Covid-19

Vers la fin du pass vaccinal à la mi-mars: le gouvernement est-il trop frileux?

Les indicateurs épidémiques s’améliorent, pourtant l’exécutif continue d’imposer le pass vaccinal et le masque à l’intérieur alors que certains pays ont déjà abandonné toutes les restrictions. Un choix que le Pr Antoine Flahault juge judicieux.
Sputnik
"Nous sommes en train d’en finir avec Omicron." Ces quelques mots prononcés par Jean-François Delfraissy laissent entrevoir, enfin, le bout du tunnel. Le président du Conseil scientifique a estimé, dans une interview au Parisien, que "si les bons chiffres se poursuivent, lever le pass vaccinal dès le printemps me paraît envisageable".
Concernant le masque, il pourrait ne plus être obligatoire en intérieur dans les lieux non soumis au pass vaccinal (écoles, transports, entreprises). À condition néanmoins que le pays ne compte qu’entre 1.000 à 2.000 malades en réanimation. Au 16 février 2022, la France en recensait 3.126.

Le pire est-il bien derrière nous?

Un allégement possible de bon augure, alors que la crise sanitaire exaspère les Français. Des Convois de la liberté ont vu le jour dans l’Hexagone et la gronde sur les réseaux sociaux se fait de plus en plus sentir avec l’apparition du hashtag #MacronDehors. Sans parler des 4 à 5 millions de Français qui ont vu leur pass vaccinal désactivé le 15 février et qui ne souhaiteraient pas recevoir de dose de rappel.
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Fin du pic, mais renforcement du pass: "une aberration totale", pour le Pr Claverie
Si Olivier Véran se réjouissait début février du fait que "le pire est derrière nous", le gouvernement français ne semble pas vouloir accélérer le calendrier de levée des mesures sanitaires. Pourtant, le Royaume-Uni leur disait adieu le 27 janvier, quand le Danemark les abandonnait le 1er février. En Allemagne, "une grande partie des restrictions actuellement en place" devrait être supprimée d’ici au 20 mars. Comparé à ces trois pays voisins, l’exécutif est-il trop hésitant?
"On verra à la fin de cette période si la France a été trop prudente ou au contraire si elle a fait preuve de discernement", rétorque au micro de Sputnik l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève.
Capture d’écran -Our World in Data : nombre décès liés au covid-19 par million d’habitants en moyenne sur sept jours
En cause notamment, les fortunes diverses des indicateurs épidémiologiques du Royaume-Uni et du Danemark.

"Au Danemark, il n’y a pas eu un jour où le taux d’incidence n’a pas progressé depuis la levée des mesures. Leur mortalité n’a fait que monter. Ce n’est pas qu’un problème de contamination, il y a un problème de cas sévères qui augmentent à l’hôpital et qui meurent malheureusement", observe le Pr Flahault.

Une dégradation qu’il explique par le fait que lorsque le Danemark a levé les restrictions sanitaires, la situation n’était pas stabilisée. En effet, le pays recensait au 1er février 7.450 cas de contamination par million d’habitants en moyenne sur une période de sept jours, contre 4.777 pour la France. Par ailleurs, "le sous-variant d’Omicron BA.2 a peut-être aussi contribué à jouer les prolongations" de l’épidémie, avance le médecin.
Capture d’écran - Our World in Data : nombre de nouveaux cas de Covid-19 par million d’habitants en moyenne sur sept jours
Dans le cas du Royaume-Uni, l’abandon des restrictions semble avoir été payant. "Ils ont pris leurs mesures au moment où la courbe commençait à baisser. Pendant les 15 jours qui ont suivi, cela a été presque en plateau mais la descente a repris récemment. Le Royaume-Uni va s’orienter vers une phase favorable", précise l’épidémiologiste.
En Allemagne en revanche, si le calendrier de levée des restrictions est d’ores et déjà fixé par les autorités, la situation n’est pourtant pas idyllique si on la compare à la France. Le Pr Flahault indique que si effectivement "la mortalité en France est supérieure à celle de l’Allemagne, avec environ 300 décès par jour en France contre 200", elle "devrait continuer à augmenter" outre-Rhin, prévient notre interlocuteur.

"Sur le plan des contaminations et de leur dynamique, la France est dans une courbe descendante, plus favorable que celle de l’Allemagne", rappelle le Pr Flahault.

Ainsi, il souligne que le taux de reproduction du virus se situe à 1 outre-Rhin, quand il s’établit à 0,7 pour la France. Par ailleurs, l’Allemagne devrait avoir un taux d’incidence supérieur à l’Hexagone dans la semaine à venir.

"Sur nos prévisions à 7 jours, il y aura probablement quelque chose qui sera de l’ordre de 550 nouveaux cas pour 100.000 habitants en France. En Allemagne, on prévoit en revanche 1.400 cas", précise l’épidémiologiste.

Autant d’éléments qui devraient donc pousser Paris à faire disparaître le pass vaccinal à la mi-mars, comme le prévoit Olivier Véran.
Sans compter que les modélisations de l’Institut Pasteur confirment une décrue dans les semaines à venir.

France: mesures dictées par des précautions ou par le politique?

Selon ces prévisions, d’ici au 27 février, les nouvelles admissions quotidiennes à l’hôpital devraient passer de 1.570 à 500. Les admissions en soins critiques pourraient également diminuer de 200 à près de 70, ou encore les lits occupés en soins critiques qui pourraient quant à eux passer de 3.200 à environ 1.800.

"Si tout se passe bien et continue à se passer bien, dans un mois, on pourrait assister à une accalmie très substantielle", confirme le Pr Flahault.

Le choix du gouvernement est-il donc plus politique que sanitaire? "Ce n’est pas mû par un simple fait politique et économique, c’est la situation sanitaire qui guide et qui informe la politique publique. Après, il y a différentes appréciations, y compris chez les experts", affirme l’épidémiologiste. Lui-même y voit une envie des autorités françaises d’éviter toute reprise épidémique.
Gabriel Attal expliquait d’ailleurs que "oui, les chiffres de contamination continuent de reculer mais cette baisse doit encore se confirmer, surtout à l’hôpital". Une position que partage l’épidémiologiste. "On a attendu deux ans, on peut se donner quelques semaines pour avoir une décrue plus prononcée", suggère le directeur de l’Institut de santé globale de Genève.

"Les Français sont un tout petit plus précautionneux mais cela me paraît être plutôt une bonne politique. Dans cette pandémie, on a pu constater que l’on engrangeait davantage de fruits quand on était patient et que l’on prenait des mesures qui permettaient vraiment de reprendre un contrôle complet sur la circulation du virus", fait-il valoir.

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