Au Canada, la loi martiale révoquée: une crise montée de toutes pièces par Trudeau?

Au Canada, la loi sur les mesures d’urgence qui visait à briser le blocage des camionneurs vient d’être levée par Justin Trudeau. Celui-ci met un terme à une crise qu’il a lui-même créée pour "redorer son blason", accuse le sénateur Jean-Guy Dagenais.
Sputnik
"Quand Justin Trudeau a vu sa cote de popularité diminuer devant l’inaction de son gouvernement, il a décidé d’invoquer la loi des mesures d’urgence pour sauver son image", tacle Jean-Guy Dagenais, sénateur canadien à Ottawa.
Le 23 février en soirée, le Premier ministre canadien a finalement annulé le recours à cette loi, prenant la classe politique par surprise. "L’ordre est rétabli", s’est-il justifié. Le 14 février dernier, Justin Trudeau avait invoqué la loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux blocages dans le centre-ville d’Ottawa, la capitale fédérale. Les jours précédents, des postes-frontière avaient aussi été paralysés par des poids lourds. Au départ, le mouvement du convoi s’opposait à la vaccination obligatoire des camionneurs, mais il en est rapidement venu à incarner l’opposition d’une partie de la population face à l’ensemble des mesures sanitaires.
C’est après trois semaines de manifestations devant le Parlement que Justin Trudeau avait décidé d’employer les grands moyens et de ressusciter la "loi sur les mesures de guerre", devenue "loi sur les mesures d’urgence" en 1988. Le 20 février, la police d’Ottawa a évacué les derniers manifestants présents sur la Colline parlementaire et remorqué les derniers camions qui y étaient stationnés.

Les comptes bancaires des manifestants bientôt dégelés

Toutefois, des points de contrôle sont toujours en place dans la zone sécurisée du centre-ville où de nombreux policiers montent la garde. Deux des principaux leaders du "convoi de la liberté", Pat King et Tamara Lich, sont toujours détenus par les autorités. La Gendarmerie royale du Canada a annoncé que les comptes bancaires de centaines de manifestants s’apprêteraient à être dégelés, alors qu’ils avaient été suspendus en vertu de la loi sur les mesures d’urgence.
Selon Jean-Guy Dagenais, le retrait de la loi ne change rien à son caractère illégitime et au précédent grave qu’elle a instauré dans le pays:
"Il était hors de question que j’appuie une loi qui visait simplement à redorer le blason de Justin Trudeau. […] Les policiers avaient tous les outils en main pour faire face à la situation. Parmi les manifestants, je n’ai senti aucune violence", souligne le sénateur.
Le 22 février dernier, Jean-Guy Dagenais est intervenu au Sénat pour critiquer sévèrement le recours à la loi sur les mesures d’urgence encore défendue à ce moment par le Premier ministre. "Justin Trudeau méprise […] les règles démocratiques, les compétences provinciales et les droits fondamentaux des citoyens qui ne pensent pas comme lui", a-t-il laissé tomber dans son intervention, qui est devenue virale sur les réseaux sociaux.

Les policiers déjà outillés pour mater la colère

Ex-policier de la Sûreté du Québec, Jean-Guy Dagenais ne s’explique pas que la loi sur les mesures d’urgence ait été utilisée par Ottawa, alors que le Canada a connu des événements représentant une bien plus grande menace pour sa sécurité.
Entre le 20 janvier et le 5 mars 2020, de nombreux tronçons de voies ferrées ont été bloqués par des membres des Premières Nations pour s’opposer à la construction d’un nouvel oléoduc sur les territoires ancestraux du peuple Wet'suwet'en, en Colombie-Britannique. La Gendarmerie royale du Canada avait fini par procéder au démantèlement des blocus et à l’arrestation d’une cinquantaine de manifestants. L’interruption du transport ferroviaire avait causé des pénuries de certains produits et de carburants comme le propane, essentiel au bon fonctionnement de plusieurs fermes et élevages.

Crises autochtones: le "deux poids, deux mesures" de Trudeau

En 1990, la crise d’Oka qui avait opposé la nation mohawk à la police du Québec et à l’armée canadienne, pour la dispute d’un territoire, avait aussi été particulièrement tendue. Dans les deux cas, la loi sur les mesures d’urgence n’avait pas été invoquée par Ottawa.
"Justin Trudeau est vraiment dans le deux poids, deux mesures. Le Premier ministre a bien le droit d’apprécier particulièrement les Autochtones, mais il n’avait pas celui de faire payer le prix de son incompétence au reste de la population", dénonce Jean-Guy Dagenais.
Si la plupart des blocages dus au "Convoi de la liberté" sont désormais levés, d’autres manifestations sont à prévoir partout dans le pays, mais elles seront d’une moins grande ampleur, estime le sénateur Dagenais, pour qui cette saga est venue ternir l’image du Canada sur la scène internationale:
"Je ne serais pas du tout gêné de tenir ce discours dans le bureau du Premier ministre Trudeau. […] Ce n’est même pas la loi des mesures d’urgence qui a permis aux policiers de mettre fin à l’occupation", insiste-t-il.
Conformément aux dispositions en vigueur, une enquête sur les circonstances à l’origine de l’invocation la loi sur les mesures d’urgence doit être entamée d’ici 60 jours.
Discuter