L’on avait rarement vu pareille mobilisation autour d’un autre sport que les matchs de foot au Cameroun. Alors que le pays accueille la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et que les Lions indomptables sont au centre de toutes les attentions, un autre événement sportif est venu le temps d’une nuit cristalliser toutes les attentions. En effet, dans la nuit du 22 au 23 janvier, de nombreux Camerounais à travers le pays avaient pris rendez-vous devant leur téléviseur pour regarder Francis Ngannou, la nouvelle star des sports de combat, défendre sa ceinture face à Ciryl Gane, lors d'un affrontement d'arts martiaux mixtes (MMA) disputé à Anaheim, en Californie.
De Batié dans l’ouest du pays, sa région natale, à Douala, comme dans les principales villes du pays, des dispositions particulières ont été prises pour ne rien manquer à ce combat. Des fans zones circonstancielles ont même été aménagées pour l’événement. Beaucoup y ont passé toute la nuit, même si le combat s’est finalement déroulé au petit matin (5h GMT) du dimanche 23 janvier.
La fierté de toute une nation
Si Francis Ngannou avait habitué son public aux affrontements expéditifs, c'est finalement au bout des cinq reprises, très serrées, et moins spectaculaires, que l’ancien migrant camerounais, s'est imposé face à Ciryl Gane (première défaite en 11 combats). Une victoire qui confirme son statut de roi incontesté des poids lourds de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus grande ligue de MMA. Un sacre vécu dans le pays comme un concert et unanimement salué dans un contexte de division nationale. D’ailleurs dans un tweet, au matin de la victoire, Paul Biya, Président de la République du Cameroun a salué le "Fighting Spirit" de ce citoyen, qui "porte haut la nation tout entière".
Pour Franck Erick Diffo, journaliste sportif et directeur de publication du site d’information Sport-vibes, cette nouvelle performance de Francis Ngannou est la preuve de sa maturité dans ce sport.
"Il a longtemps été présenté comme incapable d'aller au bout des 5 rounds et là il l'a fait avec brio, et surtout on a vu qu'il avait amélioré son jeu au sol. Il est clair que Francis Ngannou est plus que jamais le patron de sa catégorie au MMA et le sera encore pour longtemps", analyse-t-il au micro de Sputnik.
Dans les rues du pays comme sur les réseaux sociaux, on ne tarit pas de fierté et d’éloges, au lendemain de cette victoire. De simples citoyens aux personnalités publiques, le Cameroun célèbre son champion. Pour Gregoire Owona, ministre du travail et vice-président du comité national olympique et sportif, cette victoire "fait la fierté de son pays, de notre pays" et permet d’offrir "le rêve à la jeune génération, sur fond des valeurs du travail et de la combativité".
Au-delà de l’euphorie, souligne Franck Erick Diffo, le Cameroun devrait "capitaliser sur de telles prouesses pour faire naître une race de vainqueurs dans les sports dit mineurs".
"Malheureusement le sport en général au Cameroun se meurt chaque jour un peu plus…Ce n’est pas le premier sport qui connaît un champion pareil. Plusieurs disciplines ont connu ces champions spontanés que le pays n’a pas su capitaliser. Seules des initiatives privées aujourd'hui peuvent permettre de capitaliser ces victoires de Francis Ngannou pour développer la discipline comme le champion du monde le fait déjà lui-même avec les entreprises qui l'accompagnent", se désole l’analyste sportif.
Âgé de 35 ans, Francis Ngannou, affectueusement appelé "le prédateur", compte désormais 17 victoires pour trois défaites. Il est ainsi l'homme à battre dans la catégorie des poids lourds. Un exploit inimaginable pour ce colosse (1,93 m, 113 kg) qui a quitté son Cameroun natal en 2013 pour Paris, où il a été sans papiers durant plusieurs années.