Le prix du baril au plus haut depuis sept ans: l’Iran, "joker" de la production de pétrole en 2022

Le cours de pétrole a atteint son plus haut niveau en sept ans. La signature d’un nouvel accord sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions américaines pour Téhéran pourrait significativement faire baisser le coût du brut. Explications.
Sputnik
90 dollars le baril, du jamais-vu depuis plus de sept ans. Un coût énergétique qui a été l’un des principaux moteurs de la plus forte inflation aux États-Unis (+7%) et en Europe (+5%) depuis une génération. En raison de la progression incessante du prix du brut, les tarifs explosent: logement, énergie, voitures, frais de port, tout y passe, ou presque. Et cette augmentation du pétrole pourrait ne pas aller en s’arrangeant. Certains analystes, notamment chez Goldman Sachs, prédisent qu’il pourrait rapidement dépasser les 100 dollars.
Bien sûr, les marées de Covid à travers la planète ont troublé l’offre et la demande. L’incertitude, notamment celle liée aux restrictions des différents États, soumet le secteur de l’énergie à de violentes variations. "Le Covid a tout bouleversé", explique ainsi Andrew Gross porte-parole de l’AAA dans les colonnes de Business Standard. "Il a même rendu le manque de prévisibilité encore plus imprévisible."

Frappes aux Émirats arabes unis et situation en Ukraine

À cela se sont ajoutées les interruptions de production "en Libye, au Nigeria, en Angola, en Équateur et, plus récemment, au Canada en raison du froid extrême", affirme Hussein Sayed, analyste chez Exinity, cité par Ouest-France. Néanmoins, "les marchés restent concentrés sur l’équilibre délicat entre l’offre et la demande, qui semble avoir un impact assez conséquent sur les fluctuations de prix tout au long de la reprise économique post-pandémie", remarque Walid Koudmani, analyste chez XTB.
Mais c’était sans compter sur les tensions géopolitiques. Ce mois de janvier, les deux attaques successives des rebelles yéménites houtis sur les Émirats arabes unis, important producteur de brut, ont participé à faire grimper les cours de manière exorbitante. Après ces événements, le prix du Brent a augmenté de 1%, atteignant 87,22 dollars. Son niveau le plus haut depuis sept ans. Les tensions actuelles en Ukraine avec la Russie contribuent également à la hausse du baril. En effet, l’éventualité d’une rupture partielle ou totale de l’approvisionnement russe en raison de sanctions économiques influe mécaniquement sur les marchés.
Pourquoi les prix du baril de pétrole sont-ils au plus haut depuis 2014?
Face à cette situation, le retour à un cours plus raisonnable passe probablement par Vienne, affirment les analystes de la Bank of America. En 2018, sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis s’étaient retirés de l’accord sur le nucléaire. Le Président républicain avait ensuite réimposé des sanctions écrasantes à l’Iran, l’empêchant notamment de produire et vendre son pétrole et son gaz. L’administration Biden, plus favorable à un accord, a repris en novembre à Vienne les négociations avec Téhéran.

Le retour de l’Iran, synonyme de chute du baril

Selon les analystes de la banque américaine, le retour du mastodonte iranien sur les marchés est le "joker" de 2022. C’est même "le plus grand risque qui plane sur les cours pétroliers", expliquent-ils. Ce qui rassurerait les consommateurs inquiète du coup les producteurs:
"De l’Arabie saoudite à la Russie, tout le monde est inquiet. Toute l’OPEP [Organisation des pays exportateurs de pétrole, ndlr] est concernée. Le retour de l’Iran sur les marchés, cela veut dire l’effondrement du prix du baril", analysait au micro de Spuntik Pierre Fabiani, délégué Iran d’Evolen, association française des sociétés et des professionnels de l’or noir et du gaz, et représentant du groupe Total en Iran de 2004 à 2008.
En effet, entre la levée des sanctions à la suite de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 et la remise en place de l’embargo en 2018, la production iranienne de pétrole oscillait entre 3 et 4 millions de barils par jour, selon l’OPEP.
Production iranienne de pétrole de 2011 à 2019.
Depuis, l’Iran produit environ 2,5 millions de barils par jour (mb/j). On estime que le pays écoule actuellement environ 600.000 b/j vers l’étranger, essentiellement en Asie pour la Chine, et dans le reste du monde à travers le marché noir. Toutefois, un retour de tous les partis dans l’accord sur le nucléaire iranien, accompagné d’une levée des sanctions sur l’Iran, bousculerait la donne.
Selon l’ex-représentant de Total en Iran, à partir du moment où Téhéran aura le feu vert, "ils reprendront la production à des niveaux élevés".
"Peut-être pas à 4,5 millions de barils par jour, mais pas loin", affirme-t-il
Téhéran pourrait ainsi vendre une partie des quelque 80 à 90 millions de barils qu’il détient en stock, dont une grande part se trouve sur son principal marché, l’Asie. Dans le même temps, il augmenterait la production des champs pétroliers. Celle-ci pourrait passer d’environ 2,5 mb/j –essentiellement consommés par les entreprises locales– à 3,8 millions dans les six mois, selon l’Agence internationale de l’énergie. Ce phénomène provoquerait "une chute significative du cours du brut".
Bien sûr, d’autres facteurs pourraient maintenir son prix élevé. Notamment la reprise de l’activité post-Covid qui ferait grimper la demande ou encore les tensions géopolitiques en Europe de l’Est qui limiteraient l’offre. Néanmoins, il est certain, selon Pierre Fabiani, que le retour de l’Iran sur les marchés pétroliers serait un bouleversement énorme et contribuerait mécaniquement à faire baisser le tarif en raison de l’offre iranienne massive.
De quoi donner des idées à Joe Biden, qui a toujours autant de mal à contrôler les prix à la pompe aux États-Unis, qui ne cessent de progresser depuis près d’un an. Au mois de juin dernier, son administration avait levé une série de sanctions sur des officiels iraniens ainsi que des compagnies liées à l’énergie. En novembre, le Président américain aurait même envisagé un second volet de levée de sanctions iraniennes… pour augmenter l’offre sur les marchés. Dollar par dollar, point par point, le cours du brut aura peut-être raison des sanctions américaines sur l’Iran.
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