L’idée de faire exploser les Nord Stream n’est pas tombée du ciel. Avant même le sabotage, les États-Unis souhaitait en effet faire chanter la Russie avec un tel projet, a affirmé le journaliste américain Seymour Hersh, dans un entretien au média allemand Tichys Einblick.
Washington a ambitionné ce moyen de pression dès la fin de l’année 2021, rapporte le lauréat du fameux prix Pulitzer. Il s’agit selon lui de jouer la carte de la menace et de faire passer un message simple à Moscou: "vous êtes avec nous ou contre nous ".
"Il s’agissait de trouver quelque chose hors de l'ordinaire, que le Président américain pourrait utiliser comme leurre ou menace afin de convaincre Vladimir Poutine de ne pas entreprendre d’actions militaires en Ukraine […] L'idée était de dire: si vous traversez la frontière ukrainienne, nous ferons sauter les pipelines", a ainsi déclaré Seymour Hersh au Tichys Einblick.
Les États-Unis entendaient ainsi maintenir un "statut quo" en Ukraine, souligne Seymour Hersh qui déplore néanmoins le manque de tact diplomatique de Washington, pas "très doué pour la persuasion".
Pièces du puzzle
Début février, Seymour Hersh avait lancé un pavé dans la mare à propos des Nord Stream, en accusant des plongeurs américains d’avoir posé des explosifs sur les gazoducs, en marge des exercices Baltops 2022. Des spécialistes norvégiens auraient selon lui appuyé le sabotage.
Le 7 mars, le New York Times et le Zeit ont cependant avancé une autre version de l’incident, pointant du doigt un groupe pro-ukrainien, dont les actions n’auraient pas forcément été connues de Kiev. Des plongeurs auraient cette fois-ci opéré depuis le voilier Andromeda. Des traces d’explosif ont d’ailleurs été retrouvées sur ce navire par des enquêteurs, rapportait récemment le quotidien américain.
Seymour Hersh affirme pour sa part que ce scénario a été élaboré de toutes pièces par la CIA et le renseignement allemand, pour éloigner les soupçons. Des experts allemands, suédois et danois ont d’ailleurs estimé difficile pour un équipage réduit de placer des explosifs à 80 mètres de profondeur pour provoquer une explosion d’une magnitude de 2,5 sur l'échelle de Richter.
Fin mars, l'Agence danoise de l'énergie (DEA) avait par ailleurs extrait de la mer Baltique un objet qui se trouvait tout près du gazoduc Nord Stream 2. Moscou estime qu’il pourrait s’agir d’un reste d’un engin explosif.
La Russie et la Chine avait également déposé une résolution devant l’Onu, appelant à une enquête internationale sur les sabotages des gazoducs. Celle-ci a été rejetée, grâce à l’abstention de la plupart des pays occidentaux, dont les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni.