Un ancien espion français de la guerre froide sur les ruses en Ukraine

Si les renseignements américains sur l’Ukraine étaient fiables, la Russie serait déjà à Kiev, estime Roland Pietrini. Cet ancien membre du renseignement militaire français pendant la guerre froide se confie au micro de Rachel Marsden.
Sputnik
Dans l’interminable feuilleton de l’hypothétique future guerre en Ukraine, une "guest star" fait l’affiche de l’épisode du jour. Emmanuel Macron s’est invité dans le jeu qui voit s’affronter les États-Unis et l’Otan d’une part, et la Russie d’autre part.
En effet, dans la foulée des efforts de médiation du Président de la République française, Joe Biden et Vladimir Poutine pourraient se rencontrer, a déclaré l’Élysée. Mais ce ne serait qu’après que leurs ministres des Affaires étrangères se soient parlé, selon des sources à la Maison-Blanche… et seulement si la Russie n’envahit pas l’Ukraine, précise un communiqué de l’Élysée.
Comment se fait-il que toutes ces déclarations en faveur de la paix soient toujours précédées par les tambours de guerre? Malgré cette volonté affichée d’éviter un nouveau conflit signé Washington, quelle est la probabilité qu’une "menace imminente" émerge des escarmouches à la frontière et mette le feu aux poudres?
Ce ne serait en effet certainement pas la première fois. Nous avons déjà eu affaire à la "menace imminente" des armes de destruction massive en Irak, brandie par Washington pour justifier l’invasion de ce pays. On se souvient aussi de la "menace imminente" du Nord-Vietnam, concrétisée par les incidents du golfe du Tonkin, qui ont déclenché l’entrée des États-Unis dans la guerre du Vietnam.
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Citons encore la "menace imminente" des marxistes sandinistes au Nicaragua, qui a servi de prétexte à Washington pour effectuer des ventes d’armes secrètes à l’Iran afin de financer les contrats soutenus par les États-Unis, suivie de la "menace imminente" d’un Iran surarmé. Plus récemment, la "menace imminente" des talibans* en Afghanistan a conduit la Maison-Blanche à déclarer la "défaite" du groupe terroriste après l’invasion du pays, suivie dix ans plus tard par la victoire de ce ces mêmes talibans* sur les troupes d’occupation américaines.
La peur, amplifiée ou fabriquée, a souvent permis à Washington de mobiliser le soutien de l’opinion publique et de ses alliés contre une cible, qu’il s’agisse du communisme, du terrorisme ou même d’un virus. Avons-nous affaire au même cas de figure dans la crise qui oppose la Russie et l’Otan en Ukraine?
Pour Roland Pietrini, ancien membre du renseignement militaire français qui a servi notamment à l’Est pendant la guerre froide, la menace d’une guerre existe: "Vladimir Poutine a été clair, il y a une ligne rouge à ne pas franchir. L’Occident sait donc quels sont les risques." Toutefois, à entendre les Américains, les forces russes auraient dû être à Kiev depuis mercredi dernier et elles n’y sont pas.
Il explique que "les spécialistes américains de la désinformation projettent sur leurs adversaires des procédés qu’ils maîtrisent parfaitement":
"Au Donbass, à titre préventif, on projettait le fait que la Russie pourrait inventer la possibilité d’une provocation ukrainienne afin de justifier une intervention préventive. Cela ressemble étrangement au procédé de justification des États-Unis pour déclencher la guerre en Irak."
Roland Pietrini explique le comportement américain par une faiblesse:
"Il me semble que la volonté de la part des Américains de dramatiser la crise en Ukraine, et leur fermeté –toute relative, car elle ne sera pas militaire en ce qui concerne la réponse– dénotent une certaine forme d’impréparation. Les États-Unis sont souvent sujets à des surprises stratégiques à répétition. La tension entre la Russie et l’Occident était parfaitement prévisible et Poutine a parfaitement annoncé la couleur depuis des années."
L’ancien espion réagit également à l’idée évoquée dans le Guardian, le 19 février, que des "discussions secrètes sont en cours entre les alliés occidentaux sur la manière d’armer ce qu’ils attendent être une résistance ukrainienne féroce en cas d’invasion russe qui renverserait le gouvernement de Kiev":
"Ça me fait penser aux belles heures de la guerre froide. Je me souviens de ce qui avait été mis en place dans les pays de l’Ouest au cas où il y aurait eu une invasion de l’Union soviétique. Ce plan s’appelait ‘stay behind’. On envoyait des agents dormants capables de monter de réseaux de résistance au cas où les chars soviétiques seraient arrivés à Rome, ou un peu plus loin. Je pense que l’on est dans le même scénario. On imagine le pire pour montrer que la Russie est désormais une menace pour l’Occident."
*Organisation sous sanctions de l’Onu pour activités terroristes.
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