Les sanctions occidentales sapent la décarbonisation de la Russie, selon un scientifique

"L'absence d'accès aux technologies les plus efficaces dans les domaines de l'énergie, de l'ingénierie, de la chimie, de l'exploitation minière nous empêche d'avancer", explique à Sputnik Alexandre Chirov, docteur en économie et membre correspondant de l'Académie russe des sciences.
Sputnik
Selon lui, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est compromise. En cause, les restrictions non sélectives qui touchent l'ensemble des technologies sans les partager en civiles et militaires.
"Tout est fermé, et cela empêche certainement la Russie à atteindre la neutralité carbone", tranche l'économiste.
"Mais nous devrons résoudre le problème du déficit technologique avec l'aide de pays amis ou par nos propres moyens", poursuit-il.
Cela passera par l'augmentation des dépenses en matière de recherche et de développement. Sous l'effet de la concurrence, il est impératif de se doter des technologies critiques les plus importantes, souligne-t-il. Sans elles, l'efficacité de l'économie russe ne sera pas aussi élevée.

Comment financer la neutralité carbone?

En ignorant complètement la décarbonisation, les émissions de gaz à effet de serre vont augmenter tout en entraînant le recul de la croissance économique, alerte l'analyste. Donc, le scénario d'immobilisme est impossible.
Des calculs ont été réalisés par des spécialistes russes pour déterminer quel pourcentage du PIB la Russie devrait consacrer à la décarbonisation.
"Si nous investissons 2% du PIB et utilisons les moyens les plus efficaces et les moins coûteux pour réduire les émissions, un taux de croissance économique de 3% et la neutralité carbone d'ici 2060 sont réalistes", développe M. Chirov.
En portant les dépenses à hauteur de 3%, les pertes en termes de croissance économique peuvent se chiffrer à un point de pourcentage, ce qui constituera un montant énorme en 30 ans. Cette option n'est donc pas envisageable.

Comment arriver à une neutralité carbone?

Décarbonner la Russie c'est avant tout accroître l'efficacité de l'économie nationale, explique l'académicien.
"La plupart des investissements dans l'industrie, les transports et d'autres domaines réduisent par définition les émissions de gaz à effet de serre", dit-il.
Et de rappeler que 90% de la réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas due à des actions spécifiques, mais au développement économique. De cette sorte, la croissance économique et la réduction de l'empreinte carbone sont obtenues à la fois.
Pourtant, des démarches sont nécessaires et pour cela une stratégie de développement à faible intensité de carbone est en cours d'élaboration. Elle comprend plusieurs volets:
modernisation des installations alimentées au charbon et au gaz,
augmentation de la part de l'énergie nucléaire,
amélioration du niveau des sources d'énergie renouvelables,
maîtrise des émissions fugitives,
gestion des déchets.
Avant d'envisager telle ou telle mesure, il faut prendre en compte leur répercussion sur la population, alerte M.Chirov. En fait, une politique agressive de la baisse des émissions des gaz à effet de serre peut nuire tant à l'économie qu'aux habitants du pays.
Il cite en guise d'exemple l'implantation massive des centrales solaires ou éoliennes qui sont beaucoup plus coûteuses que la modernisation des énergies conventionnelles. Du coup, le consommateur doit payer très cher l'électricité qu'elles produisent.
Discuter