Garanties de sécurité Russie-Otan

Pacte de sécurité avec Londres et Varsovie: les alliés de Kiev "n’en ont rien à foutre de l’Ukraine"

L’Ukraine a annoncé la création d’un pacte de sécurité trilatéral réunissant autour d’elle la Pologne et le Royaume-Uni, deux membres de l’Otan. Au fond, cette union ne ferait pas les affaires des Ukrainiens, selon un historien militaire.
Sputnik
Au micro de Sputnik, Laurent Henninger, historien militaire, n’y va pas par quatre chemins: "Ses alliés n’en ont rien à foutre de l’Ukraine." "Le peuple ukrainien est le dindon de la farce dans cette histoire, c’est lui qui est cocu. C’est atroce, d’ailleurs, car il ne le mérite pas", renchérit-t-il. La raison de cette réaction abrupte: l’annonce par Kiev de la création d’un pacte de sécurité trilatérale. Celui-ci réunirait l’Ukraine, la Pologne ainsi que le Royaume-Uni.
"Nous créons un nouveau format de coopération politique en Europe", a annoncé le 1er février, devant les élus de la Rada (le Parlement de Kiev), le Président Volodymyr Zelensky. Une coopération tripartite afin de "renforcer la sécurité régionale […] dans le contexte de l'agression russe", précise de son côté le Premier ministre ukrainien, en compagnie de son homologue polonais, Mateusz Morawiecki. "C'est un moment où toute l'Europe et le monde occidental doivent s'unir autour de la cause de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine", déclare alors ce dernier.

Nouvelle "martingale" antirusse

Cet énième accord s’inscrit dans la droite ligne de la politique extérieure de Kiev. Celle-ci consiste à nouer de "petites alliances", comme le précisera plus tard dans la journée le ministre ukrainien des Affaires étrangères sur Facebook.
Ce format tripartite rappelle celui du Triangle de Lublin, créé en juillet 2020 entre Varsovie, Kiev et Vilnius afin de pousser à l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et l’Otan. Signé dans la ville polonaise de Lublin, ce traité est une claire allusion historique à l'Union de Lublin, qui au XVIe siècle actait la réunion sous une même couronne du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. À son apogée, la République des deux Nations couvrait les territoires occidentaux de l’actuelle Ukraine.
Pour autant, en termes de conséquences géopolitiques, l’émergence de cett alliance n’est pas à prendre à la légère. Via ces différents formats, Kiev a ainsi la possibilité de voir des soldats d’États membres de l’Alliance atlantique être déployés sur son sol. Ainsi était créée sous l’égide de l’Otan la brigade commune LITPOLUKBRIG. Depuis janvier 2017, elle est censée regrouper 4.000 soldats polonais, lituaniens et ukrainiens.
"Il y a toujours un engrenage avec les alliances", concède Laurent Henninger, bien qu’il estime peu probable que Britanniques ou Lituaniens parviendraient à entraîner toute l’Alliance dans un conflit ouvert avec la Russie. Une éventualité qu’il estime plutôt improbable, autant à travers cette nouvelle "martingale" antirusse, que de manière plus générale. "S’ils en sont réduits à imaginer des combinaisons aussi fragiles, ils ne sont pas en bon état", pense l’historien.
"Je peux vous prévenir que, même si un jour les Américains ou les Anglais invoquent l’article 5, il y a tout un tas de pays de l’Otan qui refuseront de marcher dans la combine", est-t-il persuadé.
Notre intervenant oppose ainsi à ce risque d’"engrenage" celui de "trahison", rappelant que les Occidentaux n’ont pas particulièrement une bonne réputation d’alliés. Clin d’œil à l’abandon de la Tchécoslovaquie par la France et le Royaume-Uni face à l’appétit du troisième Reich. "C’est quand Staline a vu à quel point les Occidentaux n’étaient pas fiables, pour défendre la Tchécoslovaquie, qu’il a préféré faire un pacte de non-agression avec Hitler", rappelle l’historien militaire.

L’armée polonaise, capable et parée au combat

En cas d’ouverture du feu entre Ukrainiens et Russes, Laurent Henninger s’inquiète davantage des conséquences que pourrait avoir un engagement des forces polonaises.
"En Europe centrale et orientale c’est l’armée la plus puissante, hormis les Russes", souligne l’analyste qui ne tarit pas d’éloges à l’égard d’une armée moderne, mais surtout dont les hommes sont prêts au combat. Une véritable "revanche" prise sur l’Histoire par l’armée polonaise, aujourd’hui "plus puissante" que sa voisine allemande qui rechigne à l’engagement, tient-il à préciser.
"Elle ne serait pas suffisante pour envahir la Russie, mais suffisante pour lui foutre une ou deux pâtées", avance Laurent Henninger, "lui faire payer le prix cher" en cas d’affrontements en Ukraine.
Cette armée "tout à fait respectable", couplée à une élite politique "hystériquement antirusse" font que, aux yeux de notre intervenant, la Pologne peut représenter "un réel danger" d’embrasement à l’Est. Surtout que Varsovie s’inscrit aujourd’hui dans une "posture et un état d’esprit offensif". Malgré tout, l’hystérie antirusse de Varsovie peinerait à égaler celle de Londres.
Participant à la nouvelle alliance, la Grande-Bretagne n’est certes militairement "plus ce qu’elle était", elle n’en reste pas moins détentrice du feu nucléaire. Ce concours britannique, aux yeux d’Henninger, pourrait être un moyen d’aider Washington dans la région en effectuant des mouvements de troupes et de moyens militaires que Joe Biden ne peut pas se permettre actuellement.
Par ailleurs, aux yeux de notre intervenant, les commandants Britanniques auraient conservé toute l’audace et l’agressivité qui firent les heures de gloire de la Royal Navy. En témoigne le passage en juillet 2021 du Destroyer HMS Defender dans les eaux territoriales russes au large de la Crimée, rechignant à dévier sa route sous les coups de semonces des chasseurs bombardiers Su-24.
Il n’est donc pas dit que, s’ils comptent préserver leur sécurité, les Ukrainiens aient tiré les bons numéros…
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