Covid-19

Au Canada, les camionneurs s’entêtent: "nous n’allons pas bouger d’un centimètre" - témoignage

Au Canada, le Convoi de la Liberté entend rester dans la capitale jusqu’à la levée de toutes les mesures sanitaires. Larry Houde, camionneur depuis 34 ans et engagé sur le terrain, dénonce le refus d’Ottawa de négocier avec le mouvement.
Sputnik
«Pourquoi pensez-vous que les camions ont pu entrer à Ottawa et se stationner directement devant le Parlement? C’est que la police est de notre côté», assure Larry Houde, camionneur canadien participant au Convoi de la Liberté avec son poids lourd. Entre deux voyages aux États-Unis, le routier de 53 ans retourne soutenir ses collègues à Ottawa, la capitale, toujours en grande partie paralysée par les manifestants:
«Les grands médias racontent n’importe quoi. Des policiers ont apporté des sacs de nourriture et des bidons de diesel aux camionneurs pour soutenir le siège. […] Nous n’allons pas bouger d’un centimètre avant d’avoir été reçus par le gouvernement pour négocier», insiste Larry Houde au micro de Sputnik.
Depuis le 29 janvier dernier, date de la première grande manifestation, des centaines de camionneurs et de manifestants se rassemblent régulièrement dans la capitale fédérale, alors que d’autres s’y sont littéralement installés. «Chaque fois, c’est un plaisir de nous retrouver ensemble dans cette ambiance, parce que les restrictions ont accentué notre sentiment de solitude durant nos trajets et lors de nos retours à la maison», explique Larry Houde, également chroniqueur radio. Des camionneurs campent même à Ottawa avec leurs enfants.
Exaspérés par le bruit incessant des klaxons et la musique, des habitants d’Ottawa exhortent dans les rues les manifestants à quitter leur ville. Le 13 février en soirée, un accord a été passé entre Jim Watson, le maire d’Ottawa, et des manifestants pour que les poids lourds quittent certains secteurs résidentiels. Pour l’instant, Justin Trudeau dit écarter une intervention de l’armée. Mais le 14 février en matinée, les médias canadiens ont appris qu’Ottawa pourrait avoir recours à ses pouvoirs d’urgence, et donc user de la force pour dégager les manifestants.
«C’est [l’armée, ndlr] une solution de dernier, dernier, dernier, dernier, dernier recours. Évidemment, dans une situation comme ça, on doit être prêt pour toute éventualité», avait toutefois averti Justin Trudeau, le 11 février.
Pour Larry Houde, le traitement médiatique des manifestations et l’hostilité du gouvernement Trudeau envers le mouvement ne font que renforcer les protestataires dans leurs convictions.

La dose qui fait déborder le vase?

La troisième dose pourrait aussi faire déborder le vase, estime notre interlocuteur, alors qu’on évalue à au moins 85% le nombre de camionneurs canadiens vaccinés. Rappelons qu’Ottawa et Washington comptent tous les deux imposer la vaccination obligatoire aux camionneurs:
«Avec mes collègues, je me suis rendu compte que la vaccination n’avait servi à rien. Presque tout est encore fermé! Je suis doublement vacciné, mais je ne me rendrai pas à la troisième dose, alors je vais peut-être devoir abandonner mon travail. […] Au moins 30% des camionneurs ne voudront pas aller plus loin», prédit le routier.
Ce 8 février, le député libéral Joël Lightbound est intervenu dans les médias pour critiquer la gestion de la crise sanitaire de son propre parti, que dirige Justin Trudeau.

Justin Trudeau attaqué dans son propre parti

En pleine crise des camionneurs, le député rebelle a pris la défense des manifestants présents à Ottawa, que Trudeau a plusieurs fois associé à «l’extrême droite». Le député de Louis-Hébert a également accusé Ottawa d’avoir mené une politique de division durant les deux dernières années:
«Un pan entier de la population se reconnaît dans ce mouvement. […] J’ai assez de respect pour mes semblables pour ne pas leur coller des étiquettes aussi faciles qu’absurdes», a déclaré Joël Lightbound en conférence de presse.
Larry Houde observe que les propos du député Lightbound donnent espoir aux gens du convoi, mais il craint pour sa part que le changement de ton de certains politiciens ne soit que temporaire.
«Notre revendication principale, c’est l’abolition de toutes les mesures sanitaires. On ne peut plus vraiment faire confiance aux politiciens […] On dit qu’on vit dans un pays libre, mais il n’y a plus beaucoup de libertés ici. […] En refusant de négocier, c’est Justin Trudeau qui fait durer la crise», martèle-t-il.
Le 10 février, Washington a exhorté Ottawa à reprendre le contrôle de la situation en utilisant ses «pouvoirs fédéraux», principalement en raison du blocage du pont Ambassador qui relie les villes de Windsor et Détroit. Important point de passage entre le Canada et les États-Unis, il assure le transit quotidien de plus de 40.000 personnes. L’équivalent de 323 millions de dollars de marchandises traverse annuellement la frontière par camion à cet endroit. Le 13 février en fin d’après-midi, les autorités ont annoncé qu’elles étaient parvenues à dégager la structure et avaient procédé à plusieurs arrestations.
Discuter