Y a-t-il des alternatives au gaz russe pour l’Europe? Des analystes décrivent des scénarios

Derrière les promesses des États-Unis de remplacer le gaz russe pour les Européens et les discussions sur le GNL ne sont cachés que des enjeux politiques, expliquent deux analystes du secteur à Sputnik, jugeant qu’il n’est pas possible de remplacer la Russie sur le marché gazier européen dans le contexte géopolitique actuel.
Sputnik
Les tensions qui persistent autour de l’Ukraine alimentent les discussions sur les livraisons de gaz russe en Europe. Les États-Unis ont à maintes reprises avancé l’idée que la Russie lancerait une agression contre l’Ukraine, ce qui devrait conduire à l'adoption de nouvelles sanctions américaines et européennes contre Moscou. Face à ce scénario, qui pourrait perturber les livraisons de gaz en Europe alors que ses stocks gaziers souterrains sont à des niveaux très bas cette année, les Européens réfléchissent à des alternatives au gaz russe. Mais existent-elles dans la conjoncture géopolitique actuelle?

"En fait, c'est impossible, car nous parlons d'un remplacement du gaz russe dès maintenant, en février […]. Les discussions sur le gaz naturel liquéfié ne sont qu'une tentative des Américains pour rassurer les Européens", explique à Sputnik Igor Iouchkov, analyste du Fonds russe de la sécurité énergétique nationale.

Il rappelle que la presse britannique a déjà écrit sur les craintes qui existent en Europe à propos des livraisons de gaz que la Russie pourrait couper en réponse à de sévères sanctions économiques.
Auparavant, les États-Unis avaient annoncé leur intention de trouver d'autres sources d’or bleu pour l'Europe au cas où le transit russe par l'Ukraine serait interrompu.

"L'an dernier, la Russie a fourni à l'Europe environ 175 milliards de mètres cubes de gaz. Elle est à la fois le premier exportateur de gaz au monde et le premier fournisseur de gaz à l'Europe. C'est pourquoi il est actuellement impossible de remplacer le gaz russe. Pour ce faire, il faudrait que quelqu'un d'autre augmente sa production dans les mêmes proportions", ajoute l’expert.

"Un jeu politique"

Pour Vladimir Demidov, analyste international du marché des ressources et de l'énergie, les promesses des États-Unis de trouver des alternatives pour l’Europe et de remplacer le gaz russe par du gaz naturel liquéfié (GNL) relèvent plutôt d’enjeux politiques, si l’on parle des perspectives à court terme.

"Il s'agit plutôt d'un jeu politique. L'infrastructure n'est pas prête, et elle ne le sera que dans cinq à 10 ans, car il faut ériger des terminaux d'une capacité de trois ou quatre fois supérieure à celle des terminaux actuels et il faut aussi construire la flotte", liste l’expert, à la question de savoir si les livraisons de GNL pourraient remplacer aujourd’hui le gaz russe pour l’Europe.

Et si l'Europe se tournait à la Norvège ou à l'Algérie?

Les gazoducs en provenance de Norvège ou d'Algérie ne sont non plus une alternative, expliquent les experts, puisque ces pays ne disposent ni de capacités de production supplémentaires, ni d’une infrastructure à une telle échelle pour remplacer le gaz russe.
La production de la Norvège est en baisse et ce pays ne peut pas l’augmenter, tous ses gisements étant en déclin. Ainsi la Norvège ne sera pas en mesure de remplacer même une partie du gaz russe, conclut l’analyste international Vladimir Demidov.
"Il en va de même pour l'Algérie. Même si elle investit dans le développement de nouveaux gisements, il faut construire l'infrastructure", ajoute-t-il.

Le GNL, une alternative réelle ou non?

Une alternative au gaz russe pourrait être le GNL évoqué et promu par les États-Unis. Pourtant les spécialistes interviewés par Sputnik estiment que l'Europe ne serait pas en mesure de subvenir entièrement à ses besoins avec du GNL dans la situation géopolitique actuelle.

"C'est en Asie du Sud-Est que le prix du GNL est le plus élevé à l'heure actuelle. Qui plus est, ni le Qatar, ni les États-Unis, ni l'Australie ne disposent de navires de transport disponibles et prêts à être expédiés en Europe. Les compagnies devront ainsi sacrifier leurs marges élevées en Asie du Sud-Est pour détourner ces navires vers l'Europe", note Vladimir Demidov.

En outre, il ne suffit pas de détourner les approvisionnements de GNL vers l'Europe, rappelle Igor Iouchkov, analyste du Fonds russe de la sécurité énergétique nationale.
Tous ces pays "doivent alors tous ensemble augmenter leur production pour couvrir le volume actuellement fourni par la Russie. S'ils ne font que se détourner des marchés asiatiques vers les marchés européens, les prix vont augmenter. Le GNL va toujours là où le prix est le plus élevé".
De l'avis de M.Iouchkov, pour attirer le GNL en masse en Europe, les États-Unis, qui promettent de le faire, devraient alors trouver un moyen d'attirer les fournisseurs en Europe.

"Les États-Unis ne peuvent pas dire même à leurs propres entreprises où fournir du gaz, sans parler du Qatar et d'autres pays. Ils devraient alors créer un effet de stimulation, les prix devraient être plus élevés en Europe", ajoute-t-il.

Selon l’analyste du Fonds russe de la sécurité énergétique nationale, actuellement "tout le monde produit déjà autant qu'il peut parce que les prix sont déjà élevés et qu'il y a une pénurie, tout le monde veut faire de l'argent, personne n'a de réserves pour augmenter la production". Il est impossible d'augmenter la production autant que l'offre de la Russie.
Ainsi, toutes ces discussions et promesses concernant le remplacement du gaz russe en totalité ou en partie pour les Européens ne sont qu’"une tentative des Américains d'apaiser l’Europe", conclut-il.
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