La récente aggravation de la situation au Kosovo-et-Métochie n'est qu'un épisode de la longue lutte entre la Serbie, la population serbe de ce territoire et les Albanais du Kosovo. Le dernier incident a eu lieu à la veille du 1er août, Pristina ayant déclaré qu'à partir de ce jour-là, les pièces d'identité serbes ne seraient plus valables en république autoproclamée et que les plaques d'immatriculation de véhicules seraient remplacées par celles du Kosovo.
En riposte, les Serbes habitant au Kosovo ont érigé des barricades sur les passages administratifs. Après une intervention de diplomates occidentaux, les autorités de Pristina ont reporté l'entrée en vigueur de cette décision au 1er septembre.
Un dialogue sans issue
À la recherche d'un compromis, un nouveau tour de négociations a eu alors lieu le 18 août à Bruxelles entre Belgrade et Pristina. Pour la première fois depuis un an, le Président serbe Aleksandar Vucic et le Premier ministre kosovar Albin Kurti y ont pris part, avec la médiation des représentants de l'UE et des États-Unis, Miroslav Lajcak et Gabriel Escobar.
Le dialogue n'a pas donné de résultat, ce qui a fait craindre une nouvelle escalade le 1erseptembre. Des allers-retours diplomatiques ont suivi avec la participation de MM Lajcak et Escobar. Une sorte de compromis a été atteint: la Serbie a consenti à reconnaître les pièces d'identité kosovares de Pristina, mais uniquement dans l'intérêt de la libre circulation et sans faire aucune allusion à l'indépendance du Kosovo. L'UE a pour sa part obtenu des garanties de Pristina qu'il reconnaîtrait les papiers serbes.
Le 30 août, Miroslav Lajcak a annoncé la disposition de Pristina à reporter de deux mois la décision sur le remplacement des numéros d'immatriculation serbes à l'entrée du Kosovo.
Le Kosovo a cependant promis de mettre des amendes aux voitures ne possédant pas de nouveaux numéros d'immatriculation sur le sol kosovar. Ce régime est prévu jusqu'au 21 avril 2023, puis Pristina envisage de confisquer les véhicules aux numéros serbes. Afin de protester contre cette mesure, les Serbes du Kosovo-Métochie ont quitté, le 5 novembre, les institutions au pouvoir dans la république autoproclamée.
Le dernier tour diplomatique remonte aux pourparlers entre Aleksandar Vucic et Albin Kurti à Bruxelles, le 21 novembre 2022, lequel n'a donné aucun résultat. Selon le Président serbe, Pristina a envoyé des troupes spéciales dans le nord serbe du Kosovo. Celui-ci n'a pas accepté d'annuler sa décision de mettre des amendes aux voitures avec des numéros serbes à partir du 22 novembre.
Un conflit qui dure des années
Pour d'autres questions en litige, il n'y a pas de signe de compromis, bien que la majorité d'entre elles soient fixées dans l'accord de Bruxelles de 2013. La "question des questions" pour Belgrade est ainsi la formation d'une Communauté des municipalités serbes au Kosovo, également négociée à Bruxelles entre les autorités de Belgrade et de Pristina en 2013.
Dans l'histoire contemporaine, le problème du Kosovo remonte à l'époque de la Yougoslavie, lorsque le Kosovo-et-Métochie était une région autonome au sein de la Serbie. Les humeurs séparatistes des Albanais du Kosovo se sont accentuées avec la désintégration de la Yougoslavie, mais aussi les activités de formations terroristes sur ce territoire. La situation a basculé lorsque l'Occident, et surtout Washington, a qualifié l'Armée de libération du Kosovo (UÇK), jadis présente sur la liste américaine des organisations terroristes, de lutteur pour la liberté, et lui a accordé un soutien.
Cette position s'est soldée par une agression de l'Otan contre la Yougoslavie. Celle-ci a eu comme prétexte l'incident survenu dans le village de Račak, au Kosovo central. Selon Belgrade, il s'agit de la mort de terroristes albanais dans un accrochage avec les forces de sécurité de l'État, mais selon l'Occident, il s'agissait de civils massacrés. En 78 jours de bombardements de l'Otan, du 24 mars au 10 juin 1999, près de 2.500 civils yougoslaves, dont des enfants, ont été tués, et le pays a subi des dommages pour un montant de 100 milliards de dollars, selon des estimations du gouvernement yougoslave. À la fin de l'agression, la sécurité du Kosovo-et-Métochie a été confiée à la force armée multinationale KFOR mise en œuvre par l'Otan.
Malgré sa présence sur le terrain, la sécurité des Serbes au Kosovo-et-Métochie n'était pas assurée, affirme Belgrade. Selon lui, même des enfants comptaient parmi les victimes et aucun de ces crimes n'a été élucidé. Qui plus est, le 17 mars 2004, un pogrom perpétré par des Albanais du Kosovo contre les Serbes et leurs hauts lieux, en présence de la KFOR, a conduit à la mort de 28 personnes, accuse Belgrade. Lors d'une épuration ethnique, près de 150 églises orthodoxes et monastères serbes auraient été brûlés.
Outre la KFOR, d'autres missions internationales sont présentes au Kosovo, dont la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (UNMIK), créée par la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'Onu, et, depuis 2008, EULEX Kosovo (European Union Rule of Law Mission in Kosovo), une mission civile menée par l'Union européenne.
Une indépendance qui ne l'est pas pour tout le monde
Les autorités albanaises du Kosovo ont proclamé leur indépendance par rapport à la Serbie en février 2008. La Serbie ne contrôle pas de facto, depuis 1999, la partie sud de son territoire, où la population serbe vit d'une façon compacte dans le nord ou séparément dans des enclaves dispersés sur le territoire kosovar.
L'Union européenne n'a pas reconnu l'indépendance du Kosovo, puisque certains de ses États membres s'y sont opposés. Au niveau européen, le Kosovo demeure une province sans statut autre que celui hérité de l'ancienne Yougoslavie. Comme la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'Onu confirme l'intégrité territoriale de la Serbie, le Kosovo et la Serbie centrale sont séparés par une ligne administrative et non par une frontière. L'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre n'ont pas reconnu l'indépendance du Kosovo. Belgrade ne contrôle pas la plus grande partie de cette autonomie, qui reste sous le contrôle des Albanais du Kosovo soutenus par l'Occident.
L'absence de solution définitive de ce problème a provoqué plusieurs aggravations, notamment en 2011, 2012, 2018/2019. Une autre résolution du Conseil de sécurité de l'Onu a été adoptée en 2010, en vertu de laquelle Bruxelles s'est chargé de la médiation dans les pourparlers.
L'accord de Bruxelles sur les principes de normalisation des relations a été signé en avril 2013 et garanti par l'UE. Belgrade a rempli l’ensemble des 15 clauses alors que Pristina n'a respecté aucun des six premiers points concernant la création de la Communauté des municipalités serbes.
Aujourd’hui, la Serbie insiste sur le fait que la résolution 1244 reste le document clé en la matière. Sa position est soutenue par Pékin et Moscou, deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu.