatiale se retrouverait en première position à l'ordre du jour du sommet russo-indien à Moscou. Ces mêmes sources n'excluent certes pas l'ouverture de nouvelles études conjointes dans le secteur de la Défense du type du missile high-tech "Bramos", objet de fierté des spécialistes militaires russes et indiens. Il y est, entre autres, question des études qui avaient été effectuées, par exemple, autour des équipements des frégates de la classe "Talwar" ou des avions Su-30MKI.

Il n'est pas non plus à exclure que les négociations moscovites portent sur le déroulement des travaux au cosmodrome indien à Sriharikota où il est prévu de construire avec le concours de la Russie une table de tir spéciale dont le coût se monte à quelque 62 millions de dollars. L'Espace est une sphère très prometteuse de la coopération des deux puissances.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала