Alerte à la grippe aviaire au Cameroun: "Si la maladie se répand, ce sera la catastrophe"

Un foyer de grippe aviaire a été découvert ce début février dans une exploitation avicole dans l’ouest du Cameroun. Alors que les autorités ont annoncé des abattages pour limiter la propagation du virus H5N1, les professionnels du secteur avicole s’inquiètent. Cinq ans plus tôt, une épizootie dramatique avait fait sombrer la filière au Cameroun.
Sputnik
Si la crise sanitaire mondiale, et son lot de conséquences sur les pans entiers de l’économie, est loin d’avoir dit son dernier mot au Cameroun, le pays doit aussi faire face à une épizootie de grippe aviaire, qui menace de faire tomber sa filière avicole. Après les épisodes dramatiques de 2016 et 2017, un nouveau foyer du virus H5N1, responsable de la grippe aviaire, a été détecté dans la région de l’Ouest, plus grand bassin de production de la volaille du pays. Les autorités ont donné l’alerte dès le 6 février et, depuis lors, les professionnels du secteur avicole s’inquiètent des risques de propagation de la maladie. Une inquiétude réelle souligne Louis-Marie Kakdeu, président du Forum camerounais des services de conseil agricole (CAMFAAS), organisation de défense du monde agropastoral.
"Il y a risque de propagation parce que les mesures de biosécurité telles qu’érigées ne sont pas adéquates. Si on prend simplement le zonage, on aurait dû boucler un rayon de 10 kilomètres autour de la ferme affectée et procéder à l'abattage de tous les oiseaux qui s'y trouvent pour empêcher qu’ils sortent de ce périmètre-là, et aillent infecter ailleurs. Ce qui n’a pas été fait. Procéder simplement à l’abattage des cheptels concernés, comme prescrit par les autorités, ne limite pas totalement le risque de propagation rapide", s’inquiète-t-il au micro de Sputnik.
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L’inquiétude des professionnels du secteur

Joint au téléphone par Sputnik, Étienne Tedom, fermier dans la région à risque, ne cache pas son inquiétude: "Si la maladie se répand, ce sera la catastrophe. Nous avons tous peur ici, surtout quand on se souvient qu’il y a 5 ans, cette grippe nous a fait perdre toutes nos économies", confie-t-il. En effet, la filière avicole locale peine encore à se remettre des épizooties de grippe aviaire déclarées dans le pays cinq ans plus tôt. En 2017, la maladie très contagieuse qui touche particulièrement les oiseaux et volailles avait fait perdre près de 16 milliards de FCFA (environ 27 millions de dollars) aux opérateurs du secteur, selon les estimations de l’Interprofession avicole du Cameroun (Ipavic). Les aviculteurs ayant payé le plus lourd tribut sont ceux de la région de l’Ouest, qui pèse à elle seule 80% dans la filière avicole nationale. Une récidive de la même dimension serait, pense Louis-Marie Kakdeu, "une catastrophe de trop pour toute la filière avicole".
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"Il faudra s'attendre sur le plan économique à ce que beaucoup d'éleveurs quittent encore le secteur suite aux énormes pertes engendrées par la destruction de leur cheptel. Et sur le plan commercial, il faudra s'attendre à des inflations. Au moment où je vous parle, il n'y a plus assez de produits. Donc vous verrez qu'il y aura pénurie sur le marché, ce qui risque d’entrainer une inflation. Il faut se préparer à traverser des moments très difficiles", prévient le défenseur du monde agropastoral.

Parer au pire!

Pour limiter la propagation de la grippe dans la région et dans le reste du pays, le ministre en charge de l’Élevage, des pêches et de l’industrie animale, le Dr Taïga, a dans un arrêté institué des mesures urgentes, notamment "la mise en œuvre des opérations d’abattage sanitaire d’urgence dans les foyers identifiés, leur destruction par incinération et enfouissement sous contrôle des responsables des services vétérinaires avec l’appui des forces de maintien de l’ordre ".
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Par ailleurs, le ministre de l’Élevage prescrit l’érection de la barrière sanitaire au niveau des fermes, avec interdiction d’accès à toute personne non autorisée, pendant la période du déroulement des opérations d’abattage sanitaire et de désinfection des foyers. Cependant, prescrit Louis-Marie Kakdeu, le Cameroun doit travailler "à prévenir plutôt qu’à subir ces épizooties".
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"Il nous faut prendre des mesures préventives en amont comme le respect des mesures de biosécurité et c'est de la responsabilité du gouvernement de s'assurer que ces mesures-là sont respectées. Le Cameroun devrait par exemple être doté d'un laboratoire d'analyses des produits d'origine animale, qui interviendrait en amont. Ainsi tous les intrants qui viennent de l'étranger passeraient par là avant d’être utilisés et ce qui nous éviterait des infections comme celle-ci", suggère-t-il.
Selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le sous-secteur de la production avicole représente 1% du PIB du pays et couvre 14% des besoins en protéines animales. Les problèmes de santé animale constituent la principale entrave au développement de cette filière. Les maladies infectieuses sont à l’origine, précise la FAO, de 70% des pertes annuelles, surtout dans le secteur villageois.
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