Comment les agences de notations plombent l’économie africaine

Les grandes agences de notations rendent des verdicts qui ne sont pas adaptés aux économies africaines et freinent leur développement, a déclaré à Sputnik l’économiste Modibo Mao Makalou. La création d’une agence purement africaine pourrait être selon lui bénéfique.
Sputnik
Des bâtons dans les roues. L’économie africaine pâtit des jugements formulés par les grandes agences de notation internationales, a expliqué à Sputnik Afrique l’économiste et gestionnaire financier malien Modibo Mao Makalou.
Ces agences, qui analysent la solvabilité et la viabilité financière des États, rendent notamment difficiles certains emprunts. Leurs notations ont coûté cher au continent qui a vu de nombreuses opportunités lui filer sous le nez à cause de dégradations à répétition.

“Le déficit d'opportunités lié aux notes mal ajustées des trois plus grandes agences de notation a coûté à l'Afrique un manque à gagner d'environ 75 milliards de dollars, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). C'est une somme considérable qui aurait pu être utilisée pour des investissements socio-économiques sur le continent”, explique ainsi Modibo Mao Makalou.

Par ailleurs, les outils des principales agences de notations ne transcrivent pas la réalité africaine de manière fiable. Près d’une trentaine de pays du continent ont ainsi vu leur note dégradée, selon l’étude du PNUD, alors que l’Afrique compte certains pays ayant les croissances les plus élevées au monde. Un paradoxe déploré par l’économiste malien, qui souligne que les critères utilisés pour noter les pays développés ne peuvent pas être les mêmes que pour les économies émergentes.
“Les algorithmes qui évaluent les risques ne sont pas adaptés aux entreprises, aux marchés et à la notation souveraine des pays africains. Les entreprises africaines souhaiteraient montrer aux investisseurs des notations fiables et qui collent à la réalité [...] On ne peut pas comparer un pays industrialisé à un pays à revenu intermédiaire ou à revenu faible sur les mêmes critères”, explique-t-il ainsi.

Bientôt une agence panafricaine?

Pour remédier à ces insuffisances, l’Union africaine envisage désormais de créer sa propre agence de notation en 2024. Un projet appelé de leurs vœux par plusieurs pays du continent, qui ne comprennent pas les dégradations des principales agences, souligne Modibo Mao Makalou.
“Ce n'est que justice. C'est une très bonne initiative car les pays africains ont quand même manifesté beaucoup de mécontentement ces dernières années, surtout pendant les périodes de crise. L'ensemble des pays africains ont trouvé que la dégradation de leur notation était injuste ou en tout cas ne collait pas à la réalité”, déclare-t-il ainsi.
Une agence panafricaine pourrait également récolter plus facilement des statistiques macro-économiques en temps réel, qui font parfois défaut chez les organismes internationaux, ajoute l’économiste.
Ce 13 septembre, l’Union africaine avait annoncé vouloir créer sa propre agence de notation, estimant que les trois principales agences existantes, Moody's, Fitch et S&P Global Ratings, évaluaient injustement le risque lié aux prêts accordés aux pays africains.
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