Sur Google, le mur est qualifié "d’attraction touristique". Une absurdité que ne goûtent guère les riverains. Car ce "mur de la honte" provoque de plus en plus de désagréments. La préfecture l’avait érigé le 24 septembre 2021 après l'évacuation des toxicomanes du quartier Stalingrad. Le but? Empêcher les toxicomanes de se déplacer vers la banlieue. Un peu plus de quatre mois plus tard, les riverains subissent de plein fouet les conséquences de cette mesure prise en catastrophe. En empêchant les drogués de partir, la préfecture les a cloués au bas des immeubles.
Michèle Pacsa, jeune retraitée, habite le quartier depuis trente ans. Elle l’a vu se dégrader. Sa colère éclate à notre micro.
"Personne ne nous prend en compte. On dit tous les jours qu’il faut prendre soin d’eux [les toxicomanes, ndlr], mais personne ne prend soin de nous. On est agressé tous les jours dans la rue et dans le métro, mais on nous ne propose même pas de soutien psychologique", explique Michèle Pacsa.
Notre interlocutrice en veut également aux medias dans lesquels "tous les politiques qu’on entend –Macron, Darmanin, Lallemand, Hidalgo– n’ont que des dénis à la bouche". Les responsables n’ont cure des angoisses des habitants. Ils restent sourds à leurs sollicitations. Depuis plus de trois décennies, l'offre et l'usage de crack à Paris ont été déplacés à plusieurs reprises, restant toutefois toujours dans le nord-est de la capitale.
"Le droit à la sécurité bafoué"
Sans faire partie d’aucun des collectifs de citoyens qui fleurissent dans les quartiers Est de la capitale, Michèle Pacsa trouve que son "droit à la sécurité est bafoué". Elle décrit fébrilement son quotidien gâchés par des individus sous emprise de la drogue "qui viennent vers vous en faisant de grands gestes et souhaitent vous palper pour vérifier si vous n’avez pas d’argent sur vous".
"Ces personnes [les politiques, ndlr] qui parlent en notre nom, ne veulent pas que les toxicomanes habitent dans leurs quartiers à elles", s’insurge la jeune retraitée.
Alors Michèle juge également avec sévérité la récente proposition de déplacer le camp des toxicomanes dans le 12e arrondissement de Paris, sur un terrain appartenant à la SNCF près de la Porte de Charenton. Annoncée par la Préfecture le 25 janvier dernier, l’idée a été "suspendue" trois jours plus tard. Un "leurre", s’insurge notre témoin.
Du côté de La France insoumise, on essaie d’innover. Le 27 janvier dernier, Danièle Obono et Éric Coquerel rencontraient les riverains dans un bar de la Porte de la Chapelle, un quartier également victime du fléau de la drogue.
"Dans des lieux où le trafic de drogue sévit, on évoque ce qu’on propose en termes de lutte contre ce trafic. On est là pour débattre, ça nous invite à réfléchir. Confronter notre programme à ce que les gens vivent, c’est une manière de faire campagne aussi", détaille Éric Coquerel, député de La France insoumise, au micro de Sputnik.
Pour le député mélenchoniste, la lutte contre la drogue "passe non seulement par la question de la légalisation et le contrôle de l’État qui permettrait de réduire le commerce illicite, mais également par la prévention et LA diminution des risques".
Pour les autorités, la "diminution des risques" se résume aux fameuses salles de consommation à moindre risque (SCMR). Reste que ces salles de shoot soulèvent l’ire des riverains, car elles attirent les dealers dans le sillage des usagers.
"La salle de shoot n’a jamais soigné personne", résume Michèle Pacsa.
Celle-ci reste persuadée que les autorités "ne prennent pas le temps de réfléchir et de voir" ce que subissent les riverains: "Ils ne font que déplacer le problème dans le Nord-Est parisien."
Pourtant, du côté des associations, on essaie de développer une solution alternative. Mise en place par l’association Espoir du Val-d’Oise (EDVO) dès 1987, la thérapie dite Minnesota permet l’accompagnement des victimes d’addictions. Cette démarche née outre-Atlantique est fondée sur l’entraide entre personnes qui traversent les "mêmes difficultés au même moment". Contrairement à la mise à disposition d’un lieu sécurisé pour le consommateur, les techniques d’EDVO misent donc sur la solidarité entre toxicomanes pour vaincre la dépendance.