Le monde semble basculer chaque jour davantage dans des conflits de toute nature: militaire et géopolitique, bien sûr, mais aussi culturelle et politique. Parmi les causes profondes qui permettent de comprendre comment nous en sommes arrivés là, le dévoiement du concept de promotion de la diversité.
C’est pourtant un noble objectif lorsqu’il s’agit de favoriser le débat et d’accroître le pluralisme des idées. Mais il est de plus en plus axé sur la promotion de la "diversité" la plus superficielle et sur l’exclusion d’une gamme significative d’opinions et de pensées. Aujourd’hui, soit on est dans le camp du "Bien" et on adhère au récit dominant, soit on se retrouve ostracisé ou exclu. Une mécanique qui s’est emballée avec la "Cancel culture" ou "culture d’annulation", notamment en Amérique du Nord. Un phénomène qui ne fait pas que des heureux, même parmi les progressistes. John MacArthur, journaliste, auteur et président du Harper’s Magazine, dévoile sa position au micro de Rachel Marsden:
"Je suis vraiment un gauchiste depuis longtemps et je suis très critique vis-à-vis de la “cancel culture” venant de la gauche. Tout cela a débuté il y a trois ou quatre ans avec la montée du mouvement “Me Too” et la destruction de Harvey Weinstein."
Désormais, un simple mot ou une phrase mal prononcée suffit à "effacer" jusqu’aux plus ardents partisans de la version de la "diversité" promue par les bien-pensants.
Expression libre, une gageure?
Ce fut le cas lorsque Whoopi Goldberg, coanimatrice du talk-show "The View" sur la chaîne ABC et première Afro-Américaine à remporter un Golden Globe Award en 1986, a été suspendue d’émission. Son crime? Lors d’un échange sur le plateau le 31 janvier dernier, elle a affirmé que l’Holocauste n’était "pas lié au racisme, mais à l’inhumanité de l’Homme envers l’Homme", un commentaire pour lequel elle s’est depuis platement excusée.
L’expression d’opinions jugées politiquement incorrectes par une minorité active devient donc une gageure. Notre interlocuteur a directement vécu le début de ce phénomène. Le patron américain de presse mainstream John MacArthur explique que sa revue a été "très, très critiquée" après une publication qui s’en prenait au mouvement "Me Too" et à un féminisme que sa journaliste trouvait "exagéré". Il évoque une condamnation systématique des paroles jugées déplaisantes, qui va jusqu’à mettre fin à la carrière de leur auteur:
"Il y a toujours ce conformisme vraiment dégueulasse. Pour rééquilibrer la situation, il faudrait réembaucher les gens qui ont été virés. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas."
Joe Rogan, qui anime le talk-show le plus populaire de la plateforme en ligne Spotify, a pour l’instant échappé au couperet. Il a pourtant lui aussi subi les foudres de la "cancel culture". Le 31 décembre dernier, l’animateur a diffusé un podcast dans lequel deux professionnels de santé présentaient des analyses de la crise du Covid-19 non conformes au récit dominant sur le dossier.
Il n’en fallut pas plus pour susciter une vaste polémique, qui a même attiré l’attention de la Maison-Blanche.
Quand la Maison-Blanche appelle à la censure
Jen Psaki, porte-parole de la présidence US, a en effet encouragé Spotify à aller au-delà de la publication de simples avertissements pour promouvoir le discours officiel sur le Covid-19. Pour le moment Joe Rogan conserve son émission, mais pour combien de temps?
Alors que la presse soi-disant libre subit des pressions de plus en plus fortes pour se conformer au discours officiel, validé par le gouvernement, comment conserver les conditions du débat d’idées, l’une des pierres angulaires de la démocratie? À moins que le débat libre et ouvert ne finisse bientôt dans les poubelles de l’histoire? À ce titre, le cas de John Mac Arthur n’incite pas à l’optimisme. Le patron de presse explique les conséquences personnelles de la publication dans le Harper’s Magazine de l’article sur le mouvement "Me Too":
"Je passais souvent dans les émissions de télévision nationale, mais plus depuis la publication."