Près de 200 millions de femmes dans le monde ont été victimes de mutilations génitales féminines (MGF), selon l'UNICEF. Il s'agit d'une pratique nuisible et dangereuse, et d'une violation sévère des droits de l'homme.Bien que maintes fois condamnées au niveau international, les MGF sont toujours pratiquées presque sur tous les continents du monde.
Cette pratique est répandue dans 31 pays répartis sur trois continents, mais la moitié des victimes de l’excision vivent en Égypte, en Éthiopie et en Indonésie. Elle est aussi très populaire dans l'Afrique subsaharienne et notamment au Mali. Ce pays ne dispose pas de loi qui réprime cette pratique, a indiqué à Sputnik Siaka Traoré, président du conseil d'administration de l’ONG Sini Sanuman – SISAN, basée à Bamako. Par conséquent, des ressortissants d'autres pays se servent du territoire malien pour procéder à des MGF.
Entre janvier 2019 et mars 2020, 17 bébés ont été hospitalisés pour des complications liées aux MGF au CHU de Bamako, selon une récente étude menée au Mali. Six d’entre eux étaient des bébés de moins de deux mois, quatre étaient des nouveau-nés et sept avaient moins d’un an. Une ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres génitales a provoqué l’anémie présente chez 16 bébés, et neuf avaient une septicémie, expose le site SciDev.Net.
L'ONG Sini Sanuman – SISAN a pour mission de lutter contre toutes formes de violences faites aux femmes et aux enfants, dont les MGF. Le militant a expliqué les causes, multidimensionnelles selon lui, de cette tradition délétère.
Pourquoi la tradition persiste
Ainsi, "sur le plan religieux, certains pensent que c'est une recommandation de l'islam. Sur le plan coutumier, certains pensent que c'est une bonne norme sociale qu'il faut perpétuer", dit-il. Sur le plan économique et spirituel, certaines personnes gagnent ainsi leur vie, comme les exciseuses, les marabouts, les féticheurs, etc. Les organes coupés sont commercialisés par les exciseuses et utilisés par les marabouts, pour des fétichismes et à d'autres fins.
L'ONG, de son côté, propose des "stratégies innovantes". L'idée est d'uniformiser les lois sous-régionales, de mobiliser les leaders sectoriels à sensibiliser et maintenir le respect des lois au niveau communautaire. L'opinion internationale devrait également faire une priorité de la problématique des MGF tout en obligeant les pays à légiférer et respecter la loi, selon Siaka Traoré.
Une experte en excision témoigne
Massara Traoré, une exciseuse aujourd'hui reconvertie dans la sensibilisation contre cette pratique, a raconté son parcours à Sputnik. "On venait me chercher pour aller dans différentes localités pour faire l’excision sur des jeunes filles", dit-elle.
Un jour, une collègue lui a expliqué les conséquences néfastes de l’excision. "Les conséquences m’ont vraiment découragée à continuer la pratique", avoue l'actuelle militante. Elle a "arrêté totalement l’excision".
"J’ai vu les conséquences de cette pratique et je ne veux plus jamais faire cela."
Un traumatisme inéluctable
Le docteur ivoirien Jean-Philippe Djandé énumère ces conséquences: une douleur abdomino-pelvienne violente, un choc psychologique, une anémie sévère, conséquence directe d’une hémorragie qui peut conduire à la mort, un tétanos ou un sepsis, une rétention urinaire, une ulcération génitale et une lésion des tissus génitaux adjacents.
Parlant des causes de cette pratique, l’homme explique que dans certaines communautés, les organes génitaux non excisés sont considérés comme inesthétiques ou impurs. "Aussi la mutilation génitale est un caractère propre de l'identité marquant ainsi l'appartenance culturelle maintenant ainsi le lien avec le pays d'origine".
La situation en Côte d'Ivoire
D’après le docteur, malgré l'interdiction de l'excision génitale féminine en Côte d'Ivoire, la pratique se poursuit dans de nombreuses régions du pays.
"La coupe se produit à différents moments de l'année dans différentes communautés, mais a tendance à augmenter pendant les vacances scolaires de Noël et du Nouvel An", poursuit-il.
Il évoque notamment l’expérience de A.J., jeune femme de 29 ans, qu’il a reçue en consultation pour choc émotionnel et trouble psychique.
"À six ans, les enfants lui demandaient si elle était excisée et quand elle répondait non, ils ne voulaient pas jouer avec elle. Voulant avoir des amis et se sentir incluse, A.J. avait envie d'être coupée, même si elle n'avait aucune idée de ce que cela signifiait", a-t-il raconté à Sputnik.
À l’âge de dix ans, la jeune fille est allée au village voisin où elle a été forcée à subir une excision. La procédure douloureuse l'a laissée traumatisée et avec des complications de santé auxquelles elle est confrontée aujourd'hui.