Les victimes syriennes ont été laissées sur la touche après la condamnation du cimentier français Lafarge par la justice américaine, affirme à Sputnik le politologue Tariq Ajib, expert en politique européenne.
Le géant français, depuis passé sous pavillon suisse, a en effet préféré plaider coupable et payer plus de 778 millions de dollars plutôt que de risquer l’humiliation d’un vrai procès. C’est donc le ministère de la Justice américain qui touche le pactole, au détriment des victimes de terrorisme en Syrie, déplore le spécialiste.
"La décision du tribunal américain n'est pas fondée sur des bases juridiques solides. Une indemnisation devrait être accordée aux citoyens syriens et à l'État syrien, qui sont les principales victimes des actions de Daech* et de Jabhat al-Nosra*", déclare ainsi Tariq Ajib à Sputnik.
L’image de la France écornée
Cette condamnation va par ailleurs ternir la réputation de la France au Moyen-Orient comme en Europe, explique le politologue. L’image des renseignements français pourrait notamment en ressortir noircie, ceux-ci ayant probablement eu vent du soutien de Lafarge à certains groupes terroristes.
"Les renseignements français ne pouvaient pas ignorer l'implication de Lafarge dans le financement de groupes terroristes en Syrie. Cela nuira encore davantage au prestige des autorités françaises auprès de la population et réduira la confiance des citoyens dans leur gouvernements dans l'ensemble de l'Europe", explique ainsi Tariq Ajib à Sputnik.
Un nouveau coup de canif dans le lien de confiance censé unir gouvernants et citoyens, alors même que la grogne monte en Europe à propos des conséquences de la crise ukrainienne, rappelle encore le spécialiste.
Le feuilleton judiciaire autour de Lafarge dure depuis plus de cinq ans. Accusé d’avoir payé des groupes terroristes pour pouvoir maintenir son activité en Syrie, le groupe français avait été mis en examen en juin 2018 en tant que personne morale pour "financement d’une entreprise terroriste", mais aussi " complicité de crimes contre l’humanité".
Ce dernier chef d’inculpation avait été annulé par la Cour d’Appel de Paris en 2019. Mais la Cour de cassation a finalement confirmé la mise en examen en 2021 puis en 2022, sous ce motif que l’entreprise conteste formellement.
Huit anciens cadres du groupe sont également poursuivis par le Parquet national antiterroriste (PNAT).
*Organisation terroriste interdite en Russie