"Dans la police, on voit le revers de la société": les policiers confrontés à leurs pensées noires

Le stress post-traumatique des policiers n'est pas suffisamment pris en compte et les membres des forces de l'ordre ne sont pas assez accompagnés, témoignent certains d’entre eux. Dans le contexte de multiples suicides d’agents, le ministère de l’Intérieur se penche sur des dispositifs d’aide.
Sputnik
Le mois de janvier a été marqué par une vague de suicides dans la police: 11 policiers se sont donné la mort depuis le début de l’année. Qu’est-ce qui les amène à commettre ce geste irréparable?
Magali, ancienne policière, qui a fait plusieurs tentatives de suicide, témoigne de la réalité du métier.

"On est confronté qu'à la misère des gens, à la souffrance des gens, à la détresse des gens. Des accidents, des violences conjugales, des violences intra-familiales", énumère la policière auprès de BFM TV dans un reportage diffusé ce 2 février.

Elle dresse un bilan désastreux: "C'est quand on arrive sur une intervention et qu'on se sent impuissant. On rentre à la maison et on se dit 'je vais décompresser, je vais boire un verre', et après on passe à deux verres et un soir qui n'est pas comme un autre, on a bu un peu trop et on prend des cachets".

Le stress accumulé

Les policiers sont ainsi confrontés à un syndrome de stress post-traumatique par accumulation qui fragilise et conduit à la dépression, développe auprès de Franceinfo Christophe Girard, policier et co-fondateur de SOS Police en détresse, une association d’entraide entre policiers.

"Dans la police, on voit le revers de la société. Il y a une accumulation de stress post-traumatiques qui fragilisent, peu à peu", confirme Vanessa, une membre de SOS Police en détresse auprès du Figaro.

Le manque d’accompagnement

Pour Magali, la détresse des policiers n'est pas suffisamment prise en compte, ils ne sont pas assez accompagnés. Elle se souvient d’une seule "grosse" réunion au cours de laquelle "on a fait un débrief en groupe d'une demi-heure avec un psychologue et c'est terminé, personne n'en parlait plus derrière".
Et ce, alors que 24% des policiers ont eu des pensées suicidaires ou entenduleurs collègues évoquer de telles pensées au cours des 12 derniers mois, selon un sondage réalisé début 2021 par YCE Partners.

En ce qui concerne l’accompagnement, "il faudrait deux entretiens annuels, au minimum, avec un psychologue pour vider son sac. Dans l’idéal, il faudrait un psychologue de proximité qui intègre chacun des services", insiste auprès du Figaro Vanessa, de SOS Police en détresse, dont le mari policier s’est suicidé en 2018.

Pistes pour prévenir ce geste fatal

Ces dernières semaines, les réunions se sont multipliées au sein du ministère de l’Intérieur concernant les dispositifs d’aide aux policiers en détresse.
Les 20 et 21 janvier, le directeur général de la Police nationale, Frédéric Veaux, a reçu syndicats et associations à ce sujet. Il a été décidé d'accélérer l'extension du réseau "Sentinelles", un dispositif de repérage par des policiers qui veillent sur leurs pairs. Ces agents sont formés à la détection des personnes en situation de fragilité.

"Ce qui est ressorti de cette réunion c'est un constat. Et c'est le même depuis des années. On a un problème pour repérer les collègues qui vont mal", avance Benoit Aristidou, délégué SGP Police pour la zone Nord, présent à l’une des réunions, auprès de France Bleu.

Parmi d’autres pistes, la nécessité de la pratique sportive (deux heures minimum par semaine) et de renforcer la médecine de prévention a été également évoquée, d’après l’AFP.
Ce 4 février, une autre rencontre est prévue, cette fois entre Gérald Darmanin et les syndicats de policiers et deux associations de soutien.
En moyenne, 45 policiers se donnent la mort chaque année depuis 1993, selon les chiffres du Service d’information et de communication de la police (SICOP). 2019 a été une année particulièrement noire pour la profession: 59 fonctionnaires s'étaient donné la mort (la pire étant 1996, avec 71 suicides d’agent). En 2021, ils étaient 35.
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