CAN 2022: les Sénégalais divisés et inquiets sur leur équipe nationale

"Lamentable", "insipides", "affligeants"… La presse sénégalaise a été impitoyable envers l’équipe nationale après le match de mardi face au Malawi durant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui se tient au Cameroun depuis le 9 janvier. Au cœur des critiques, un entraîneur au bilan pourtant positif mais au plan de jeu minimaliste.
Sputnik
En cette période de Coupe d’Afrique des nations (CAN), laquelle a lieu au Cameroun depuis le 9 janvier, il est fréquent de capter dans les quartiers de Dakar des bribes de discussions relatives aux "Lions de la Teranga", surnom donné à l’équipe nationale de football. Au cœur de ces échanges dont certains sont agrémentés de séances de thé, une ritournelle s’est imposée: le jeu collectif de l’équipe que certains rapprochent du néant, même au niveau des techniciens avertis, locaux ou étrangers. Des critiques qui peuvent sembler d’autant plus surprenantes que le Sénégal est, par ailleurs, leader du classement Afrique de la Fédération internationale de football (FIFA).

"Cette première place n’est pas volée pour cette équipe qui est parmi les plus régulières depuis trois ans. Aujourd’hui, elle arrive à gagner des matches qu’elle aurait perdus il y a quelque temps. C’est le signe qu’il y a du bon dans la stabilité puisque cela a permis au coach de s’améliorer sur certains aspects mais aussi à l’équipe de gagner en expérience à tel point qu’elle parvient à se tirer de situation mal embarquées. (…) Maintenant, la question que tout le monde se pose est comment cette équipe va se comporter quand l’adversité sera plus forte que face au Malawi, à la Guinée et au Zimbabwe. Il y a un gros point d’interrogation à ce niveau car on a une équipe totalement imprévisible", analyse pour Sputnik depuis Bafoussam, au Cameroun, le journaliste Babacar Ndaw Faye, rédacteur en chef du groupe de presse sénégalais emedia et observateur attentif des "Lions" depuis plusieurs années.

Pour lui, "c’est quasiment un miracle que le Sénégal soit sorti premier de sa poule", ce qui, a contrario, installe "un motif d’espérance" pour la suite de la CAN. Mais cela n’évacue pas pour autant les "frustrations" nées de l’accumulation de prestations moyennes d’une équipe "qui ne dispose [pourtant] que de footballeurs de qualité".

"Les critiques ne peuvent manquer parce que le pays attend un sacre continental depuis fort longtemps au moment où il possède une génération en or. Il est donc si peu concevable que le Sénégal joue un football si pauvre. Ce que j’ai compris du sélectionneur national Aliou Cissé, c’est qu’il a un problème de casting. Ce qui fait office de système de jeu pour lui, c’est du chinois. Une sélection doit se faire en fonction des performances des joueurs dans leurs clubs respectifs et des caractéristiques du jeu ou du système de jeu qu’il se propose de mettre en place", réagit Chérif Sadio, directeur du développement du Casa Sports de Ziguinchor, un club de première division sénégalaise, interrogé par Sputnik.

Au cœur des polémiques sénégalaises autour des "Lions", un nom revient sans cesse comme une ritournelle incontournable, celui du coach. Aliou Cissé, Franco-sénégalais formé au Paris-Saint Germain et devenu sélectionneur après une modeste carrière professionnelle, est le réceptacle de toutes les critiques depuis 2015. Par le silence, il fait face aux sarcasmes de ses contempteurs qui pointent son "incompétence" et son "incapacité" à donner cohérence et identité à son équipe. Babacar Ndaw Faye cite par exemple "son entêtement à perpétuer un système tactique qui lui a réussi l’année dernière mais qui ne pouvait pas prospérer en ce début de CAN parce que les éléments moteurs qui peuvent porter ce système et le rendre efficace ne sont pas là", en référence aux absences, blessures et maladies ayant frappé certains cadres de l’équipe.
Finaliste malheureux de la CAN égyptienne en 2019 contre l’Algérie, le Sénégal est dans le lot des principaux favoris de l’édition camerounaise. "S’il faut trouver un motif d’espérance, on dira qu’on ne peut faire pire que ce que nous avons montré jusqu’ici. On devra forcément monter en puissance quand toutes les forces de l’équipe retrouveront leur rythme", souligne Babacar Ndaw Faye.
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"Aujourd’hui, les supporters sénégalais sont divisés en deux camps et chaque camp a raison. Il y a ceux qui ne sont intéressés que par la victoire peu importe la manière de jouer, et ceux pour qui la finalité qu’est la victoire est indissociable du contenu et de la manière. En réalité, cette équipe n’a pas d’identité de jeu, encore moins d’automatismes, et elle traîne tellement de lacunes qu’il est difficile de savoir ce que veut réellement le coach à part gagner", s’interroge Chérif Sadio

Après ce premier tour compliqué où ils n’ont marqué qu’un seul but mais sans en avoir encaissé, les "Lions" peuvent espérer reprendre leurs bonnes vieilles habitudes consistant à dominer les "petites" nations. Leur adversaire des huitièmes de finale, le voisin du Cap-Vert, est considéré comme étant à leur portée si le potentiel offensif s’exprime avec efficacité. Pour le coach Cissé, cette rencontre pourrait être la véritable entrée du Sénégal dans cette CAN. Ou peut-être une sortie par la petite porte.
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