LA PRESIDENTIELLE EN TCHETCHENIE ET LES DEFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME

S'abonner
Par Ella PAMFILOVA, présidente de la Commission pour les droits de l'Homme près le Président russe

Il reste moins d'un mois avant les élections du président tchétchène fixées pour le 5 octobre. A en croire les sondages, près de 70% des électeurs s'apprêteraient à y prendre part. Pour la Russie, il s'agit là d'un bon indice et, appliqué à la Tchétchénie, il inspire un optimisme prudent.

Mais les problèmes liés au scrutin tchétchène n'en disparaissent pas moins. Et ce sont des problèmes sérieux. Pour les défenseurs des droits de l'Homme et l'opinion de Russie, l'un des grands objectifs consistait, dans cet ordre d'idées, à mettre sur pied un système de contrôle public sur le déroulement des élections et le dépouillement des bulletins de vote. Ce système pourrait être par la suite étendu à l'ensemble du pays et testé durant les six prochains mois, par exemple, pendant les élections législatives et présidentielles en Russie.

Mais ces plans ne devaient pas se réaliser. En tout état de cause, nous ne serons déjà plus en mesure d'effectuer le vaste monitorage des élections tchétchènes qui était projeté par notre Commission.

En premier lieu, cela s'explique par le fait que les défenseurs des droits de l'Homme russes ont décidé de renoncer au statut officiel d'observateurs à ces élections sur la recommandation des ONG tchétchènes qui ont proposé d'éviter ainsi que la présence d'organisations de défense des droits de l'Homme ne serve de prétexte à la reconnaissance de la légitimité de ce scrutin.

D'autre part, certaines organisations russes de défense des droits de l'homme - le Comité "Pour les droits civiques", le Comité "Action civile", le Mouvement "Pour les droits de l'Homme"- ont refusé d'envoyer leurs représentants à la présidentielle tchétchène. Par la bouche de leurs porte-parole, ces organisations ont déclaré qu'elles ne sauraient empêcher l'apparition de bulletins falsifiés et qu'elles "refusent d'entretenir l'illusion de légitimité de l'élection du premier président de la République de Tchétchénie en octobre 2003".

Entre-temps, la situation préélectorale en Tchétchénie elle-même change. Après que des candidats aussi prestigieux qu'Aslambek Aslakhanov et Khoussein Djabraïlov eurent quitté la course, le président intérimaire en place - nommé par le Kremlin - Akhmad Kadyrov n'a pratiquement plus de concurrents sérieux. L'issue des élections tchétchènes semble claire pour beaucoup.

Malgré cela, je pense que le comportement d'une partie des organisations de défense des droits de l'Homme russes qui ont refusé d'envoyer leurs représentants au scrutin tchétchène traduit leur défaite morale. Nous avons désormais dans notre mouvement des "faucons" et des "colombes", et les "faucons", qui appellent de fait à reporter sine die les élections du président tchétchène, prennent aujourd'hui le dessus.

Seulement, faut-il s'en réjouir ? Faut-il atermoyer dans l'espoir d'une "normalisation" dans cette république pour pouvoir organiser le scrutin dans un contexte plus propice à la libre expression de la volonté du peuple tchétchène ? Dans l'idéal, oui, mais vu les réalités tchétchènes cette solution ne serait pas la meilleure. Car pour cela il faudrait, à mon avis, attendre 30 ou 40 ans encore et la chance qui se présente aujourd'hui sera enterrée.

Des observateurs au scrutin du 5 octobre - même s'ils n'ont pas de statut officiel - sont bien le signal pour les électeurs tchétchènes que leur position et leur volonté ne seront pas altérées et que les élections seront enfin transparentes. De toute évidence, cela aidera aussi à atténuer le face-à-face inter-tchétchène dans la période post-électorale.

La présence d'observateurs est important d'un autre point de vue aussi. Personne, ni en Russie, ni à l'étranger, n'a d'informations véridiques et exactes sur ce qui se passe en Tchétchénie. Et les observateurs présents dans tous les bureaux de vote sans exception fourniraient une chance de remédier à cet état de choses.

Cela va de soi, tous les défenseurs des droits de l'homme en Russie ne renoncent pas à suivre la présidentielle tchétchène. La plupart de leurs organisations, dont le prestigieux Groupe de Helsinki de Moscou, seront représentées en Tchétchénie. Et, à l'intérieur de la république, plus de 200 ONG locales suivront également le scrutin.

Certes, toutes ces organisations, et surtout des simples Tchétchènes, auront besoin de l'assistance des observateurs délégués par des organisations internationales. Des invitations leur ont déjà été envoyées et nous espérons que leur réponse sera positive.

L'élection du président tchétchène est trop importante pour renoncer au contrôle public de sa tenue.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала