Alors que Jean Castex doit se rendre jeudi à Auschwitz pour commémorer le 77e anniversaire de la libération du camp de concentration, une étude Ifop pour l’American Jewish Committee (AJC) et la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) indique que l’antisémitisme est toujours bien ancré dans l’Hexagone.
En effet, 85% des Français juifs et 64% de l’ensemble des Français estiment que ce phénomène est répandu en France. Les raisons les plus citées de ce ressentiment sont le rejet d’Israël et les idées islamistes, tandis que les théories du complot et les idées d’extrême droite arrivent respectivement troisièmes et quatrièmes.
La communauté juive se déclare quant à elle toujours exposée aux actes antisémites, qui peuvent aller jusqu’à la violence physique. 68% des juifs français ont affirmé avoir été la cible de "moqueries désobligeantes ou de propos vexants" et 50% plusieurs fois. 28% ont reçu des menaces et insultes sur les réseaux sociaux en raison de leur religion et 18% d’actes de violences physiques.
Signes distinctifs
Près de trois quarts des juifs français (73%) estiment que l’antisémitisme est en progression depuis une dizaine d’années, ce qui pousse certains à dissimuler leur religion. Un tiers admet éviter de porter une kippa dans la rue et la moitié évite d’évoquer son appartenance religieuse dans une discussion.
Un comportement davantage conseillé aux enfants, lesquels sont 60% à rapporter avoir été victimes d’une agression à caractère antisémite à l’école.
"En Seine-Saint-Denis, dans certains quartiers parisiens, les familles en viennent à quitter l’enseignement public, c’est bouleversant", déplore auprès du Parisien Simone Rodan, directrice de la branche européenne de l’AJC et coautrice de cette Radiographie de l’antisémitisme en France, édition 2022.
Réelle progression?
Toujours d’après ce rapport, les Français ayant admis éprouver de l’antipathie pour les juifs ne représentaient "que" 5% de la population, un chiffre en diminution par rapport à 2016 (9%). Le sentiment d’hostilité à l’égard des musulmans (21%) et des Roms (34%) est bien plus répandu, souligne-t-il.
Outre les quelques incidents antisémites relatés en 2020 et 2021, le sujet était réapparu dans le cadre de pancartes brandies lors de manifestations contre le pass sanitaire en août dernier. Certaines affichaient la question "Mais qui?", en référence à une théorie complotiste selon laquelle la communauté juive contrôle une grande partie des médias.
Dans la sphère politique, Éric Zemmour, bien que de confession juive, a fait face à des accusations d’antisémitisme pour ses propos sur Pétain et le régime de Vichy, notamment par le grand rabbin de France Haïm Korsia. Dans la foulée, Jean-Luc Mélenchon a subi les mêmes foudres après avoir déclaré que l’ancien polémiste reproduisait "beaucoup de scénarios culturels" liés au judaïsme et qu’il n’était dès lors pas antisémite.
Profil type?
Enfin, les préjugés antisémites ne semblent pas toucher unanimement toutes les parties de la population. L’analyse indique que les personnes de plus de 65 ans, en particulier les hommes, sont "plus enclines à nourrir des préjugés contre les juifs". Les préjugés antisémites relatifs au pouvoir financier étaient présents chez un tiers des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de ceux de Marine Le Pen, soit plus que dans la population générale (26%).
Le sentiment d’antipathie pour les juifs monte à 15% chez les Français musulmans, soit trois fois plus que dans l’ensemble de la population française. Ils sont plus de la moitié à penser que les juifs ont une mainmise particulière sur les médias (54%), l’économie et la finance (51%). Cela pose notamment un problème dans l’enseignement de la mémoire de la Shoah, où les professeurs d’histoire rapportent de plus en plus de difficultés sur les 20 dernières années.