LE CHEMIN LE PLUS COURT D'OUEST EN EST PASSE PAR LE NORD

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MOSCOU, 15 octobre (de notre commentateur Youri Filippov).

En principe, il y a trois variantes pour aller de la partie occidentale à la partie orientale de la Russie, pour se rendre en Sibérie ou en Extrême-Orient russe. Le vol Moscou-Vladivostok dure seize heures avec ravitaillement à Irkoutsk et Khabarovsk. Si vous voulez parvenir dans un campement de Iakoutes, il faudra faire des escales, en changeant de moyens de transport: hélicoptère, voiture, tout-terrain et attelage de rennes. Enfin, il y a une autre variante: effectuer le trajet en une semaine de Moscou à Vladivostok par le Transsibérien avec un bon restaurant, en regardant par la fenêtre les magnifiques paysages qui se succèdent. Cela permet de voir la Russie qui est un pont immense entre l'Europe et l'Asie.

Il existe aussi une troisième voie conduisant vers l'Est. C'est la plus difficile, l a plus longue et la moins agréable, mais sa distance est plus courte que les deux autres. La Voie maritime du Nord qui passe le long du littoral arctique de la Russie, de Saint-Pétersbourg à Vladivostok, est longue de 14.280 km, dont 5.600 km, soit 3.023 milles marins, de la porte de Kara à la baie de Providence, sont pris par les glaces. Si vous vous hasardez à emprunter cette voie, vous verrez six mers: celles de Barents, de Kara, des Laptev, de Sibérie orientale, des Tchouktches et de Béring, vous parviendrez aux embouchures des grands fleuves sibériens l'Obi, l'Iénissei et la Léna et contournerez les principaux ports russes de l'Arctique: Igarka, Doudinka, Tiksi et Pevek.

Cette voie est pratiquable pendant deux à quatre mois, lorsque le littoral de l'Océan Arctique Glacial se libère des glaces et que la nuit polaire fait place au jour polaire qui dure six mois. Cinq brise-glaces atomiques russes et autres navires polaires permettent de prolonger la navigation de quelques mois. D'ailleurs, dans les régions des blocs principaux de glace - Taïmyr et Ayon - la glace ne fond pas entièrement même au plus fort de l'été. C'est pourquoi, à partir de la fin juin, les navires russes font parvenir des produits alimentaires, du carburant, des biens de consommation et des matériaux de construction dans les régions du littoral de l'Arctique. En octobre-novembre, les Messageries maritimes de Mourmansk achèvent les fournitures au Grand Nord.

Pour la première fois, la Voie maritime du Nord a été traversée sans hivernage par l'expédition de l'explorateur polaire Otto Schmidt à bord du brise-glace "Sibiriakov" en 1932. Ensuite, dans les années 30, on y a construit des ports et la navigation s'est développée intensivement: l'Union Soviétique aspirait à explorer le Nord russe qui constitue, ni plus ni moins, les deux tiers du territoire de la Russie.

Dans les ports situés dans les embouchures des fleuves sibériens, les cargaisons sont transbordées sur les bateaux fluviaux et expédiées à l'intérieur de la Sibérie. Tout retard est exclu, car la merzlota du Nord russe laisse peu de possibilités à l'agriculture, c'est pourquoi les à-coups dans la navigation peuvent laisser les gens sans vivres.

Les étrangers qui s'y sont rendus disent que les Russes cachent leur Nord du reste du monde. Il est difficile de le contester, car la navigation internationale par la Voie maritime du Nord est inexistante. Il est vrai, le monde manifeste périodiquement son intérêt pour cette artère, et la Russie n'a rien contre. C'était notamment le cas dans les années 60 et 70 du siècle dernier, lorsque l'Union Soviétique a commencé à se prononcer pour la politique de détente, ensuite, à la fin des années 80, après l'intervention faite à Mourmansk, célèbre port russe en eaux libres de la mer de Barents, par le dernier leader soviétique Mikhail Gorbatchev qui a appelé les pays de la communauté internationale à coopérer dans la région de l'Arctique. D'ailleurs, pendant la Seconde Guerre mondiale, la Voie maritime du Nord a été utilisée pour les fournitures effectuées par les Etats-Unis et le Canada à l'URSS en vertu du célèbre accord de prêt-bail. On comprend l'intérêt manifesté aujourd'hui pour cette voie glaciale par les Européens, les Américains ou les Japonais si l'on jette un regard sur la carte. Pour parvenir d'Hambourg à Yokohama via l'Arctique, il faut parcourir 6600 milles marins, soit presque deux fois moins qu'en effectuant le voyage traditionnel passant par le canal de Suez et les mers chaudes (11400 milles marins).

Il y a une autre raison pour que, au moins dans les 20 à 30 prochaines années, les navires battant divers pavillons du monde sillonnent l'Arctique. Les réserves richissimes d'hydrocarbures vouent aujourd'hui cette contrée inclémente à la présence permanente des hommes.

Le ministre russe de l'Energie Igor Ioussoufov affirme que cette région recèle près d'un tiers des réserves mondiales de pétrole et de gaz. Ainsi, les réserves du seul gisement Chtokmanovski sont évaluées à 3 200 milliards de mètres cubes. Au ministère dirigé par Igor Ioussoufov, on dit que l'exportation de gaz liquéfié de Yamal peut atteindre, avant les années 2015-2020, 20 millions de tonnes par an, celle de condensat de gaz provenant des régions de l'Obi et de l'Iénissei, 1 à 3 millions de tonnes, celle de pétrole en provenance des gisements du bassin Timan-Petchora, 25 à 30 millions de tonnes.

Le ministre russe des Transports Serguei Frank évalue le transit potentiel par la Voie maritime du Nord à 8-12 millions de tonnes par an. Il est prévu de transporter autant de cargaisons par cette voie vers 2008-2010, et cette quantité de marchandises transportées est nécessaire pour que la Voie maritime du Nord devienne rentable: le transport effectué sur cette voie est actuellement subventionné par l'Etat.

La navigation internationale en Arctique, est-elle possible? Cela peut être très avantageux, mais aussi assez dangereux. Les glaces de l'Arctique ne pardonnent pas la négligence, ce qui veut dire qu'il est impossible de se passer de la coopération internationale.

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