Une aide médicale de qualité peut-elle être accessible sur tout le continent africain? Pour Mikhaïl Natenzon, membre du groupe de travail des BRICS chargé de la télémédecine, la réponse est oui et ce, grâce aux technologies et systèmes russes de télémédecine. Contacté par Sputnik la veille d’une 12e réunion des ministres de la Santé des BRICS, l’expert ébauche les perspectives d'utilisation à grande échelle de ces systèmes en Afrique.
"Grâce à la télémédecine, les meilleurs médecins auprès du ministère russe de la Santé peuvent être consultés par leurs collègues africains. C'est une solution d’importance fondamentale dans le secteur de l’aide médicale en Afrique", déclare-t-il.
Surtout si on prend en compte la population africaine -plus de 1,4 milliard de personnes qui font face à des épidémies de tuberculose, de paludisme, de sida. Les systèmes locaux de santé sont souvent incapables de faire face à des problèmes de cette ampleur, selon l’expert.
Une fois créé, ce système de télémédecine proposé par la Russie permettra de fournir une assistance dans les localités les plus éloignées, les zones les plus difficiles d'accès où il n’y a pas d’hôpitaux conventionnels.
Les avantages de la Russie
Comment assurer un accès universel, c'est-à-dire que chaque Africain ait la possibilité de recevoir des soins médicaux? Mikhaïl Natenzon fait le point sur les solutions proposées par la Russie et compatibles avec l’intelligence artificielle. Un élément important de ces solutions est une batterie de complexes mobiles de télémédecine pour le diagnostic et le traitement de diverses maladies infectieuses comme non infectieuses.
"C'est un hôpital sur roues, sur un camion KAMAZ tout-terrain, qui peut aller n'importe où sans routes, là où il n’y pas d’hôpitaux conventionnels", indique-t-il.
Pour certains pays africains, les camions peuvent être remplacés par des bateaux "médicaux": "Au Congo, le réseau routier est peu développé, mais il y a de nombreuses rivières et la plupart des localités se trouvent justement le long des rivières. On peut construire des bateaux équipés en hôpitaux flottants. Сe bateau navigue vers un village, un examen approprié est effectué, et tout cela est transmis via des canaux de communication à des cliniques conventionnelles. Et en réponse, le personnel de ce bateau médical reçoit un diagnostic, à la suite du travail de programmes intégrant une intelligence artificielle, et des recommandations de traitement".
L’expert évoque les avantages concurrentiels absolus de la Russie dans ce domaine: il n’y aura pas de barrière linguistique si les médecins africains veulent consulter leurs homologues russes, car "presque la moitié des ministres de la Santé en Afrique sont russophones et ont été formés en tant que médecins en Russie, en Union soviétique", un "avantage concurrentiel absolu".
Plus de 50.000 médecins, pour la plupart originaires d’Afrique, sont diplômés des universités de médecine soviétiques ou russes, ajoute-t-il.
Pour transférer les données, ces complexes seront dotés de stations de communication par satellite. Les données médicales seront traitées par des logiciels russes dotés d'une intelligence artificielle via la constellation russe de satellites géostationnaires connectés.
Cela créera des liens complémentaires entre la Russie et les pays africains pour une coopération efficace dans la médecine et les soins, assure-t-il.
Les pays les plus intéressés
Le Maroc, le Cameroun, le Kenya, l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Mali, la Tanzanie, la Centrafrique, Madagascar: la liste des États africains intéressés par cette initiative est longue, d’après Mikhaïl Natenzon.
"Tout le monde comprend que l'Afrique est prête pour des projets sociaux sérieux et durables", indique-t-il.
Il évoque le succès que ce complexe mobile de télémédecine a eu en Afrique du Sud il y a quelques années, quand il avait été livré dans le village de Nkandla (province de KwaZulu-Natal, à l’est du pays, ndlr). Un autre complexe a été livré au Botswana dans le cadre de la coopération économique entre la Russie et ces pays.
"On a mis cet hôpital mobile de télémédecine au milieu du village. Il est conçu pour lutter contre les épidémies de tuberculose, de VIH/Sida et de paludisme Tout y est informatisé, il y a une antenne satellite sur le toit, toutes les données sont traitées et transmises, les recommandations sont reçues […]. Environ 5.000 malades sont venus des montagnes environnantes. Ceux qui ne pouvaient pas marcher, ils ont été portés, ceux qui ne pouvaient pas être portés ont rampé", se souvient-il.
Importantes capacités
Un complexe de télémédecine mobile peut traiter 20.000 patients par an, "c'est comme un grand hôpital", souligne l’expert.
Concernant le modèle économique, le retour sur investissement se fait sur environ 2 à 3 ans, explique-t-il.
"En fait, ce n’est ni plus ni moins qu’une possibilité de passer à un modèle de santé numérique de niveau mondial en Afrique en très peu de temps. Tous ces systèmes sont créés par étapes et dans un délai d'un an et demi après le début de la mise en œuvre et de la formation du personnel, et cela commence à fonctionner. Pas besoin d'attendre des années pour que l'infrastructure nécessaire des hôpitaux soit mise en place", résume-t-il.
Selon l'expert, grâce à la télémédecine, il est possible de détecter la tuberculose ou le cancer du sein à un stade précoce et, par conséquent, de les guérir avec des dépenses bien inférieures par comparaison au traitement d'une maladie détectée à un stade ultérieur.