Air France a bien fait preuve de discrimination en interdisant à l'un de ses stewards le port de tresses afro, coiffure par ailleurs autorisée pour les hôtesses de l'air, a estimé la Cour de cassation.
"Les exigences liées à l'exercice de la profession de steward ne justifient pas d'interdire" une telle coiffure et, en l'autorisant pour les femmes mais pas pour les hommes, la compagnie aérienne a bien commis une "différence de traitement" discriminatoire, a tranché la plus haute juridiction française.
Une perruque pour cacher les tresses
Embauché en 1998 par Air France, Aboubakar Traoré portait depuis 2005 des "tresses africaines nouées en chignon".
La compagnie lui a alors refusé d'embarquer "au motif qu'une telle coiffure n'était pas autorisée par le manuel [...] pour le personnel navigant commercial masculin".
Le salarié a porté une perruque pendant plusieurs années pour pouvoir exercer ses fonctions, avant de saisir les prud'hommes en 2012 pour discrimination.
Air France l'a mis à pied quelques mois plus tard pour "présentation non conforme aux règles du port de l'uniforme". Le steward a ensuite été déclaré "définitivement inapte" en 2016 en raison d'une dépression reconnue comme maladie professionnelle, puis licencié en 2018, ayant refusé un reclassement comme personnel au sol.
Sexisme ou racisme?
Les organisations comme la Fédération des associations africaines & créoles (FAAC) ou la Fédération Total respect – Tjembé Rèd (qui rassemble dix organisations de lutte contre le racisme, l’homophobie et le sida) ont étudié cette affaire sous le prisme du racisme, relate Jeune Afrique.
En novembre 2019, la cour d'appel de Paris avait rejeté ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, de rappel de salaire et de nullité de son licenciement.
Pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d'appel invoquait une "différence d'apparence admise [...] entre hommes et femmes en terme d'habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage" et estimait qu'une telle différence "qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination".
Mais la Cour de cassation rappelle que le code du travail n'autorise des différences de traitement entre salariés que si elles répondent "à des exigences professionnelles essentielles et déterminantes", ce qui n'est pas le cas dans ce dossier.
Elle souligne notamment que "la manière de se coiffer n'est ni une partie de l'uniforme ni son prolongement" et que les "codes sociaux" invoqués par la cour d'appel "ne sont pas des critères objectifs qui justifient une différence de traitement entre les hommes et les femmes".