Jusqu'où peut aller la rhétorique nucléaire dans le conflit autour de l’Ukraine?

Le nucléaire dans la rhétorique, en plein guerre informationnelle sur fond de conflit en Ukraine, est utilisé comme une arme poussant la Russie à répondre, estiment des politologues à Sputnik. Le danger de certains scénarios évoqués par les dirigeants occidentaux n’est pas toujours compris par eux-mêmes, ajoutent-ils, expliquant les enjeux cachés.
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En pleine essor de la guerre de l’information, la rhétorique concernant les armes nucléaires ne cesse d’être utilisée par toutes les parties impliquées dans le conflit. Poussées par le discours du Président ukrainien lors de la conférence de Munich, les discussions autour du nucléaire jouent désormais leur part dans l’aggravation qui se déroule en Ukraine où la Russie mène son opération militaire spéciale. Des politologues ont expliqué à Sputnik de quoi il s’agit et à quoi sert cette rhétorique dans le conflit actuel.
L’hypocrisie des médias et organisations occidentaux s’est largement manifestée à travers ces derniers jours, estime Artemi Atamanenko, politologue, membre du club d'experts Digoria, qui évoque la guerre de l’information déployée actuellement contre la Russie.
"La guerre de l'information n'est perdue que lorsque quelqu'un admet sa défaite. Par conséquent, nous ne pouvons pas parler ici d'une guerre de l'information perdue. En outre, ces derniers jours, nous avons clairement vu l'hypocrisie des médias occidentaux et des organisations occidentales. En particulier, le retrait de la Russie d'un réseau international d'oncologues OncoAlert qui soutient les patients atteints de cancer, qui montre clairement la rhétorique générale contre la Russie qui est maintenant utilisée. La confrontation des informations est maintenant dans une phase très active et je suis sûr que cette semaine et la semaine prochaine seront probablement le point culminant de cette confrontation", relate le politologue.
Il est d’accord que la rhétorique nucléaire est un genre d’arme dans la guerre de l'information.
"Il existe un certain nombre de mots et de techniques qui sont utilisés pour attirer l'attention du public. Cela inclut le fait de parler des armes nucléaires dans toute action militaire", résume l’expert.
Par contre, il rappelle que toutes les voix alarmistes ne reflètent pas la réalité, en rappelant Sergueï Lavrov qui a dit qu’"une Troisième guerre mondiale serait nucléaire et dévastatrice". Selon Artemi Atamanenko, tout le monde le comprend et ne pense pas pour de vrai lancer des bombes.
"Les généraux se préparent toujours pour une guerre comme celle du passé, de même la société regarde toujours l'avenir à travers le prisme du passé. La Troisième guerre mondiale - cette construction de mots - est une histoire rétrospective, qui a peu à voir avec le paradigme militaire contemporain, avec les attitudes politiques contemporaines."
Vladimir Olentchenko, chercheur principal au Centre d'études européennes de l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales, estime que les dirigeants ukrainiens ne pensent pas à la population, ils ne pensent pas à l'Ukraine, "ils pensent à leur rôle politique, qui semble très important pour eux".
Alors que Vladimir Poutine a ordonné le 27 février de placer en alerte les forces de dissuasion russes en réponse à des propos agressifs de pays membres de l'Otan, le politologue rappelle que les décisions militaires sont prises sur la base d’informations plus larges que seuls les militaires possèdent.
"Si les indicateurs de l'activité militaire indiquent une montée en puissance ou une tension de la part des États-Unis, il y a une réponse de notre part. La réponse peut être de ne rien faire et de simplement regarder. Mais dans le domaine militaire, beaucoup de choses dépendent de l'évaluation de l'adversaire, que nous représentons en quelque sorte aujourd'hui pour les États-Unis. Et s'ils augmentent leur activité et que nous ne le faisons pas, cela peut être perçu comme une faiblesse et peut les amener à augmenter leur activité. Afin d'anticiper cela, nous disons que nous sommes en alerte", déclare Vladimir Olentchenko, expliquant ce qui est d’après lui réellement derrière cette soi-disant rhétorique nucléaire.
Interrogé si les dirigeants occidentaux et ceux de l’Ukraine, quand ils évoquent le nucléaire dans leurs discours poussant à répondre à la Russie, comprennent la fatalité d’un tel scénario, l’interlocuteur de Sputnik a exprimé ses doutes.
"Ce qui pour nous est évident, pour les dirigeants politiques des pays occidentaux est apparemment considéré comme une sorte de phénomène virtuel, on a l'impression qu'il n'y a pas de compréhension", avance-t-il.
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Quand le Président ukrainien s’exprime sur le nucléaire

