L’Ukraine pourra-t-elle bientôt concevoir l’arme nucléaire? Un expert militaire répond

Kiev pourrait remettre en cause son statut non nucléaire s’il ne reçoit pas de garantie de sécurité. Cette position du Président ukrainien crée le risque que le pays fabrique sa propre arme nucléaire. Dans une interview à Sputnik, un expert militaire doute fortement de cette possibilité, évoquant des enjeux politiques et économiques.
Sputnik
Lors de la conférence de Munich sur la sécurité tenue le 19 février, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé à la convocation des participants au Mémorandum de Budapest, qui fixe notamment le statut non nucléaire de l’Ukraine, pour des consultations. S’il n’obtient pas de garantie de sécurité à l’issue de cette réunion, le chef de l’État évoque la possibilité d’une sortie du pays de ce Mémorandum, ce qui ouvrirait la voie à l’élaboration d’une arme nucléaire.
Dans une interview à Sputnik, le lieutenant-général Aïtetch Bijev, ancien vice-commandant de l'armée de l'air russe en charge de la DCA, trouve cette déclaration du Président ukrainien "absolument irréfléchie autant sur le plan politique qu’économique".
L’expert militaire rappelle que seul un nombre limité de pays possèdent ce statut nucléaire. Selon lui, pour l’obtenir, l’Ukraine, comme tout autre pays, devra persuader la communauté internationale de la nécessité de ce statut, sinon des sanctions pourraient être imposées, à l’instar de l’Iran qui subit une "énorme pression internationale" à cause de son programme nucléaire.
Un scénario qui n’est pas exclu pour l’Ukraine par M.Bijev, car son statut nucléaire peut entraîner un "nouveau cycle de tensions" dans une Europe qui "cherche au contraire à se débarrasser des armes nucléaires, dont les stocks ont été placés par les Américains dans les pays européens membres de l'Otan".
En outre, il évoque les enjeux économiques de l’élaboration de l’arme nucléaire pour l’Ukraine.
"L'économie ukrainienne n’y arrivera jamais, c'est un plaisir très coûteux, allant de la production jusqu’aux vecteurs et à toute l'infrastructure du secteur militaro-industriel et du secteur de l'énergie nucléaire", note-t-il, soulignant que M. Zelensky "n’a aucune idée de la complexité de cette démarche".

"C’est du pur bluff qui vise à avoir un certain effet sur ses maîtres [les pays occidentaux, selon lui, ndlr] et à tenter d’intimider la Russie", en déduit Aïtetch Bijev.

L’escalade des tensions autour de l’Ukraine

Les tensions autour de l'Ukraine sont à leur plus haut niveau depuis des années. Les pays occidentaux accusent la Russie d’avoir massé quelque 150.000 soldats à la frontière ukrainienne et lui imputent des "actions agressives" et la planification d’une attaque contre l’Ukraine.
Dans ce contexte, près de 8.500 soldats américains ont rejoint la Roumanie, la Pologne et les pays baltes ces dernières semaines. Ils s'ajoutent aux quelque 80.000 soldats américains déjà stationnés en Europe, que ce soit sur une base permanente ou par rotation.
Ces accusations ont été démenties à plusieurs reprises par Moscou qui explique qu’il s’agit de déplacements programmés sur le territoire russe dans le cadre d’exercices et décidés par la Défense. La Russie dénonce une "hystérie informationnelle" des autorités et médias occidentaux et qualifie ces déclarations de prétextes pour envoyer toujours plus de matériel militaire au plus près des frontières russes. Même Kiev appelle les pays occidentaux à cesser de semer la panique.
En tant que solution à l’escalade des tensions autour de l’Ukraine, la Russie a publié fin 2021 des projets de traités à signer avec les États-Unis et avec l'Otan sur les garanties de sécurité en Europe. Ces documents visent à empêcher tout nouvel élargissement de l’Alliance atlantique à l’Europe de l’Est et de nouvelles bases militaires américaines.
Les États-Unis ont répondu par la négative aux propositions clés de Moscou. Selon Sergueï Lavrov, cette réponse ne peut pas satisfaire Moscou qui prône l'engagement pris notamment par les États-Unis au sein de l'OSCE sur l'inadmissibilité d’assurer sa propre sécurité au détriment de celle des autres. Le 14 février, Vladimir Poutine a qualifié d'"interminable et de très dangereuse" l'expansion de l'Otan vers l'est aux dépens des républiques post-soviétiques, dont l'Ukraine.
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