En voulant se doter de l'arme nucléaire, l'Ukraine risque de se priver du nucléaire civil

Toute tentative de créer une bombe atomique pourrait mener l’Ukraine à une position bien pire que celle où elle se trouve aujourd’hui sur la scène internationale, suggère le rédacteur en chef d’un portail sur l'énergie nucléaire. En outre, le pays risque de se voir imposer des sanctions et de se retrouver sans nucléaire civil, estime-t-il.
Sputnik
L'Ukraine se retrouverait certainement isolée au niveau international et ferait l'objet de sanctions de l'Onu si elle tentait de construire ses propres armes nucléaires, estime Alexandre Ouvarov, rédacteur en chef d'AtomInfo.ru, un portail sur l'énergie atomique. De plus, il ajoute que la situation à l'intérieur du pays se détériorerait considérablement; Kiev devrait arrêter toutes ses centrales nucléaires, car il lui serait interdit d'importer du combustible pour celles-ci.
"Le statut de pays dénucléarisé de l'Ukraine est déterminé par sa participation au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), auquel elle a adhéré en 1994. En vertu du TNP, seuls les pays qui ont développé et testé des armes nucléaires avant 1967 peuvent posséder des armes nucléaires. L'Ukraine n'en fait pas partie", a rappelé l’expert.

Quelle serait la réaction de la communauté internationale?

Il a expliqué que si l'Ukraine commençait à développer des armes nucléaires sans se retirer du TNP, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) identifierait des signes d'activité nucléaire militaire en Ukraine au cours de ses activités d'inspection et en informerait son organe politique. Lequel, à son tour, transmettrait les rapports au Conseil de sécurité des Nations unies, qui est doté de plus larges pouvoirs, y compris de celui d’instaurer des sanctions internationales et même du recours à la force.
Pourtant, si l'Ukraine annonce son retrait du TNP, sa décision sera discutée au Conseil de sécurité des Nations unies, où les arguments de l'Ukraine seront soumis à un examen approfondi, a expliqué Alexandre Ouvarov.
"Si les arguments sont jugés insuffisants, le Conseil de sécurité peut procéder à l'imposition de mesures coercitives contre l'Ukraine, y compris des sanctions et le recours à la force", a-t-il détaillé.

Nucléaire civil

Il convient également de tenir compte du fait que tous les principaux fournisseurs mondiaux de technologie nucléaire sont réunis au sein d’un groupe informel, dont les règles limitent presque totalement la possibilité de coopérer dans le domaine du nucléaire pacifique avec les États non parties au TNP, a souligné l'interlocuteur de l’agence.
"Ainsi, si l'Ukraine se retire du TNP, elle sera contrainte d'arrêter ses centrales nucléaires, car ce pays dépend à 100% des importations de combustible nucléaire, qui pourraient être interrompues après son retrait du traité", a déclaré l’expert.
Les États parties au TNP possédant des armes nucléaires sont unis dans leur volonté d'empêcher la poursuite de la prolifération des armes nucléaires, rappelle l’interlocuteur de l’agence, "de sorte que l'Ukraine ne devra pas compter sur le soutien politique des pays occidentaux pour ses aspirations nucléaires".
"Des tentatives de construction d'une bombe nucléaire placeraient définitivement l'Ukraine dans une position bien pire qu'aujourd'hui, et elle tomberait dans un isolement international", a conclu Alexandre Ouvarov.

Le mémorandum de Budapest

Le 19 février, le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré qu'il voulait convoquer une rencontre des pays signataires du mémorandum de Budapest de 1994 aux termes duquel l'Ukraine avait renoncé à son arsenal nucléaire hérité de l'URSS en échange des garanties de sécurité de Moscou, Londres et Washington. Selon lui, si cette rencontre n'a pas lieu ou si elle ne permet pas de garantir la sécurité de l'Ukraine, Kiev sera en droit de considérer que le mémorandum ne fonctionne pas.
Cette déclaration survient sur fond des tensions qui entourent l’Ukraine ces derniers jours. Face au risque d'une offensive d'envergure des troupes ukrainiennes, l’évacuation vers la Russie des civils des républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk est en cours. Depuis trois jours, la situation reste tendue sur la ligne de contact au Donbass, marquée par l’intensification des tirs et des bombardements.
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