Partenaire de premier choix. Après avoir resserré les vannes gazières à destination de l’Europe, la Russie se tourne vers de nouveaux horizons pour saisir des opportunités économiques. L’Afrique est en particulier un marché d’importance pour les entreprises russes, a expliqué à Sputnik Sergueï Kapitonov, chercheur à l’institut scientifique et technologique Skoltech.
La Russie ne compte pas exporter son gaz vers le continent, déjà riche en hydrocarbures, mais mise plutôt sur la construction d’infrastructures pour pénétrer un marché prometteur, explique le spécialiste.
"L’Afrique est très importante pour la Russie, il est impératif pour elle d’entrer sur le marché africain. Je ne pense pas qu’elle doit y exporter son gaz: l’Afrique a ses propres hydrocarbures. Mais la Russie peut participer à la construction d'infrastructures, à la fourniture de technologies […] C'est une région très importante", insiste-t-il.
Au-delà du secteur gazier, la Russie pourrait aussi nouer des partenariats pour le dessalement de l’eau de mer ou l’exploitation des métaux rares, précise-t-il encore.
L’Europe a le fondement entre deux chaises
Côté européen, la situation est plus périlleuse, après la baisse des livraisons de gaz russe. Le Vieux continent est désormais obligé de trouver d’autres fournisseurs et se tourne massivement vers le gaz liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis, souligne Sergueï Kapitonov. Cependant, les Européens ne veulent pas trop se découvrir et privilégient les contrats au comptant, en particulier pour des raisons écologiques.
"L’Europe remplace ses importations via gazoducs russes par des livraisons en GNL américain […] Mais la plupart des livraisons américaines s’effectuent dans le cadre de contrats au comptant plutôt qu’à long terme. C’est la schizophrénie européenne: d’un côté ils disent vouloir assurer leur sécurité et ne pas dépendre de la Russie, de l’autre, ils ont peur des contrats à long terme en raison de la transition énergétique. L’Europe a le fondement entre deux chaises, c’est une situation plutôt dangereuse", explique ainsi le spécialiste.
Paradoxe savoureux: l’Europe n’a pas encore tourné le dos aux importations de GNL russes, souligne encore Sergueï Kapitonov. Le gaz liquéfié échappe en effet aux sanctions antirusses et près de 20 milliards de mètres cubes ont été livrés en Europe en 2022. La suppression de ces volumes produirait "un désastre" en Europe, ce qui explique ce double jeu, affirme le spécialiste des marchés gaziers.
En février, le géant russe du GNL Novatek avait déjà souligné que les Européens tentaient de "cacher" leur intérêt pour le gaz liquéfié russe, mais que celui-ci restait très fort. La tendance semble se confirmer, puisque l’Espagne a par exemple augmenté ses achats de GNL russe de 50% en 2023. Madrid essaie en particulier de compenser la baisse des importations algériennes, dans le sillage de leur différend sur le Sahara occidental.