Covid-19

Paxlovid, le médicament contre le Covid de Pfizer: une très incertaine "révolution thérapeutique"

Un tournant dans l’épidémie? Ce 4 février, le Paxlovid arrive dans les pharmacies françaises. Cet antiviral réduirait les risques d’hospitalisation et de décès, selon Pfizer. Le Dr Bégaud estime pourtant qu’il ne faut pas crier victoire trop vite.
Sputnik
Une pilule à prendre chez soi pour se soigner contre le Covid-19? C’est le pari du laboratoire Pfizer avec la commercialisation de son traitement antiviral oral Paxlovid. Après avoir été autorisé par la Haute autorité de santé (HAS) le 21 janvier dernier, le voici qui arrive dans les officines françaises ce 4 février. 10.000 premières doses de ce médicament, qui sera délivré sur ordonnance, sont disponibles. La France est d’ailleurs le premier pays dans l’Union européen à mettre sur le marché cet antiviral.
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Le géant pharmaceutique américain estime que sa pilule pourrait marquer un tournant, deux ans après le début de la crise sanitaire. D’après les essais cliniques menés sur plus de 2.000 patients aux États-Unis, le Paxlovid réduirait la gravité des infections et permettrait de diminuer de 85,2% le risque d’hospitalisation ou de décès. À condition de bien respecter la posologie, c’est-à-dire de prendre trois comprimés par jour pendant cinq jours, dans les trois à cinq jours après l’apparition des symptômes.

Des essais cliniques encourageants

Par ailleurs, la HAS indique que "le mécanisme d’action du Paxlovid laisse espérer une efficacité maintenue sur les différents ­variants, y compris Omicron". Et pour cause, composée de nirmatrelvir et de ritonavir (un antiviral contre le VIH), la pilule de Pfizer ne vise pas la protéine Spike, susceptible de muter, mais elle inhibe une protéase –c’est-à-dire une enzyme nécessaire à la réplication du virus. Le Paxlovid peut-il donc réellement changer la donne?
Contacté par Sputnik, le Pr Bernard Bégaud, pharmacologue et auteur de La France malade du médicament (Éd. de l’Observatoire), préfère se montrer prudent: "Il faut toujours regarder l’histoire car en pharmacologie, vous avez des classes [médicamenteuses, ndlr] ‘maudites’."

"Vous avez une exception magnifique qui est le sida où, grâce aux trithérapies entre autres, on a rendu la vie normale à des infectés. Hormis cet exemple fabuleux, c’est vrai que les antiviraux dans les contaminations de type coronavirus, rhinovirus, influenza ont toujours été décevants", indique le professeur de pharmacologie à l’Université de Bordeaux.

Il poursuit: "On a essayé des traitements antiviraux pour la grippe à l’apparition des premiers symptômes, on a abandonné."

Limiter l’utilisation aux personnes immunodéprimées

Néanmoins, le Pr Bégaud souligne que ce type de produit pourrait avoir un intérêt uniquement pour une population très précise telle que "les transplantés rénaux, les diabétiques ou les obèses, par exemple, qui ont déjà reçu quatre doses de vaccin". En clair, les catégories les plus à risque.

"Il faut bien cibler afin d’éviter les dérapages. Si, à chaque fois que vous êtes testé positif, vous devez prendre ce médicament, alors cela va ruiner l’Assurance maladie mais également provoquer des effets indésirables. Il ne faut pas oublier le rapport bénéfice/risque avec un traitement qui n’est pas un placebo", prévient-il.

La HAS a d’ailleurs précisé que le Paxlovid s’adresse aux personnes à risque (immunodéprimées ou très âgées), atteintes de certaines maladies rares, ou encore susceptibles de développer une forme sévère du virus.

Une liste de contre-indications longue comme le bras

Reste que la population cible de ce traitement devrait être restreinte. En effet, le Paxlovid est contre-indiqué pour les personnes souffrant d’insuffisance rénale sévère ou d’insuffisance hépatique, mais également pour les femmes enceintes. La HAS a aussi listé un nombre non négligeable d’interactions médicamenteuses. Ainsi, sous peine de faire des "réactions graves", il est déconseillé de prendre le Paxlovid avec notamment certains analgésiques, neuroleptiques, antihistaminiques et médicaments anticancéreux.
En outre, parmi les patients ayant participé à l’étude de Pfizer, 1,7% d’entre eux ont dû arrêter le traitement à cause d’effets indésirables tels que l’altération du goût (dysgueusie), des diarrhées et des vomissements. Autant d’éléments qui font dire au Dr Bégaud qu’il n’est pas certain que le Paxlovid "soit une révolution thérapeutique".

"Cela ne changera pas fondamentalement les choses", estime le pharmacologue.

Selon lui, pour lutter efficacement contre le Covid-19, il est nécessaire de respecter les gestes barrières "qui ont été totalement oubliés quand on voit monter les infections pour gastro-entérite, on sait ce que cela veut dire", glisse le Dr Bégaud. Par ailleurs, il juge qu’il faut continuer à utiliser les vaccins, "même s’ils ne sont pas parfaits" et enfin poursuivre l’amélioration des services de réanimation dans les hôpitaux.

"Les progrès que l’on a faits en réanimation avec l’anticoagulation, l’oxygénothérapie et les corticoïdes, ce que nous n’avions pas lors de la première vague, cela a changé totalement la perspective de la pandémie", se réjouit le Dr Bégaud.

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