Lors de la conférence de Munich, le Président ukrainien a lancé l’idée qu’il considère réexaminer la participation de son pays au mémorandum de Budapest. Ainsi, si l’Ukraine venait à en sortir, elle serait en route pour devenir une puissance nucléaire. Qu’est ce qui se cache derrière ses propos, "une bravade", "un chantage" ou une non compétence? Les politologues ont expliqué leur compréhension et vision de la situation à Sputnik.
D'une part, il y a la déclaration de Zelensky sur la sortie du statut de puissance nucléaire et, d'autre part, il y a l'accord de Lisbonne, en vertu duquel, en principe, l'Ukraine ne peut en aucun cas obtenir le statut de puissance nucléaire avec des armes nucléaires, et en même temps il y a le facteur que nous savons que Zelensky a parlé à plusieurs reprises de sujets qu’il ne connaît pas, estime au micro de Sputnik Artemi Atamanenko, politologue, membre du club d'experts Digoria.
"Le fait est que, tout d'abord, la partie qui n'a absolument aucun intérêt à ce que l'Ukraine se dote potentiellement d'armes nucléaires est, bien sûr, l'Otan, tout d'abord parce que plus un pays qui possède des armes nucléaires est proche de la frontière de l'Otan, pire c'est pour lui, ainsi, bien sûr, l'Alliance, qui, dans cette situation, soutient l'Ukraine, deviendra aussi potentiellement la force qui empêchera l'Ukraine de se doter d'armes nucléaires", explique Artemi Atamanenko.
Qui plus est, il évoque l’aspect économique qui sera un autre point important qui rendra impossible la création d’armes nucléaires par l’Ukraine actuelle.
"L'Ukraine est un pays où la guerre civile sévit depuis plus de cinq ans, c'est un pays où le niveau de vie ne cesse de se détériorer pour des raisons évidentes, et, par conséquent, à l'heure actuelle, l'Ukraine n'a pas la capacité économique de créer de telles armes potentiellement de destruction massive, il s'agit donc d'une question purement économique, ce qui signifie que l'Ukraine peut décider de le faire, mais qu'à un moment donné, elle sera tout simplement à court de ressources. Dans ce cas, si un tel programme est lancé, bien sûr, l'Ukraine perdra immédiatement toutes ses relations avec l'Otan et les pays de l’UE", conclut l’expert.

Une voie qui est différente de celle de l’Iran

Pour Vladimir Olentchenko, chercheur principal au Centre d'études européennes de l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales, les propos de Zelensky sur le nucléaire relève sûrement du "chantage".
"Quant au sommet de Budapest, il s'agissait pour l'Ukraine de renoncer à son statut de puissance nucléaire dans l'intérêt de la sécurité européenne, afin de réduire les risques, et, en principe, cette idée était soutenue dans l'espace post-soviétique ainsi qu'en Europe orientale et occidentale. Maintenant, il me semble que la déclaration de Zelensky, d'un point de vue politique, est, bien sûr, un chantage", détaille l’expert.
D’après lui, le danger est également caché dans ce que "toutes les parties au mémorandum conviennent que l'Ukraine révoquera son statut d'État non doté d'armes nucléaires, puis elles en prennent la responsabilité, l'Ukraine commence à se diriger vers la possession d'armes nucléaires".
Qui plus est, Vladimir Olentchenko estime que Volodymyr Zelensky n'envisage pas la manière de se mettre sur la voie nucléaire pour son pays.
"Je déduis de sa compréhension, de son style de comportement, qu'il n'envisage pas la manière dont, disons, l'Iran vise à se doter d'armes nucléaires. Il construit ses installations, forme son personnel, les usines d'eau lourde, les transporteurs, etc. Il me semble qu'il voit les choses telles qu'elles sont aujourd'hui, c'est-à-dire que les pays occidentaux lui fournissent des armes létales et qu'il se dit probablement: +pourquoi ne pas leur demander aussi des armes nucléaires?+ Primitif, rustique, mais cela me semble être sa façon de penser et les gens qui l'entourent pensent de la même façon", résume le politologue à Sputnik.
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