En 2017, après la défaite d’Hillary Clinton à une élection qui lui était acquise, selon l’écrasante majorité des médias et des observateurs, l’ex-secrétaire d’État déclarait que sa carrière de "politicienne active" était terminée. Mais l’on a beau chasser le naturel, ce dernier a une fâcheuse tendance à revenir au galop.
Et pour le scrutin américain de 2024, "Hillary Clinton veut la nomination", affirment le sondeur Doug Schoen et l’ancien président démocrate du conseil municipal de New York, Andrew Stein, à l’origine d’une tribune publiée dans le réputé Wall Street Journal. Titré "Le retour électoral d’Hillary Clinton en 2024", ce papier d’opinion a fait l’effet d’un pavé dans la mare outre-Atlantique.
La prédiction des deux auteurs de la tribune part d’un constat: la situation politique actuelle fait d’elle la candidate naturelle à la présidence américaine en 2024. "La faible cote de popularité du Président Biden, les doutes sur sa capacité à se représenter à 82 ans, l’impopularité de la vice-Présidente Kamala Harris et l’absence d’un autre Démocrate fort pour mener le ticket en 2024 ont créé un vide de leadership dans le parti, que Mme Clinton pourrait combler", écrivent-ils. Ainsi, "une tempête parfaite au sein des Démocrates rend plausible un scénario autrefois impensable: un retour politique d’Hillary Clinton en 2024". Elle aura alors 76 ans. Et Doug Schoen et Andrew Stein d’embrayer sur trois qualités majeures.
Hillary Clinton, la "candidate du changement"
D’abord, elle aurait l’expérience pour être Présidente des États-Unis. En effet, du Sénat au secrétariat d’État, l’épouse de Bill Clinton connaît les rouages de Washington aussi bien, voire mieux, que n’importe quel autre candidat potentiel à l’élection de 2024. Toutefois, tempère Chris Cilliza, analyste politique de CNN, "c’était vrai quand elle s’est présentée à la présidence en 2016 et même en 2008 alors qu’elle n’était pas encore secrétaire d’État!". Or, "elle a perdu ces deux campagnes", rappelle-t-il.
Autre facteur plus surprenant justifiant une candidature d’Hillary Clinton: elle serait la candidate du "changement". "Si les Démocrates perdent le contrôle du Congrès en 2022, Mme Clinton pourra argumenter de l’échec de son parti pour se représenter à la présidence, ce qui lui permettra de revendiquer le titre de ‘candidate du changement’", écrivent Doug Schoen et Andrew Stein.
"Les Démocrates font le choix des vieilles recettes"
Une prise de position étonnante tant Hillary Clinton représente depuis de nombreuses années la figure du statu quo politique outre-Atlantique. "Peu de personnes incarnent l’establishment politique mieux qu’Hillary Clinton", écrit dans les colonnes de la BBC le correspondant new-yorkais Nick Bryant. Même son de cloche chez Nicolas Conquer, porte-parole des Republicans Overseas:
"Les Démocrates font le choix des vieilles recettes en élisant la candidate de l’establishment par excellence", résume-t-il au micro de Sputnik France.
Raison finale, et peut-être la plus importante, pour laquelle la secrétaire d’État de Barack Obama serait potentiellement la candidate démocrate en 2024: elle le veut. La preuve que les auteurs de la tribune du Wall Street Journal mettent en avant pour défendre leur thèse est une interview que Clinton a donnée à Willie Geist de NBC à la fin de l’année dernière. "Je pense qu’il est temps de réfléchir attentivement à ce qui permet de remporter les élections, et pas seulement dans les districts à forte concentration de population où un Démocrate et un Démocrate libéral, ou un soi-disant Démocrate progressiste, vont gagner", indiquait la candidate malheureuse à l’avant-dernière élection présidentielle.
Selon Doug Schoen et Andrew Stein, cette déclaration est une manière de dire que seule une candidate centriste, capable de parler aux Républicains modérés, pourrait faire basculer les fameux "swing States" (États pivots) en faveur des Démocrates. Or, avec un Biden en berne dans les sondages qui perdrait le Congrès et le Sénat, l’épouse de Bill Clinton serait la seule candidate centriste avec un profil national capable de remporter le scrutin en 2024.
Duel Trump-Clinton en 2024?
En 2016, Hillary Clinton, grande favorite, s’était inclinée face au magnat de l’immobilier. Son caractère clivant, du fait de nombreuses affaires, notamment celle de sa gestion de la crise de Benghazi dans laquelle un ambassadeur américain est mort, avait contribué à faire perdre la candidate. "Aujourd’hui encore, il n’y a pas de personnalité plus clivante au sein du parti démocrate qu’Hillary Clinton", estime Nicolas Conquer.
Suivant la logique de Doug Schoen et Andrew Stein, on pourrait pourtant se retrouver avec un duel Trump-Clinton 2.0. En effet, le candidat républicain est plus que jamais pressenti pour l’investiture républicaine en 2024. Malgré des critiques au sein de son propre camp liées à son image polarisante, le 45e Président des États-Unis reste la figure la plus populaire dans son parti. Selon un sondage CNN, les Républicains et les indépendants d’obédience républicaine affirment, à 63 % contre 37 %, que Donald Trump devrait être le chef du parti républicain, et 51% disent que les Républicains ont plus de chances de reprendre la présidence s’il est le candidat désigné.
Pour l’heure, les deux protagonistes se gardent bien de donner raison ou tort à ces spéculations. La conjoncture politique peut évoluer rapidement en deux ans, comme l’Amérique le montre régulièrement. Une chose semble toutefois certaine: leurs noms continueront de planer au-dessus de la présidentielle à venir.